Le duc et la duchesse de Cambridge sont arrivés au Belize pour un tour d’une semaine dans les Caraïbes – leur premier voyage conjoint à l’étranger depuis le début de la fin de la pandémie. Mais pour certains quotidiens britanniques, cette visite de William et Kate est perçue comme une tentative de redorer l’image de la monarchie dans ces derniers confettis de l’empire défunt, tentés de suivre l’exemple récent de la Barbade.
Samedi 19 mars après-midi, le duc et la duchesse de Cambridge sont arrivés au Bélize, première étape d’un tour des Caraïbes qui doit les mener également aux Bahamas et en Jamaïque. Si l’accueil a été chaleureux à leur descente d’avion, plusieurs voix locales se sont faîtes entendre contre ce voyage, contraignant le prince William et son épouse Kate Middleton à renoncer à visiter une exploitation de cacao en raison de « sujets sensibles ». Il s’agit du premier grand déplacement à l’étranger du couple princier depuis la fin de la pandémie et il est loin d’être anodin. Plusieurs pays du Commonwealth envisageraient désormais de couper les liens avec la monarchie, suivant l’exemple de l’île de la Barbade qui a définitivement baissé l’Union Jack de tous ses bâtiments administratifs le 30 novembre 2021. Une opération de charme dénoncée comme scrutée par divers quotidiens britanniques.
Arriving in Belize, the first stop of our Caribbean tour! 🇧🇿 🇯🇲 🇧🇸 pic.twitter.com/3x6vRVfYbr
— The Duke and Duchess of Cambridge (@KensingtonRoyal) March 19, 2022
Après la Barbade, un effet domino à prévoir ?
Journal de centre-gauche, c’est le Guardian qui a sonné la charge contre ce voyage officiel. Selon Rachel Hall qui a consacré un large article sur le sujet dans l’édition du 18 mars, il s’agit pour les Windsor de « persuader les nations caraïbéennes [membres du Commonwealth-ndlr] de soutenir l’institution royale, tant la reine aurait été consternée par la perte de la Barbade ». Un constat partagé par Patrick Vernon, militant de l’association Windrush, du nom de ce paquebot qui a été le premier à faire débarquer à Londres des centaines d’immigrés issus de tout l’empire en 1948. « La Grande-Bretagne a toujours des liens juridiques et économiques clés, ce qui rend difficile pour un pays comme la Jamaïque d’être véritablement indépendant. Cette année est l’occasion pour les gens de réfléchir : voulons-nous être une république, et qu’est-ce que cela signifie ? Si la Jamaïque le décidait, il y aurait un effet domino sur le reste des Caraïbes anglophones » affirme-t-il.
55% of respondents say The Queen must go.
The queen of England 🏴 should not be the head of state of Jamaica 🇯🇲 https://t.co/5blrvqc4W0— Mutabaruka (@Mutabaruka_Ja) September 5, 2020
La Jamaïque souhaite son indépendance
C’est d’ailleurs sur l’île natale de Bob Marley que tous les regards sont tournés. Depuis des mois, les appels à la fin de la monarchie se sont multipliés. Le chef de l’opposition jamaïcaine, Mark Golding, a réclamé destitution de la reine comme chef de l’État. Un avocat, Hugh Small QC, a récemment brûlé les trois perruques qu’il porte dans le cadre de ses fonctions, jugés comme un symbole de colonialisme, et a reçu de nombreux soutiens de personnalités comme l’artiste Sizzla Kalonji, connu du grand public pour ses chansons aux accents homophobes revendiqués. La jeunesse jamaïcaine, très sensible aux discours du Black Lives Matter (« La vie des noirs compte ») juge très durement le bilan de la monarchie et a érigé la présidente de la Barbade, Mia Mottley, au rang de « héros national ». C’est aujourd’hui 55% des habitants qui demanderaient leur indépendance totale du Royaume-Uni, d’après un sondage commandé par le Jamaica Observer en 2020. A peine 30% des habitants de cette île aux eaux cristallines soutiendraient encore la monarchie. Même au plus haut sommet de l’état, on souhaite la fin de toutes relations avec Elizabeth II. A la tête du gouvernement, le travailliste Andrew Holness a présenté une proposition visant à proclamer la république. « Nous devons élaborer un plan pour y parvenir d’une manière qui soit significative et substantielle » a déclaré le Premier ministre en décembre dernier ainsi que le rapporte L’Express dans sa parution du 19 mars.
« Nous avons connu des siècles d’esclavage, suivis de colonialisme dans les Caraïbes. Les dommages qui ont été causés économiquement et historiquement par la Grande-Bretagne sont vastes, et les héritages de cela se poursuivent. Avoir toujours la reine à la tête de l’État, de nos jours, me déconcerte » déclare Emily Zobel Marshall. « Je pense qu’il est important symboliquement de ne pas faire partie de cette hiérarchie. Au lieu d’envoyer le couple là-bas afin de redorer l’image de la famille royale, ils devraient parler de ce qui est le mieux pour nous. Il est important que les pays qui peuplent les Caraïbes soient fiers d’eux-mêmes et qu’ils soient indépendants de la Grande-Bretagne » plaide cette universitaire dont les recherches portent sur la culture caribéenne.
Wow! What a welcome 🎉
It was a privilege to spend time with the Garifuna community and experience some of their traditions, here in Hopkins.
Thank you Mama G for hosting such a special event! pic.twitter.com/jX3u2dFEy5
— The Duke and Duchess of Cambridge (@KensingtonRoyal) March 20, 2022
Une publicité positive indispensable à famille royale
Pour Kensington Palace, qui n’ignore rien des polémiques du moment, on se contente de communiqués laconiques, éludant toute problématique du genre. Une porte-parole du palais a déclaré que le couple s’était montré « très impatient de visiter la région des Caraïbes » et « d’avoir l’occasion de remercier les communautés du Belize, de la Jamaïque et des Bahamas pour le soutien qu’ils avaient apporté à la reine ». Dont acte ! Quel que soit l’issue de ce déplacement officiel, à court ou long terme, la visite de William et Kate apportera à coup sûr une publicité positive indispensable à famille royale dans les Caraïbes. Une monarchie qui ne ménage pas d’ailleurs sa peine pour convaincre les sujets de Sa Gracieuse Majesté et qui inonde les réseaux sociaux de photos et vidéos du couple Cambridge radieux, loin de tout protocole. Avec succès. Mais c’est aussi une institution royale qui en profite pour dessiner discrètement l’après-Elizabeth II et qui s’assure déjà que l’œuvre comme l’héritage de la reine seront pérennes dans toutes les nations qui composent le Commonwealth.
Frederic de Natal