Avant de s’imposer comme une vraie leçon d’histoire, le film « Cristeros » est une fiction caractérisée par une scénographie impressionnante qui étreint avec émotion le téléspectateur. Mais derrière les plans de caméra, divers protagonistes de cette guerre civile sont mis en avant afin de faire pencher nos convictions vers un coté plus qu’un autre. Quel est le vrai du faux ce chef d’œuvre sorti sur nos écrans en 2012 ?
Inspirés des écrits de l’historien Jean Meyer qui lui a consacré une étude complète, « Cristeros » nous plonge dans un Mexique de l’Entre-deux-guerres en proie avec ses doutes, ses démons, ses envies de justice morale, ses héros, ses assassins. Le père Reyes Vega est un personnage emblématique de la christiade qui va trouver dans cette croisade l’occasion de combler ses frustrations militaires. Surnommé « El Pancho Villa de Casotana » pour son caractère exalté et impulsif, « pour ses amours et pour la facilité avec laquelle il abattait des prisonniers fédéraux » en plus d’être « capable de tuer n’importe lequel de ses soldats pour lui avoir désobéi », il est dans le film aux antipodes de la réalité noire qui l’accompagne. Campé sous les traits de l’acteur Santiago Cabrera, il est aimé de ses partisans comme un saint mais loin du rôle du père bienveillant qu’on lui attribue dans cette production colorée. En juillet 1927, il tue 50 soldats lors d’une attaque de train, égorge femmes et enfants. Un témoin racontera même que « d’une main il donnait l’absolution in articulo mortis aux blessés, et de l’autre, avec son propre pistolet, il portait le coup de grâce à celui qui le regardait ». Une vie qui va s’arrêter brutalement en mars 1929, victime d’une balle qui le traverse de chaque côté.
Une « Vendée mexicaine »
Les enfants ont-ils participés activement à ce conflit comme le suggère le film, notamment avec la figure de José Luis Sánchez del Río, un adolescent qui a été béatifié par le Pape Benoit XVI ? Il n’était pas rare à cette époque que des familles entières rejoignent les cristeros. Selon Jean Meyer qui a consacré plusieurs ouvrages sur cette « Vendée mexicaine », on trouve des cas de d’enfants de 10 ans, des orphelins, qui avaient rejoint les cristeros et qui devaient faire leurs preuves en procurant chevaux et fusils aux insurgés. Ici le film tend à démontrer la popularité toutes générations confondues de la christiade. Porte-drapeau des cristeros, José Luis Sánchez del Río avait souhaité donner sa vie pour Jésus. Capturé par les forces gouvernementales en juillet 1928, il est torturé et refuse d’abjurer sa foi. Mis en face d’un peloton d’exécution, l’officier lui demanda de renoncer au christianisme tout en lui promettant la vie sauve. « Je ne céderai jamais. Viva Cristo Rey ! » répond José Luis Sánchez del Río avant de tomber sous les balles. Il était à peine âgé de 14 ans.
Lors des scènes de combats, on peut voir que les cristeros abusent des balles sans complexe. C’est naturellement impossible puisqu’ils ont rapidement souffert d’un manque d’armement. C’est grâce à leurs victoires, en prenant les fusils des gouvernementaux tués lors des affrontements qu’ils ont pu se constituer un stock suffisant pour se battre et mettre en place une guérilla, mode de guerre initié par général Enrique Gorostieta Velarde. Il semble assez certain que les cristeros aient été aussi les victimes d’un embargo sur les minutions mis en place par les Etats-Unis qui ont préféré soutenir un gouvernement prêt à leur garantir des accords commerciaux juteux tout en tentant de jouer les médiateurs entre les deux parties. Il est même probable que Washington ait vendu des armes à Mexico d’après le New York Times de cette époque. Le général Enrique Gorostieta, joué par l’acteur Andrés Arturo García Menéndez, multiple nominé à différents Awards, est indissociable des cristeros. Homme profondément attaché à sa famille, intègre, totalement engagé dans la défense de la liberté religieuse, qui croyait en la justice et la liberté, un chrétien fervent qui invoque Dieu, le Christ, la Vierge de Guadeloupe, il tombe quelques jours avant la fin des combats (1929), trahi par un agent des renseignements mexicains. Il est donc impossible que ce général ait pu rencontrer le président anticlérical Calles comme le sous-entend le film. Quoiqu’une autre version affirme qu’il fut un franc-maçon ambitieux et agnostique, tué simplement par une patrouille.
Frederic de Natal.