Que vient faire Geneviève de Fontenay dans une revue d’histoire consacrée au sacre des Capétiens ? En réalité, la consécration d’une reine de beauté pour célébrer les différentes provinces et traditions de France mobilise  l’imaginaire royal bien plus qu’on ne le croit. 

Elle a remis son chapeau bicolore avant de nous accueillir. « Je suis en ménagère, habituellement, mais c’est Geneviève de Fontenay que vous veniez voir ! » Son appartement, dans une tranquille résidence de Saint-Cloud, est décoré avec soin, sans prétention particulière. Geneviève, « pas madame », vient d’un milieu modeste. Si elle a fréquenté les grands de ce monde – et qu’elle les fréquente encore, comme en témoignent ses échanges énergiques par textos avec Emmanuel Macron –, elle n’en a jamais fait partie.

Geneviève de Fontenay @Dynastie

Mais comment cette dame de 88 ans en est-elle venue à Miss France ? Elle rencontre l’amour de sa vie, Louis Poirot, dit Louis de Fontenay, lors d’un concours de beauté que celui-ci organise en région. Et elle sera fidèle à cet homme, aux concours de beauté et aux régions toute sa vie. « Miss France, pour moi, c’est la France profonde, la France des traditions, du folklore, du terroir. C’est ce qui nous vient de notre histoire », nous raconte cette Lorraine. C’est « l’âme éternelle » de la France que ce concours vient couronner, au sens propre comme figuré, car « la couronne, ça fait rêver ». Marie-Antoinette aurait-elle pu se présenter ? « Ça dépend ! Elle était suffisamment grande[1] ? » En revanche, on n’élève pas les téléspectateurs avec des musiques « amerloques » ou des bikinis. Geneviève a tiré son chapeau en 2007, mais elle reste la gardienne du temple et de la décence.

Le vocabulaire du sacre
Pourquoi la cérémonie des Miss France est-elle le sacre d’une reine de beauté, couronnée d’un diadème et accompagnée de ses dauphines ? Cela n’est pas si étonnant quand on s’intéresse à la figure de Maurice de Waleffe, créateur de l’ancêtre du célèbre concours, La Plus belle femme de France. Maurice Cartuyvels (de son vrai nom) était un journaliste, reporter et chroniqueur mondain. Fasciné par l’histoire et le décorum, il militait pour le retour de la culotte et du bas de soie (contre les pantalons « informes » que les hommes portaient alors) et alla  jusqu’à se faire passer pour un enfant de chœur pour assister à une messe privée de Pie IX. Très politique, il inventa le concours de beauté en 1920 pour mettre en valeur les provinces de France et leurs traditions. La gauche républicaine, qui en était très consciente, avait d’ailleurs réagi en procédant à l’élection de la Marianne de Paris en 1925. Mais c’est le concours de Maurice de Waleffe qui a survécu jusqu’à nos jours, sous le nom de Miss France.

Si la dame au chapeau n’est plus formellement dans l’organisation du concours de Miss, elle continue à s’intéresser à la vie médiatique et politique. Tout y passe, d’ailleurs, avec des mesures parfois extrêmement concrètes, tant sur les PME et l’heure d’été, à propos desquelles elle « textote » au président Macron, que sur le « gayriage » et l’accès au porno des enfants. « Vous savez, je suis de gauche », nous rappelle d’emblée l’emblématique électrice d’Arlette Laguiller. Ce qui ne l’empêche pas d’imaginer Xavier Bertrand, son premier choix, à la tête de l’État. Mais elle suit aussi de près Éric Zemmour, à 3 % dans les sondages au moment de l’entretien : « Quand même, il a une mémoire d’éléphant et une culture extraordinaire. » Geneviève a eu le nez creux : le pas-encore-candidat est désormais à 17 %. Et c’est normal qu’elle sente ce genre de choses, « les présidentielles, c’est comme les concours de Miss, il faut quelque chose qui ne s’explique pas ».

NB

[1]     Ça tombe bien, Marie-Antoinette mesurait tout juste 1,70 m.