C’est en assiégeant le château de Châlus-Chabrol, en avril 1199, que le roi Richard Cœur de Lion meurt, victime d’un carreau d’arbalète tiré depuis l’un des donjons de la forteresse. Avant qu’il ne rende son dernier souffle, le souverain d’Angleterre, duc d’Aquitaine et de Normandie a dicté ses dernières volontés à sa mère, Aliénor d’Aquitaine venue le rejoindre. Sans enfants, il a désigné son neveu, Arthur de Bretagne, comme son successeur. Mais Jean sans Terre, son frère, ne l’entend pas ainsi et s’arroge la couronne dont il estime qu’elle lui revient de droit, soutenu par sa mère qui va mener le dernier cygne de Bretagne vers un avenir funeste. La Revue Dynastie est partie à la rencontre de ce roi-duc de Bretagne oublié par l’Histoire.
A sa naissance en mars 1187, sa mère, la duchesse Constance de Bretagne a souhaité rendre hommage aux légendes arthuriennes dans lesquelles, elle et son époux Geoffroi II ont été élevés. Selon les prophéties de Merlin, il était écrit qu’une fois guéri de ses blessures après la bataille de Camlann, il reviendrait libérer les celtes de la domination étrangère. Autant dire que dès sa naissance, un poids pèse déjà sur les épaules du petit Arthur qui ne connaîtra pas son père. Geoffroi, fils du roi Henri II, est décédé peu de temps avant sa naissance, des suites une mauvaise joute, lors d’un tournoi de chevalerie. Conservant l’affection de son oncle, Richard cœur de Lion, l’enfant est préservé des intrigues de la cour d’Angleterre et des querelles de famille. Le roi Henri II, qui se méfie de sa bru, décide pourtant de confier Constance à Ranulf de Blondeville, un fidèle de la maison angevine des Plantagenêts, qui s’empresse de l’épouser. Véritable baron anglo-normand, il se pare du titre de duc de Bretagne mais dans la réalité fait face à la révolte de l’aristocratie locale qui ne lui reconnaît aucun pouvoir.
Un héritier encombrant
Avec la mort d’Henri II (1189), Richard Cœur de Lion entend bien faire respecter sa tutelle sur le récalcitrant comte de Chester. Sans enfants, il désigne son neveu comme son héritier direct et obtient du roi de France, Philippe Auguste, que soit reconnue son autorité sur la Bretagne. Il convoque alors Constance à Rouen mais Ranulf de Blondeville stoppe son épouse sur la route. Furieux, le souverain accourt avec son armée vers le duché de Bretagne alors que le comte fait évacuer son neveu vers Paris où il le confie à la charge de Philippe Auguste. A peine âgé de 9 ans, Arthur comprend qu’il est devenu un enjeu politique. La France entend d’ailleurs le rendre malléable afin de renforcer son influence en Armorique. Tout se complique avec la mort de Richard Cœur de Lion. Constance réussit à s’échapper de sa prison dorée (son mariage est dissous) et se remarie immédiatement avec le vicomte Guy de Thouars dont la mission est teintée de bleu capétien.
La question de la succession est sur toutes les lèvres. Arthur est devenu de facto le nouveau roi d’Angleterre mais son oncle, le prince Jean sans Terre ne l’entend pas de cette oreille. Le frère de Richard s’est arrogé la couronne et fait peu de cas de son neveu, qui marié à Marie, la fille de Philippe Auguste, ne va pas tarder à revendiquer sa couronne. Derrière le trône, sa grand-mère Aliénor d’Aquitaine qui entend soutenir son dernier fils. Arthur contrôle une partie de l’Anjou, le Maine et de la Touraine, des provinces qui refusent de s’agenouiller devant Jean Ier. Bien que faiblement armé, ce « damoiseau roux mais très beau, très bien enseigné, simple, courtois et bien élevé » va se lancer à la conquête du Poitou (1202). Arthur souhaite prendre sa revanche sur la vie et l’Histoire. Il a perdu sa mère un an auparavant. Désormais seul, l’adolescent brûle de rendre gorge à son « royal tonton ». Le destin va en décider autrement. Trahi, capturé alors qu’il assiège le château de Mirabeau où s’est réfugiée Aliénor d’Aquitaine, il est mis sous bonne garde par Guillaume de Briouze.
Une mort qui reste un mystère
Commence alors le dernier chapitre de l’existence d’Arthur Ier, roi d’Angleterre, duc de Bretagne, auréolé d’une énigme qui n’a toujours pas été résolue. « Je ne sais ce que la fortune réserve dans l’avenir à votre neveu. J’en ai été, jusqu’ici, par vos ordres, le gardien fidèle : je vous le rends vivant, bien portant, jouissant de tous ses membres. Veuillez me donner un successeur pour cette charge » écrit Guillaume de Briouze à Jean sans Terre qui lui a demandé de se débarrasser de son illustre neveu. Ce qu’il répugne à faire et qu’il paiera un jour.de sa propre vie Le sort d’Arthur a été scellé mais les circonstances de son décès demeurent incertaines. Selon les Annales de Margam, elle se situerait aux alentours du 2 avril 1203. « Après que le roi Jean eut capturé Arthur et l’eut tenu vivant pour quelque temps en prison, après dîner le jeudi précédant Pâques, comme Jean était saoul et possédé du démon [ebrius et daemonio plenus], il tua Arthur de sa propre main et jeta le corps, attaché à une lourde pierre, dans la Seine. Un pêcheur le trouva dans son filet, et ayant été ramené sur la rive et reconnu, il fut porté pour être secrètement inhumé, par crainte du tyran, au prieuré de Bec nommé Notre Dame des Prés » peut-on lire dans les écrits de cette abbaye galloise.
S’Il est un fait certain que le meurtre a été commandité par Jean Ier (rien n’indique cependant qu’Arthur a été tué de sa main), aucune sépulture n’a jamais pu être trouvée et nul ne sait ce qu’est advenu des restes du neveu de Richard Cœur de Lion. Une autre thèse affirme qu’Arthur fut juste énucléé afin de l’empêcher de régner et qu’il serait enterré à l’abbaye de Saint-André-en-Gouffern où il avait été enfermé. Mais ici, aucune tombe n’a été retrouvée portant son nom. Même la date de son décès est sujette à caution. 1203 ou 1208, difficile de la déterminer avec précision d’autant que certains écrits affirment qu’il fut noyé sur la fin de la première décennie 1200 afin d’empêcher sa libération par des barons en révolte contre le pouvoir de Jean sans Terre. Un roi qui sera d’ailleurs jugé pour ce meurtre par Louis VIII, lorsque celui-ci prendra possession brièvement de la couronne anglaise (1216-1217).
Mort, ses droits passèrent à sa sœur Aliénor mais elle ne put jamais rien revendiquer, retenue captive par Jean sans Terre durant 38 ans, jusqu’à sa mort, en 1241. Devenue à son tour, héritière, Alix de Thouars, demi-sœur d’Arthur, fut mariée à Pierre de Dreux, arrière-petit-fils de Louis VI le Gros. La Bretagne passait naturellement aux mains des Capétiens. Et si le groupe celtique Tri Yann a rendu hommage au roi disparu dans une chanson intitulée « Arthur Plantagenest » , la Bretagne, quant à elle, attend toujours que la prophétie de Merlin se réalise.