Ancrée en Alsace depuis le XIIIᵉ siècle, la famille de Waldner de Freundstein incarne la fidélité et le prestige d’une noblesse attachée à son territoire. Entre service des rois de France, gloires militaires et innovations modernes, cette dynastie a traversé huit siècles d’histoire sans jamais renier ses racines.

Une grande aventure dynastique au cœur de l’Alsace
La famille de Waldner de Freundstein est l’une des plus anciennes et prestigieuses lignées de la noblesse alsacienne. Depuis le XIIIe siècle, elle a marqué l’histoire de cette région tiraillée entre France et Allemagne, par sa fidélité aux puissants de son époque, sa participation aux grands événements militaires et son enracinement dans le paysage alsacien.
L’histoire de la famille commence au XIIIe siècle avec Krafft de Guebwiller, cité en 1235 comme chevalier et ministre de l’abbaye de Murbach. Il est le premier à porter le nom de Waldner, attestant de son appartenance à la noblesse locale. En 1280, la famille entre en possession du château-fort de Freundstein, situé près de Goldbach-Altenbach, un bien partagé entre l’abbaye de Murbach et l’évêque de Strasbourg. C’est le début d’une grande aventure dynastique qui va traverser tous les siècles.

Au service des princes de l’Europe et des Arts
Elle est peu connue du grand public. Pourtant, cette famille a produit d’éminents personnages qui ont tous jouer un rôle dans l’histoire de France. Le baron Frédéric-Louis II de Waldner de Freundstein (1676-1735) se révèle un excellent diplomate au service du margrave d’Ansbach à la Cour de France, puis celle de Vienne, avant de se retirer dans ses terres en 1720. Pour peu de temps, car ses talents sont repérés par le roi de France qui entend l’employer. Son fils ne va pas démériter. Le comte Christian-Frédéric-Dagobert de Waldner de Freundstein (1712-1783) sera nommé au régiment des Gardes suisses avant d’être nommé aide de camp auprès de Louis-Auguste de Bourbon, prince des Dombes. Il participera à la célèbre bataille de Fontenoy, un des dernières de ces « guerres en dentelles », en 1745. Une carrière militaire exemplaire au service d’un royaume dont il fut un zélé serviteur.
Une maison qui va aussi produire un des plus éminents musiciens de son temps. Sa fille, Victorine Desroches de Lisle, sera la grand-mère maternelle du compositeur Hector Berlioz. Une de ses petites-filles, Henriette Louise de Waldner de Freundstein (1754–1803), sera un témoin précieux de la vie aristocratique européenne dont elle révèlera les joies et tragédies dans ses mémoires.
.

Une famille dans le cyclone révolutionnaire
La famille Waldner de Freundstein ne va pas échapper aux bouleversements nés de la Révolution française. Frère d’Henriette, le comte Godefroy Waldner de Freundstein (1857-1818) est élu député de la noblesse pour le Haut-Rhin en 1787. Lorsque la monarchie tombe, ce fidèle des Gardes suisses est en Autriche. Monarchiste convaincu, il tente de rentrer en France mais la nouvelle République se méfie de lui et lui refuse tout passeport. Il devra patienter jusqu’à l’arrivée au pouvoir du général Bonaparte (1799), l’établissement du Consulat pour reprendre ses activités.
Président de l’assemblée du canton de Soultz (1807-1811), à nouveau député (1811-1814), un de ses fils, aide de camp du maréchal Bessières, sera tué à la bataille de Wagram (1809). Il sera un de ceux qui préconisent à Napoléon Ier son abdication et se retire dans son château. Doté d’une large progéniture, un autre de ses fils, Edouard (1789-1879) sera un sénateur du Second empire (1863-1870) ; auréolé des gloires de Russie.
Une de ses filles, Diane, sera la maîtresse de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, avec lequel elle aura une fille : Jenny von Gustedt (1811-1890) qui sera plus allemande qu’elle ne sera française tout au long de sa vie. Amie du dramaturge Johann Wolfgang von Goethe, sa famille laissera sa marque dans l’histoire du Second Reich. Parmi les descendants de Jenny, on compte Lily Braun (1865-1916), pasionaria féministe et socialiste qui participa à l’avènement de la République de Weimar et Marianne Margarete Freifrau von Weizsäcker (née en 1932) veuve du sixième président fédéral allemand Richard von Weizsäcker, petite-nièce de la précédente .
.

Une famille qui continue de traverser les siècles
Les Waldner de Freundstein se distinguent au cours des décennies dans le métier des armes. Godefroy de Waldner de Freundstein (1824-1917) est acteur de la guerre franco-prussienne qui fait basculer sa famille dans le giron allemand. Elle demeurera toujours fidèle à la France. Cette dynastie va également briller sur-le-champ industriel en se lançant dans activités manufacturières aux côtés de la maison « Nicolas Koechlin & frères », avec un autre Godedroy (1792-1865), candidat malheureux aux élections cantonales de 1848 puis aux législatives de 1849. Elle participe même à la modernisation du réseau postal et la création d’une pépinière renommée.
Un de leurs descendants, Christian de Waldner de Freundstein (1908-1990), a su redorer le blason terni par le temps de sa dynastie. Nommé Président-directeur général (PDG) de la société IBM (1952-1960), c’est à lui que l’on doit la paternité du mot « ordinateur », passé dans le langage courant.
Bien que le château de Freundstein soit en ruines (il ne reste qu’un donjon apparent), il reste un symbole de la grandeur passée de cette famille au destin méconnu. Aujourd’hui, les descendants des Waldner de Freundstein perpétuent toujours cet héritage qui fascine l’Alsace et qui la présente souvent par le biais d’expositions comme celle de Mulhouse (2019) qui a rendu hommage à cette dynastie alsacienne avec laquelle la ville fut longtemps en conflit.
Frédéric de Natal
Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.