Plus d’une décennie s’est écoulée depuis la chute et la mort du colonel Mouammar Kadhafi. La Libye a sombré dans l’anarchie politique et la guerre civile avec deux gouvernements que tout oppose. Jusqu’ici, toutes les tentatives de mettre en place des élections transparentes et démocratiques ont échoué. Parmi les nouvelles propositions déposées sur la table des négociations pour le retour de la paix, la restauration de la monarchie. Une solution soutenue par l’émirat du Qatar .

Le 2 juillet 2022, C’est un étrange entretien qui a eu lieu dans les locaux de l’ambassade du Qatar, en Turquie. Le Sheikh Mohammed bin Nasser bin Jassim Al Thani a rencontré le prince Mohammed El-Senoussis, prétendant au trône de Libye. Officiellement, les autorités de l’émirat ont souhaité rencontrer le petit-neveu du roi Idriss Ier afin de discuter avec lui de « la paix en Libye et d’intérêts communs ». Une rencontre intervenue quelques jours après une vaste offensive médiatique des monarchistes libyens qui tentent de s’imposer comme alternative crédible aux négociations de paix qui piétinent. Réunis en congrès dans le cadre de la  Conférence nationale du rétablissement de la Constitution de l’Indépendance et du retour à la monarchie constitutionnelle en Libye, aux côtés de représentants de différents partis politiques, les monarchistes ont demandé que soit inscrite cette question à l’agenda du processus de paix, affirmant que seule l’option monarchique reste une alternative crédible aux maux du pays. « Rétablir un monarque constitutionnel peut sembler anachronique, mais après une décennie de division et de chaos, cela prend désormais tout son sens pour de nombreux Libyens »  a déclaré Ashraf Boudouara, leader du Movement for the Return of Constitutional Legitimacy in Libya . Il préconise le retour de la Constitution de 1951 mise en place lors de la proclamation de la monarchie.

Un solution proposée à la Ligue Arabe

Depuis le renversement et l’exécution du colonel Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est confrontée à une guerre civile, à des menaces de partition entre l’Est et l’Ouest, une corruption endémique ou une résurgence des mouvements islamistes. Deux gouvernements se jettent respectivement l’anathème sous le regard impuissant de l’Organisation des nations unies (ONU). Toutes les interventions de la communauté internationale, pour amener les différents protagonistes du conflit autour d’une table ronde, se sont soldées par un échec. Prévue en début d’année, l’élection présidentielle, censée ramener un semblant de démocratie dans le pays, a été abandonnée, paralysant une nouvelle fois tout espoir de paix. De nombreuses voix se sont élevées pour réclamer le retour de l’institution royale. Une solution qui avait été abordée en 2014 au sommet de la Ligue Arabe et qui n’avait pas fait consensus, faute aux différents leaders politiques et seigneurs de la guerre qui privilégient leurs propres intérêts et ceux des puissances étrangères impliquées dans le conflit. Homme fort du moment, le maréchal Haftar s’est dit opposé au retour de la monarchie. Le Qatar est aujourd’hui un acteur important du conflit, jouant les médiateurs.

Une maison prêt à servir son pays

Bien qu’il ne bénéficie pas de force militaire, « le soutien apporté à la monarchie constitutionnelle (n’est plus) limité aux notables des diverses tribus, mais s’est élargi au « Forum Unioniste fédéral », qui dispose d’une représentation au sein de la Chambre des députés de Tobrouk » précise d’ailleurs Anadolu Agency, l’agence de presse du gouvernement turc . Selon la presse libyenne, l’Algérie soutiendrait également cette proposition. Interrogé récemment  par le Wall Street Journal, le prince Mohammed El-Senoussis a déclaré « qu’’il est prêt à servir les Libyens s’ils décident à nouveau d’une monarchie constitutionnelle », confirmant qu’il existe bien un mouvement populaire  en faveur de la royauté, « le seul moyen viable de restaurer l’unité du pays et la légitimité de ses institutions » selon lui.

La maison des Senoussis est indissociable de l’histoire libyenne. Confrérie soufie fondée au XIXème siècle, ses différents membres se sont imposés comme des leaders naturels, créant de prestigieuses universités et prenant la tête de plusieurs tribus du Fezzan, en Tripolitaine et de la Cyrénaïque. Les trois provinces de la Libye. Opposants à la pénétration italienne et française, après la Seconde Guerre mondiale, ce sont les Alliés qui ont élevé les membres de cette dynastie à la dignité royale avec l’émir de Cyrénaïque, Idriss Ier. Exilée en 1969, la famille royale est revenue au pouvoir à la chute du Colonel Kadhafi en prenant brièvement le contrôle de la Cyrénaïque (2011-2014). L’actuel prétendant, Mohammed El-Senoussis, s’est exprimé au Parlement européen en 2011.

Frederic de Natal