La Maison grand-ducale de Mecklembourg-Strelitz a décidé de codifier sa lignée de succession. Un geste qui, au-delà de la famille, s’inscrit dans l’histoire centenaire et mouvementée de cette dynastie européenne.

Le 19 décembre 2025, la Maison grand-ducale de Mecklembourg-Strelitz a publié un communiqué codifiant l’ordre de succession : le duc Georg Borwin, 69 ans, chef de famille depuis 1996,confirme que son fils aîné, Alexander (né en 1991), et son petit-fils Léopold (né en 2023) lui succéderont directement mais décide parallèlement d’étendre des prérogatives à son cadet, le prince Michael (31 ans).

La nuance est de taille. Selon le site de la maison grand-ducale, « si le duc de Mecklembourg venait à disparaître, à se trouver empêché ou à renoncer à ses fonctions, le duc Michel exercerait alors, de plein droit et sans partage, l’ensemble des pouvoirs, devoirs et attributions relevant du droit coutumier de la Maison grand-ducale.».

Niklot Ier @Wikicommons/Håkan Henriksson

Les origines : des princes slaves aux ducs médiévaux

La dynastie des Mecklembourg trouve leurs racines au XIIe siècle, lorsque Niklot Ier (1100-1160), dernier prince souverain de la confédération salve des Abotrides, étend son autorité sur une région stratégique du nord de l’Allemagne. Tirant leur nom de Mikla Burg (grande forteresse), les premiers princes, puis ducs de Mecklembourg (XIVe siècle) héritent d’un territoire principalement rural, composé de villages, de forêts et de marais, et se distinguent par leur rôle de stabilisateurs face aux invasions et aux guerres régionales.

Au fil des siècles, le duché de Mecklembourg se consolide et devient un acteur reconnu du Saint-Empire romain germanique. La dynastie, fidèle à ses traditions, privilégie la continuité de la lignée masculine et le maintien d’une influence locale stable, tout en tissant des alliances matrimoniales avec d’autres maisons souveraines européennes.

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Charles II et Frédéric-François Ier de Mecklembourg-Schwerin @wikicommons

La scission en deux branches : Schwerin et Strelitz

En 1701, le duché de Mecklembourg se divise en deux entités : Mecklembourg-Schwerin et Mecklembourg-Strelitz. Schwerin, la branche aînée, occupe un territoire plus vaste et plus peuplé, avec environ 650 000 habitants à la veille de l’abolition de la monarchie. Strelitz, plus modeste, compte alors près de 110 000 habitants. Chaque duché conserve ses institutions, ses résidences et ses traditions propres, mais les deux branches restent étroitement liées par le sang et par des mariages entre cousins.

Les Schwerin vont compter de nombreux personnages illustres et marquants. Charles II de Mecklembourg-Schwerin (1678-1747) fut un tel admirateur du roi Charles XII de Suède qu’il l’imita dans le vestimentaire, la gestuelle ou même l’accent. Tant et si bien qu’il fut surnommé le « singe de Charles XII » par ses contemporains. Grâce à son mariage avec la princesse Catherine Ivanovna de Russie, il caressa en 1730 l’espoir de monter sur le trône. Mais, en raison de son caractère,, la noblesse russe favorisera plutôt sa belle sœur, la tsarine Anne. Seule lot de consolation, leur fille Anna sera régente entre 1740 et 1741 de son fils, le tsar Ivan VI au destin contrarié.  Frédéric-François Ier de Mecklembourg-Schwerin (1756-1837) voit son état occupé par les troupes de Napoléon Ier, doit fuir au Danemark en 1806 avant d’être autorisé à revenir un an plus tard. En 1813, il lève une armée contre son tombeur mais encore une fois ce sera un échec, les troupes française assiégeant son palais, il doit s’enfuir.

Après le Congrès de Vienne en 1815, les deux duchés sont élevés au rang de Grands-duchés. Cette reconnaissance internationale renforce leur prestige et leur influence dans l’Allemagne du XIXe siècle. Les grands-ducs Mecklembourg-Schwerin et Mecklembourg-Strelitz participent aux alliances diplomatiques, soutiennent la modernisation économique de leurs territoires et maintiennent un réseau de relations avec les autres maisons royales européennes, de la Russie à la Prusse, en passant par les royaumes scandinaves.

Adolphe-Frédéric VI de Mecklembourg-Strelitz , le Grand-duc Goerg-Borwin et le Grand-duc Frédéric-François IV de Mecklembourg-Schwerin @wikicommons/maison Grand-ducale

La fin de la monarchie et la continuité dynastique

En 1918, la chute de l’Empire allemand entraîne l’abolition des grands-duchés. Les Mecklembourg perdent leur pouvoir politique mais conservent leur patrimoine familial et symbolique. La branche Schwerin et la branche Strelitz poursuivent leur existence à travers les générations, entre résidences historiques, archives familiales et engagements culturels.

Pour autant, la famille de Mecklembourg est frappée par une tragédie. Le 23 février 1918, le corps du grand-duc Adolphe-Frédéric VI de Mecklembourg-Strelitz est retrouvé dans la forêt qui borde son palais, une balle dans la tempe. Officiellement un suicide mais le mystère demeure. Car on n’a jamais retrouvé l’arme ayant causé son décès. Sans héritier, c’est Frédéric-François IV de Mecklembourg-Schwerin ( 1882-1945) qui va assurer la régence jusqu’à la fin du Second Reich. Son fils, Frédéric-François (1910-2001), fonctionnaire et diplomate du parti Nazi, sera le dernier membre masculin de sa branche.

Depuis 1996, le Grand-duc Georg Borwin, 69 ans, est à la tête de la branche Strelitz et, depuis la mort du dernier chef de la branche Schwerin en 2001, il assure désormais la direction des deux familles. Cette double responsabilité symbolise l’unité de la dynastie et son rôle de gardien d’un héritage historique unique. Issu d’un d’un mariage non-dynaste, techniquement le titre revient à la maison des Hohenzollern. Le prince Georg-Frédéric de Prusse, chef de la maison impériale, n’ayant jamais fait acte de prétention à ce titre, le Grand-duc Georg Borwin reste toujours l’actuel héritier au trône des deux Grand-duchés.

Le changement annoncé ne modifie pas seulement un ordre de succession : il illustre également la manière dont les grandes familles européennes contemporaines, bien que privées de pouvoir politique, continuent de gérer leur patrimoine symbolique et historique avec prudence et stratégie. Alexandre, son épouse Hande Macit et le jeune Leopold, vivant aux Pays-Bas, conservent leur place dans l’ordre de succession, rappelant que la dynastie reste un héritage vivant et évolutif.


Frédéric de Natal

Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.

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