Choisie pour incarner la Pucelle d’Orléans, lors des fêtes johanniques de cette année, Clotilde Forgeot d’Arc porte un nom illustre. Celui d’une Sainte qui a marqué l’Histoire de France par ses exploits et qui en a payé durement le prix sur un bûcher. Catholique pratiquante, elle descendrait Pierre d’Arc, le frère de Jeanne d’Arc. Pourtant divers historiens remettent en question la généalogie des Forgeot d’Arc et nient qu’elle ait un lien avec la Pucelle d’Orléans. 

C »est un nom indissociable de l’Histoire de France. Au XVème siècle, une partie de la France est occupée par les anglais, étranglée par une guerre civile où s’affrontent bourguignons et Armagnacs. C’est dans ce contexte que va émerger Jeanne d’Arc aux origines sociales incertaines tant celles-ci divisent les médiévistes.  Pieuse, elle va répondre à l’appel des Saintes Catherine et Marguerite, de l’archange Saint Michel qui lui commandent de sauver la France. Quittant son village de Domrémy en février 1429, elle se dirige vers le château de Chinon où réside alors le roi Charles VII en compagnie d’une petite troupe menée par le capitaine Robert de Baudricourt qu’elle a su convaincre. Le début d’une aventure qui va rester graver dans le marbre du roman national français. Charles VII accepte finalement de lui confier le commandement d’une armée après une enquête minutieuse sur sa personne. Jeanne d’Arc va entrer dans la légende en délivrant Orléans le 8 mai, alors assiégée par les anglais. Un vrai succès qui marque le début de la reconquête du royaume par Charles VII et qui va permettre au souverain de marcher sur Reims et d’être sacré roi de France.  Capturée à Compiègne en 1430, elle est vendue aux anglais qui vont très rapidement la condamner au bûcher le 30  mai 1431, accusée d’hérésie. Il faudra attendre 1909 avant qu’elle ne soit béatifiée avant d’être canonisée une décennie plus tard

Jeanne au siège d’Orléans Jules Lenepveu, vers 1886-1890. Panthéon de Paris.: Jeanne au bûcher de Hermann Anton Stilke. Représentation erronée @Commonswiki

Une descendante de Jeanne d’Arc pour les fêtes johanniques 2022

Depuis lors la ville d’Orléans commémore le souvenir de Jeanne d’Arc. Des fêtes johanniques qui sont l’occasion de grandes festivités et de longue processions en costume d’époque à travers la ville pavoisée aux armes de la maison d’Arc. C »est en 1945, au lendemain du conflit mondial, qu’il a été décidé que Jeanne sera incarnée par par une jeune fille de la ville. Chaque année, elles sont une dizaine à « postuler » auprès de l’association Orléans-Jeanne d’Arc pour incarner la sainte. Pour cela, il faut remplir quelques conditions : vivre à Orléans depuis dix ans au moins, être catholique pratiquante et être scolarisée dans un lycée de la ville. Cette année, le choix du comité de sélection, composé notamment du maire, de l’évêque, de membres de l’association et de deux anciennes « Jeanne », s’est porté sur Clotilde Forgeot d’Arc, 15 ans, élève en seconde au lycée général et technologique Sainte-Croix-Saint-Euverte.  Il n’a guère fallu de temps pour que la Toile ne s’enflamme.  La famille de l’adolescente revendique sa filiation avec la Sainte, descendant directement de Pierre d’Arc, un des frères de la Sainte. « Lorsque Charles VII a anobli la famille de Jeanne, il a fait en sorte que compte tenu du caractère exceptionnel des services rendus au royaume, le titre et le nom pourraient passer par les femmes de la famille au fil des siècles afin qu’il ne s’éteigne jamais » affirme même le père de  Clotilde Forgeot d’Arc, interrogé par le revue Aleteia.  Mais pour certains généalogistes , rien n’est moins vrai et la jeune fille ne serait pas vraiment apparentée à la Pucelle d’Orléans.

Les d’Arc, anoblis par lettre patente de Charles VII

C’est en 1429 que Jeanne d’Arc et sa famille auraient été anoblis par lettre patente de Charles VII (sous le nom de Lys). L’acte d’origine a été perdu. Seuls subsistent une copie ressortie en 1550 dans le cadre d’une demande de reconnaissance d’anoblissement et des lettres confirmant la noblesse des descendants des d’Arc signées par les rois Henri II, Louis XIII et Charles X. Avec une particularité notable, celle d’être transmissible aux femmes.  La descendance directe en ligne masculine des parents de Jeanne d’Arc est attestée jusqu’à Charles du Lys qui rédige un livré résumant  « La naissance et parenté de la Pucelle»  en 1612. Malgré quelques erreurs notables, ce livre reste un trésor généalogique et de documentations sur la descendance de la Pucelle. Bien qu’il ne fasse nullement l’unanimité chez les historiens, certains remettant en cause  l’existence d’une descendance chez les frères  (Pierre, Jacques , Jean du Lys) ou la sœur (Catherine) de Jeanne d’Arc.  Pour Clotilde Forgeot d’Arc, aucun doute sur sa généalogie. « C’est une fierté d’être descendante d’un des frères de Jeanne d’Arc. Mes grands-parents ont fait de très longues recherches généalogiques pour qu’il n’y ait aucun doute » affirmait la jeune fille lors d’une interview au quotidien Le Parisien.

Une généalogie controversée

En effet,  les Forgeot ne sont pas stricto sensu des descendants de Pierre d’Arc. C’est grâce à un mariage que les deux noms vont être accolés pour être celui que porte la jeune Clotilde. En 1909, Juliette Marais d’Arc épouse Pierre Forgeot. Elle est la fille d’Henri Gauttier et d’Adélaïde Delaunay dont la filiation avec la famille de Jeanne d’Arc a été reconnue par lettres patentes par le roi Charles X. Une fois signées par le monarque en 1827, Henri Gauttier, diplomate et orientaliste de son état,  s’est empressé de faire renommer ses enfants du nom des d’Arc, faisant remonter sa généalogie à Pierre d’Arc. Si la signature royale fait foi, Michel de Sachy, de Fourdrinoy a rédigé un article sur le sujet, paru dans le Bulletin de l’A.N.F. d’octobre 1973, affirmant  « qu’il n’existe plus actuellement de descendance connue des frères de la Pucelle », rappelant au passage que l’automaticité d’anoblissement des femmes d’Arc à leurs maris avait supprimée en 1634. Selon François de Bouteiller, dans une brochure intitulée « De quelques faits relatifs à Jeanne d’Arc et à sa famille » publiée en 1879, Charles du Lys serait d’ailleurs  le « dernier mâle subsistant de la lignée de Jeanne d’Arc ». Une thèse  également mise à mal puisque l’on sait que Pierre d’Arc; dont se prévalait aussi Charles de Lys, à l’origine de ce précédent généalogique (vraisemblablement motivé par la promesse d’une exemption d’impôt),  a eu un fils décédé sans descendance en 1501. De quoi fait perdre leur latin aux généalogistes les plus chevronnés et qui remettent largement en cause les lignées de ceux qui affirment descendre des frères de Jeanne d’Arc, faute de documents probants ou d’une généalogie précise.

Loin de ces polémiques, Clotilde Forgeot d’Arc entend marcher sur les traces de son aïeule supposée. «Je suis quand même assez fier d’avoir “d’Arc” dans mon nom de famille » confiait-elle au Figaro étudiant, affirmant prier régulièrement pour la Sainte. Rien qui ne saurait ébranler ses convictions. Elle défilera aujourd’hui dans les rues d’Orléans, représentant la Pucelle avec fierté, figure historique dans laquelle chaque français se retrouve encore aujourd’hui quelles que soient ses affinités politiques. Tout est une question de symbolique à l’heure où la France en a bien besoin.

Arnaud Gabardos