Monarque traditionnel d’Oyo, un royaume esclavagiste yorouba du Nigeria, l’Alaafin Lamidi Olayiwola Adeyemi III a rendu son âme à ses ancêtres ce 22 avril. Marié à 14 femmes différentes, cet amateur de boxe avait été un des acteurs majeurs du retour de l’influence monarchique dans cette ancienne colonie britannique de l’Afrique de l’Ouest.
C’était une figure royale et révérée au Nigeria. Le 22 avril, le palais d’Oyo a annoncé que l’Alaafin Lamidi Olayiwola Adeyemi III avait fermé les yeux définitivement sur ce monde, âgé de 84 ans. Monté sur son trône en novembre 1970, il était l’héritier d’un puissant empire Yorouba qui avait tenu tête durant des décennies au Dahomey voisin, son rival. L’Afrique de l’Ouest était alors le centre du commerce triangulaire où chaque village razziait l’autre afin de fournir des esclaves en masse aux européens venus les acheter pour les acheminer vers les Amériques. Une pratique juteuse qui permet au royaume d’atteindre son apogée entre le XVIIème et XVIIIème siècle. Dotés d’une redoutable cavalerie, les Alaafins d’Oyo vont longtemps contrôler ces routes de l’esclavage avant d’en perdre le monopole avec l’arrivée sur leur sol des Anglais qui s’empressent de faire interdire toute vente d’êtres humains (1820). Par une ironie de l’histoire, un prince d’Oyo va participer à la lutte contre l’esclavage au Brésil. Son père, enlevé par des marchands, se retrouve dans une plantation de Rio de Janeiro où son fils à la chance d’être affranchi. Cândido da Fonseca Galvão (1845-1890) va s’enrôler dans l’armée de l’empereur Dom Pedro II dont il devient un intime. Connu sous le nom de Dom Oba II, il va inscrire son nom dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage au Brésil.
La chute d’un royaume esclavagiste et polythéiste
Affaibli, le royaume Oyo va rapidement subir les assauts des Peuls et des Haoussas qui lancent des djihads contre cette monarchie polythéiste. Avec succès. Oyo est bientôt islamisée, les pouvoirs des souverains deviennent la proie de leurs ambitieux ministres. Comme au cours du XVIIIème siècle avec Bashorun Gaha, faiseur de rois qu’il n’hésitera pas à humilier ou faire assassiner. Un siècle plus tard, les Anglais mettent fin à cette monarchie et réduisent considérablement son influence (limogeage du roi Adeyemi I en 1896). Héritier de cette histoire, Adeyemi II va entrer en conflit avec l’administration coloniale qui l’accuse d’avoir tenté de faire assassiner, le leader du Groupe Action (GA). Leader local du Conseil national des citoyens nigérians (NCNC), Adeyemi II n’avait pas supporté la bravade de Thomas Bode qui avait refusé de le saluer. Déposé en 1954 par l’autorité coloniale, il avait été envoyé en exil à Lagos, la capitale coloniale, où il meurt en 1960. Des événements qui vont marquer son fils, Lamidi Adeyemi, dont le trône est désormais menacé et remis entre les mains d’un vassal pro-britannique.
Les rois, synthèse des aspirations et des objectifs de la nation dont ils sont les souverains
A peine proclamée, la République fédérale sombre dans l’anarchie, la violence, les coups d’états et la guerre civile. Lamidi Adeyemi III doit attendre la fin de celle-ci pour être enfin couronné monarque d’un royaume dont les frontières ne dépassent plus que celle de la ville d’Oyo. Ses amitiés avec les gouvernements militaires successifs lui permettent de jouer un rôle de premier plan, notamment sous la présidence du général Ibrahim Badamasi Babangida qui va lui confier la présidence permanente du Conseil des Obas et des chefs de l’État d’Oyo (en 2011, le poste est devenu rotatif après la défaite du Congrès d’action du Nigéria (ACN) aux élections et que soutenait Lamidi Adeyemi III). Il s’était battu pour que le rôle des chefs traditionnels soient restaurés. Avec succès. « Les dirigeants traditionnels doivent être considérés comme l’incarnation parfaite de la culture, ainsi que la synthèse des aspirations et des objectifs de la nation dont ils sont les souverains » avait déclaré l’Alaafin en septembre 1984.
Amateur de Boxe, il avait épousé 14 femmes et donné naissance à autant d’enfants. A l’annonce de son décès officiel, Le gouverneur de l’État d’Oyo, Seyi Makinde, a déclaré que sa disparition était « une énorme perte pour l’État, le Nigeria et la race Yorouba », saluant la mémoire d’un « monarque qui fut un digne dirigeant, une institution et une autorité réunies en une seule entité grâce à son immense expérience, sa sagesse et sa compréhension de l’histoire, de la royauté et de la politique yorouba ». Son successeur n’est pas encore connu.
Frederic de Natal