La monarchie des Habsbourg est terminée. Mais croire que leur mémoire s’est éteinte avec la fin du règne serait une erreur dans ce témoignage. Le prince Rudolf de Habsbourg-Lorraine a bien voulu nous dire pourquoi Charles et Zita restent des figures capitales : plus qu’aucun autre couple impérial, ils ont sur conjuguer le pouvoir et la sainteté.
Dynastie : Monseigneur, pouvez-vous nous dresser un premier bilan des célébrations du centenaire de la mort de l’empereur Charles ?
Rudolf de Habsbourg-Lorraine : En préambule, je veux noter que parmi ses titres figurait celui de roi de Galicie, région aujourd’hui partagée entre la Pologne et l’Ukraine et dont la capitale historique était Lviv, devenue la grande ville de l’Ukraine occidentale. Un siècle après sa mort, comment ne pas demander à Charles Ier, lui qui offrit sa vie pour ses sujets, d’intercéder pour la paix en Europe ? Le plus important dans ces commémorations, c’est le plan spirituel. Des messes ont été dites dans le monde entier le 1er avril. Je suis allé à Madère. Les Portugais ont réalisé quelque chose de vraiment extraordinaire ave quinze jours de commémorations, pour le seul bienheureux de l’île. Nous sommes allés à la veillée du jeudi 31 mars à l’église du Collège des Jésuites de Funchal, où se sont succédé chapelet et témoignages. Le lendemain, nous avons assisté à la messe pontificale en la cathédrale de Funchal, qui était pleine, avec des écrans géants pour suivre la cérémonie depuis l’extérieur. Nous avons entendu un très beau sermon de l’évêque de Funchal. L’après-midi, nous sommes montés pour le salut du Saint-Sacrement à l’église du Monte, où se trouve la sépulture de mon grand-père. À l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse 2023, le bienheureux Charles sera l’un des sept saints donnés en exemple aux participants, avec l’idée d’en faire un modèle pour ceux qui s’engagent en politique.

Dynastie : Pouvez-vous nous dire où en est la procédure de béatification de l’impératrice Zita ?
Rudolf de Habsbourg-Lorraine : J’ai très bien connu ma grand-mère, qui était ma marraine. Sa procédure de béatification s’est ouverte en 2010 au Mans, et non pas à Coire, dans le diocèse où elle est morte. Rappelons en effet qu’elle était oblate de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes, dans le diocèse du Mans, où trois de ses sœurs furent aussi religieuses. C’était l’endroit logique pour instruire son procès en béatification. Il faut saluer ici le travail de Dom Dupont, alors abbé de Solesmes, de l’historien Jean Sévillia, et de l’ancien député européen Elizabeth Montfort. Monseigneur Le Saux, évêque du Mans, préside le tribunal ecclésiastique. Ma famille m’a demandé d’assister le Conseil. Le postulateur de la cause est l’abbé Alexander Leonhardt. Depuis douze ans, on a procédé à l’interrogation des 37 témoins. J’ai moi-même dû répondre à 270 questions durant dix-huit heures, sous serment. Le tribunal a recueilli des témoignages de sainteté, notamment des faveurs spirituelles. La commission des historiens est présidée par Fra’ Emmanuel Rousseau, membre du Souverain Conseil de l’ordre de Malte. Cette com- mission a fourni un travail énorme en Amérique du Nord et en Europe. Tout ce travail est en voie d’être achevé et il faut désormais obtenir la reconnaissance d’un miracle par l’Église : deux seront analysés à cet effet. Après cela, les documents iront du Mans au Vatican, où ils seront revus et analysés par la Préfecture pour la cause des saints, qui chargera trois commissions de douze cardinaux chacune de rendre un avis au Saint-Père. Pour ce qui est de la canonisation de mon grand-père, il ne manque que le second miracle. Aux États-Unis, la guérison d’un cancer a été attribuée à son intercession, mais la personne est morte quatre ans après d’une autre cause, donc le miracle n’a pas été retenu. L’Église n’a pas le droit de se tromper.
« Notre famille ne gouverne plus des États et notre règne doit donc être spirituel, s’exprimant par la parole et surtout par l’exemple vécu au quotidien. »
Dynastie : Quel témoignage catholique votre famille, les Habsbourg-Lorraine, peut-elle rendre en ce début de XXIe siècle ?
Rudolf de Habsbourg-Lorraine : Il faut ici reprendre le mot de l’écrivain André Malraux : « Le XIXe siècle sera spirituel ou ne sera pas. » Nous assistons àu ne décadence des mœurs, à la baisse de la pratique religieuse et nous avons vu l’adoption de lois d’élimination des personnes les plus fragiles. Notre famille ne gouverne plus des États et notre règne doit donc être spirituel, s’exprimant par la parole et surtout par l’exemple vécu au quotidien. Il y a différentes façons de témoigner, selon la sensibilité de chacun. Le monarque doit tout d’abord servir ses sujets. Nous pouvons servir par l’étude, par le soutien à l’Église, en étant de bons parents, et, pour ceux qui y sont appelés, en étant de bons prêtres ou de bons religieux. Il faut toujours et partout jouer notre rôle, remplir notre devoir. Comme le disait Charles Ier : « Toujours et en toutes choses je m’efforce de discerner la volonté de Dieu et ensuite de l’accomplir le plus parfaitement possible. »
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Frédéric de Natal
Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.







