Prétendant au trône de Russie, le prince Andreï Romanov est décédé. Considéré comme le chef de la Maison impériale des Romanov par une partie de l’aristocratie et des monarchistes russes, le prince Andreï Andreivitch Romanov est décédé dans la nuit du 28 au 29 novembre. Il avait 98 ans.

C’est loin de son pays que le prince Andreï est né. Petit-fils du Tsar Alexandre III et arrière-petit-fils du Tsar Nicolas Ier, il a vu le jour le 21 janvier 1923, à Londres. C’est ici que ses parents, le prince Andrei Alexandrovich et son épouse Elizabeth Sasso, la fille d’un duc italien, se sont réfugiés après la révolution d’Octobre. Brièvement emprisonnés dans leur palais de Dulber (Crimée), ils avaient pu embarquer à bord du « Forsyth » de la Royal Navy. Filleul du roi Edouard VII, le prince Andreï a été élevé dans la foi orthodoxe, sous la stricte surveillance de sa grand-mère, la grande-duchesse Xenia (sœur du tsar Nicolas II)et dans la perspective que les Romanov seraient de nouveau appelés à régner.  Mais l’évolution politique de la Russie qui se transforme en Union soviétique fait perdre tout espoir à ses parents qui décident de l’éduquer comme tout un chacun.

Prince Andreï Romanov @russianromanovs/screenshot/Dynastie

Une anecdote affirme qu’alors que ses parents se reposaient dans le parc du château de Windsor et qu’il faisait du vélo, le prince Romanov a rencontré inopinément la future Elizabeth II qui se promenait avec sa nounou. La rencontre n’aurait pas été du goût du roi George V qui aurait convoqué la grande-duchesse Xenia pour lui rappeler qu’il n’était pas souhaitable que les deux familles se parlent ainsi. Ce qui n’a pourtant pas empêché le prince Andreï d’être présenté à la reine Mary de Teck à l’âge de 6 ans. Un thé dont il se souviendra longtemps, ayant mangé les bonbons de sa cousine. Enfant, ses menus plaisirs se résumaient à quelques promenades en forêt,  la pêche à la perche dans la Tamise et le dessin, un talent qu’il tenait de son propre père.

Les canons allemands viennent bientôt rompre l’insouciance d’un jeune homme, étudiant à l’Imperial Service College, qui décide de s’engager dans la Royal Navy en 1942. L’état-major britannique lui propose un poste d’officier amis Andreï estime qu’il doit gagner ses galons et que ses compétences ne reposent pas sur son nom prestigieux. Placé sous le commandement de l’amiral Sir Cecil Harcourt, il sert d’interprète. Ironie de l’histoire, il va être le premier Romanov à reposer le pied en Russie grâce à l’acheminement de matériel des Alliés aux soviétiques. « Notre navire était l’un des six du convoi qui accompagnait les cargos vers Mourmansk. Deux navires allemands nous ont traqué et nous ont attaqué. Pendant le combat, nous avons été endommagés mais heureusement, personne n’a été tué » racontait à ce propos le prince Andreï Romanov qui participera à la bataille de l’Atlantique, à la campagne d’Afrique du Nord et au débarquement allié en Normandie. Démobilisé en 1946, il retourne en Grande-Bretagne.

Prince Andreï durant la Seconde guerre mondiale

Il s’installe dans une ferme du Kent où il passe le concours d’ingénieur agronome. La fin du conflit mondial le met face à ses doutes. A 26 ans, il décide de partir vers les États-Unis avec seulement 800 dollars et une invitation de ses cousins à les rejoindre sur le continent de toutes les possibilités. Un voyage palpitant, coincé dans un cargo transportant des chevaux de course, des pigeons et à peine 8 passagers. Il a vécu entouré des portraits de ses ancêtres, dévoré des livres sur l’histoire de Russie mais Andreï Andreivitch Romanov a décidé de tourner le dos au passé glorieux de sa famille, préférant aux rêves, une réalité plus abrupte. Il va travailler à la California Packing Company où il va cultiver des tomates et développer de nouvelles variétés. Il reprend même des études la sociologie et la médecine à l’Université californienne de Berkeley. C’est un touche à tout. Il devient courtier dans une compagnie maritime et passe trois ans au Japon puis en Corée avant de revenir au pays de l’Oncle Sam où il sera successivement agent immobilier, employé, menuisier, bijoutier ou encore designer.

« Il n’ y a plus de prétendants à la couronne aujourd’hui. Je pense que la décision appartient  au peuple russe ».

C’est en citoyen américain qu’il arrive en Russie en printemps 1990, devenant ainsi et de nouveau le premier Romanov à débarquer à Léningrad. En juin 1992, avec d’autres membres de la maison impériale, il a fondé une association qui conteste fermement les droits de la branche rivale des Alexandrovitch au trône. C’est la première fois qu’il fait une incursion en politique. En 1998, il assiste à l’inhumation des restes de Nicolas II et de sa famille. A partir de cette date, il va multiplier les venues en Russie jusqu’en 2013 pour les quadri-centenaire de la maison impériale. Retiré à Inverness, dans une maison vieille d’un siècle, « un endroit idéal pour une vie royale », il se consacre à la peinture et exposera ses créations. Bien qu’il ait hérité des droits au trône de Russie en 2016, il n’avait jamais fait réellement acte de prétention. Concernant le trône russe, il se contentait de déclarer « qu’il n’ y avait plus de prétendants à la couronne aujourd’hui. Je pense que la décision appartient  au peuple russe ».

Le prince Andrei avec ses trois fils. De droite à gauche ( Alexis, Pierre et Andreï) @romanovtoday

Le prince a été marié trois fois. D’abord à Elena Durneva (1927-1992) dont il a divorcé en 1959, puis à Kathleen Norris (1935-1967) petite-fille du célèbre écrivain américain Charles Norris Gilma et enfin en 1969, l’artiste Ines Storer (née en 1933). De son premier mariage, il a eu Alexis (68 ans, sans enfants, photographe) et de son second mariage, Pierre (né en 1961) et Andreï (né en 1993).

Frederic de Natal