Ce 14 février, les restes de la reine Farida d’Égypte ont été transférés du tombeau familial Zulificar vers les tombes royales de la mosquée Al-Rifai où elle reposera désormais aux côtés du roi Farouk et de ses trois filles, les princesses Faryal, Fawzia et Fadia. Un déplacement motivé par la destruction de sa tombe et demandé par le gouvernorat du Caire afin de permettre la construction d’un pont en dépit de nombreuses objections.
« Une insulte faîte à l’encontre de la reine ». Biographe officiel de la reine Farida, le docteur Abdel Karim Lotus ne décolère pas sur les réseaux sociaux depuis l’annonce officielle du transfert de ses restes vers la Mosquée Al-Rifai qui accueille de nombreuses tombes royales. En novembre 2021, les médias égyptiens ont révélé que le gouvernorat du Caire avait pris la décision de détruire un vieux cimetière de 130 ans afin de permettre la construction d’un pont censé désengorger la capitale égyptienne. L’affaire aurait pu passer inaperçue si dans ce cimetière ne reposait pas une des épouses du roi Farouk Ier.
Des négociations entre la famille de la reine et le gouvernement
Interrogé par différents médias égyptiens, Seifullah Zulfikar, petit-fils de Mohammed Saïd Pacha, frère de la reine Farida, a révélé les détails de ce « triste processus ». Informé de la décision du comité mis en place pour coordonner les travaux, la famille de la défunte reine avait immédiatement envoyé une pétition, depuis son lieu de résidence en Russie, au bureau présidentiel de la République arabe d’Égypte afin d’exiger que le cimetière soit préservé. Des négociations entre les parties concernées n’ont pas permis de stopper les travaux en cours mais Le Caire a accepté de prendre en charge le transfert des restes de la reine Farida. C’est son petit-fils, le prince Shamil, qui a coordonné le déplacement du cercueil de la souveraine vers son nouveau lieu de repos, la mosquée Al-Rifai.
Seifullah Zulfikar a expliqué que sa famille avait été étonnée de découvrir que le linceul de la reine était intact. « Nous avons été surpris par le linceul de la reine Farida Sulaiman, qui ne s’est pas décomposé au cours des années alors que celui de sa mère, Zainab Saeed, décédée deux ans plus tard, semble s’être évaporé. Par contre, nous savons pas si le corps de Farida s’est décomposé à l’intérieur du linceul ou est resté le même » a ajouté son petit-neveu qui confie son « excitation ». « La reine Farida est maintenant à la place qu’elle mérite, à côté de ses filles » a ajouté Seifullah Zulfikar qui est revenu sur le destin de la reine Farida.
Une reine avant-gardiste
Née en septembre 1921, Safinaz Zulfikar était issue de la noblesse alexandrine et portait déjà sur ses épaules un arbre généalogique éloquent. Son père était vice-président de la Cour d’appel mixte d’Alexandrie, son grand-père maternel était le Premier ministre Mohammed Saïd Pacha et elle était également la nièce de l’illustre artiste Mahmoud Saiid. Élevée à Notre-Dame de Sion d’Alexandrie, dirigée par des religieuses françaises, c’est à l’âge de 16 ans qu’elle épouse le roi Farouk et prend le nom de Farida. Un mariage malheureux en dépit de la naissance de trois filles. Faute d’héritiers, elle fut répudiée après une décennie de mariage, en 1948 (elle affirme avoir elle-même demandée le divorce). Ses biens confisqués à la révolution, 4 ans plus tard, elle va vivre chichement de sa peinture. Exilée à Paris en 1968, elle ne fut autorisée à revenir dans son pays qu’en 1974. Atteint d’une leucémie, parlant un français impeccable (elle avait accordé un entretien à la Radio Télévision Suisse, détaillant les derniers instants de la monarchie et de sa vie de souveraine), elle meurt en octobre 1988. Seifullah Zulfikar précisé « qu’elle avait été très aimée de ses compatriotes même après son divorce » faisant remarquer son combat envers les droits des femmes et rappelant qu’elle avait largement contribué à donner une image moderne de la monarchie. « Il est normal que cette histoire touche les égyptiens dans leurs coeurs » reconnaît-il.
« La reine Farida était une belle personne. Elle aurait mérité un meilleur hommage » regrette le docteur Abdel Karim Lotus. Le biographe, qui n’a pas assisté au transfert, a estimé qu’une fois de plus l’Histoire royale de l’Égypte était encore sacrifiée au nom du tout industriel bétonné.
Frederic de Natal