Le corps du comte Wilfried Schwerin von Krosigk a été retrouvé sans vie dans un fossé, il y a quatre jours. Mystérieusement disparu depuis le 18 juillet, l’information avait fait les principales manchettes des quotidiens allemands. Loin d’être un inconnu, cet aristocrate allemand était le fils du dernier chancelier du Reich allemand, un des derniers fidèles d’Hitler, un arrière-petit-neveu de Karl Marx et l’oncle de la députée Beatrix von Torch, la pasionaria du mouvement d’extrême-droite AFD.

Que s’est-il passé le 18 juillet au soir dans la propriété du comte  Wilfried Schwerin von Krosigk, 97 ans ? Venue le conduire à une réunion du Rotary Club, une fois toutes les pièces de sa résidence fermée, une de ses filles a constaté que le comte avait profité de cet instant pour prendre les clefs de sa Golf noire et partir seul vers une destination inconnue, laissant derrière lui son permis de conduire, son portefeuille, ses papiers d’identité. N’arrivant pas à le localiser, c’est sa nièce, la députée du mouvement d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne (AFD) qui avait lancé un appel à témoin sur les réseaux sociaux et promis une récompense de 1000 euros afin qu’on aide sa famille à retrouver le comte Wilfried Schwerin von Krosigk comme nous l’indique le quotidien Spiegel. Très rapidement, la thèse de l’enlèvement s’était répandue sur ces mêmes réseaux sociaux en raison du pedigree dynastique peu commun de cet aristocrate allemand.

Heinrich Ferdinand von Krosigk (gauche) et Ludwing von Krosigk (à droite) @wikicommons/Dynastie

Une dynastie, fidèles serviteurs de tous les régimes

Originaire de Haute-Saxe, le nom des von Krosigk est apparu au cours du XIIème siècle et a connu diverses fortunes au cours des décennies qui se sont succédé. Parmi les membres de cette prestigieuse famille d’aristocrates, on trouve Heinrich Ferdinand von Krosigk (1778-1813), franc-maçon qui a combattu le royaume de Westphalie à la tête de son propre Corps-franc avant d’être arrêté et ses biens confisqués par les français. Passé sous la bannière prussienne, il trouve la mort à la bataille de Leipzig, devenant un personnage très populaire dans son pays. Une dynastie qui a donné à l’Allemagne impériale plusieurs politiciens comme Erich Adolf Wilhelm von Krosigk (1829-1917), longtemps président du parlement du duché d’Anhalt avant d’occuper celui du Reich entre 1902 et 1906. Mais également à l’Allemagne nazie avec Johann Ludwig von Krosigk (1887-1977), dernier chancelier du Reich et père du comte Wilfried Schwerin von Krosigk, monarchiste assumé. Une ascension fulgurante comme fonctionnaire au ministère des Finances dont il prend le maroquin de 1932 à la chute du Troisième Reich. Un record de longévité jamais inégalé sous le régime nazi, Joseph Goebbels faisant régulièrement son éloge. Une fidélité qui lui permet de devenir le dernier chancelier du Reich entre le 2 et 23 mai 1945. C’est d’ailleurs lui qui annonce à la radio la reddition de la Wehrmacht, le 8 mai, date à laquelle, les nazis vont signer l’armistice avec les Alliés. Emprisonné, accusé d’avoir organisé le pillage des richesses appartenant aux juifs et mis en place l’aryanisation de l’économie allemande, il sera finalement amnistié en 1951 et se consacrera à l’écriture de sa biographie.

Une affaire qui a tenu la presse allemande en haleine

Un héritage que ne revendiquait pas le comte Wilfried Schwerin von Krosigk, qui avait, pourtant, enfant, rencontré personnellement le Führer Adolf Hitler. Par une ironie généalogique de l’Histoire, il était aussi un arrière-petit-neveu par alliance de Karl Marx, l’idéologue du marxisme. Très ancré à droite, il avait occupé divers postes politiques locaux entre 1966 et 1990. Chevalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, protestant convaincu, père de quatre enfants, il était une sommité reconnue. L’affaire a tenu en haleine la presse allemande jusqu’à son dénouement il y a quatre jours. Le corps de l’aristocrate a été retrouvé, sa voiture dans un fossé sans que l’on connaisse encore les circonstances de cet accident étrange. Lors de son 90ème anniversaire, nous indique le BILD, il avait averti ses proches qu’il n’atteindrait jamais les cent ans. Une prophétie qui s’est malheureusement réalisée.

Frederic de Natal