Et si demain la monarchie française revenait au pouvoir après deux siècles d’absence, qui serait le prétendant au trône ? Depuis 1883, deux princes issus de l’arbre Capétien revendiquent la couronne d’Henri IV dont ils sont les descendants directs. Que ce soit Jean d’Orléans, comte de Paris ou Louis-Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou, l’un comme l’autre se déclarent disponibles si les Français le souhaitent. Médiatisés, ils portent l’espoir de leurs partisans respectifs qui se battent afin de faire valoir les droits de leurs poulains respectifs. Mais saviez-vous que, tapis dans l’ombre, d’autres prétendants rêvent ou ont rêvé de leur damer le pion sur l’échiquier fleurdelysé ?
Les Bourbons-Bhopal
La monarchie française a toujours été régie par des lois fondamentales qui sécurisent la succession au trône de France dont le principe d’hérédité par primogéniture masculine et celui d’indisponibilité. Et c’est bien sur ces arguments que se fondent les prétentions du prince Balthazar-Napoléon de Bourbon-Bhopal. L’existence de cette branche de la maison Bourbon a les senteurs d’encens de l’Inde, reste entourée d’un mystère jamais résolu et a été révélée aux français par l’écrivain Louis Rousselet à la fin du XIXème siècle. Dans son ouvrage, « L’Inde des Rajahs », il mentionne ces descendants supposés du connétable Charles de Bourbon, l’un des derniers grands féodaux du royaume de France. La vie de ces princes est romanesque et c’est petit à petit qu’ils vont gravir les marches d’un pouvoir en déliquescence jusqu’à devenir Premier ministre de l’état du Bhopal. Une charge que Balthazar de Bourbon (1772-1879) transmettra à son fils ainé. Nul ne sait vraiment qu’elles sont leurs origines. On évoque même une ascendance avec les Bourbon-Busset, la lignée ainée des Capétiens mais sans droits au trône de France car issue de bâtardise. Certains affirment d’ailleurs que c’est le connétable lui-même qui aurait eu une aventure avec une princesse indienne répondant au doux nom d’Alaïque, vague parente avec l’empereur moghol Akbar Khan. Issu de cet amour improbable, Jean-Philippe de Bourbon aurait tenté de récupérer les terres confisquées de son père par la couronne après son ralliement à l’empereur Charles Quint. En vain, il se serait enfui à Dehli et y aurait essaimé. Pourtant si on regarde de près, aucune date ne coïncide. Rien qui ne saurait arrêter ce prince, avocat de son état. Balthazar-Napoléon de Bourbon-Bhopal est fasciné par la France. A un tel point qu’une belle fleur de Lys orne la devanture de leur maison, ultime témoin d’une vie faîte de privilèges perdus en 1971. Il a même été reçu par l’ambassadeur de France en 2013 et accepté de recevoir son « cousin » Michel de Grèce qui a consacré un roman à cette légende. Père de trois enfants, ce prince caché réclame que des examens ADN soient effectués afin de prouver sa filiation à Hugues Capet. Une demande qui n’a jamais abouti jusqu’ici et qui fait écho à celle que l’on entend parfois outre-Atlantique.
Les Bourbons-Naundorff
C’est au Canada que vit le nonagénaire Charles-Louis de Bourbon. Pour cet anglophone, qui parle à peine la langue de Molière, aucun doute possible, il est le descendant de Louis XVII, fils des infortunés Louis XVI et de Marie-Antoinette d’Autriche. Il refuse de croire à la thèse officielle qui a inscrit dans le marbre de l’histoire, la mort du dauphin en 1795. Au cours du XIXème siècle, diverses personnes ont affirmé être l’orphelin du Temple qui aurait survécu après de rocambolesques aventures. Mais de tous, c’est un certain Karl- Wilhelm Naundorff qui a le mieux vendu son roman. Horloger de son état, il arrive à convaincre plusieurs personnes, la plupart issues de la cour de France, qu’il est bien le fils de Louis XVI mais échoue à se faire reconnaître par les Bourbons revenus sur le trône en 1814. C’est un habitué des prisons prussiennes, il va tenter d’obtenir une part de son héritage avant d’être poussé hors du territoire vers le Royaume-Uni puis les Pays-Bas. C’est dans ce dernier pays qu’il obtient enfin une reconnaissance et autorisé à porter le nom de Bourbon avant de se convertir à l’art des artifices.
Vaine victoire. Ses délires prophétiques, son manque d’argent lui fait perdre de plus en plus de partisans et il meurt en août 1845, âgé de 52 ans. Ses descendants vont passer cette fin de siècle et la suivante à prouver grâce à des études scientifiques qu’ils sont bien les héritiers du trône de France. En 1999-2000, une analyse ADN du cœur de l’enfant du Temple est effectuée par l’équipe du professeur Cassiman à l’initiative du journaliste et historien Philippe Delorme. Les résultats sont appels. Naundorff n’a rien d’un Bourbon, le mystère est résolu. Pas pour tous cependant. Un petit noyau de survivantistes, réduit à une peau de chagrin, conteste cette étude et par le biais du controversé professeur Gérard Lucotte font publier une contre-expertise quatre ans plus tard. En 2016, Charles-Louis de Bourbon fait publier un livre biographique « Louis XVII a survécu à la prison du Temple. La preuve par l’analyse ADN » qui n’aura pas le succès littéraire escompté. Et si tant est qu’il soit réellement un Bourbon, il ne pourrait pas monter sur le trône. Les multiples mariages inégaux de cette famille et le fait qu’ils soient protestants ne leur permettent pas de monter sur un trône de France. Encore faut-il que la branche aînée représentée par Hugues de Bourbon et héritier en titre accepte de lui céder son strapontin royal.
Les Bourbons-Comnène
Tous les chemins mènent à Compostelle. Y compris vers les descendants de Georges Carlos Comnène. Ici on affirme descendre de Don Carlos VII, à la fois prétendant au trône d’Espagne qu’il occupa brièvement et au trône de France sous le nom de Charles XI. Sans que rien ne le prouve. Georges Comnène est né en 1897. Il disait aussi descendre d’une princesse de Byzance pour laquelle son « illustre papa » aurait eu un faible, avançant des dates qui ne correspondent pas avec la vie du roi des carlistes. Peintre faussaire mais de talent, il voyage à travers le monde, prince bohème, se fait appeler Carlos X, s’entoure d’une petite cour à qui il distribue des titres factices. Il fonde d’abord ses espoirs sur le trône d’Espagne en devenir mais le général Franco n’a que faire de ses prétentions. Il se retourne alors vers celui de France et passe du titre de Santiago à celui de duc de Vendée sans que cela n’ait d’échos. Il est mort en 1986, laissant deux fils derrière lui : Stéphane (1942-1999) et Constantin (né en 1944) qui a repris le titre de son père.
Les prétendants du « Da Vinci Code »
L’histoire moderne du trône de France regorge de prétendants aux généalogies controversées, parfois saugrenues. Pierre Plantard (1920-2000), vichyssiste et antisémite notoire (un rapport de police de 1943 note qu’il est « un illuminé, un jeune homme prétentieux et sans grande formation intellectuelle »), va prétendre durant des décennies qu’il est le descendant de Dagobert II, dernier roi mérovingien. Avant de fonder dans la foulée l’ordre (fictif) du Prieuré du Sion, un nom qui n’est pas inconnu des aficionados du « Da Vinci Code » de Dan Brown. L’abbé Félix de Valois (1860-1924), qui avait fait rectifier son nom devant tribunal, se disait être l’héritier naturel du Masque de fer, supposé frère de Louis XIV, et s’était fait couronner « Roi de France dans le ciel ». Le premier d’une cohorte de prétendants mystiques qui va alimenter les colonnes humoristiques de la presse. Charles de Grimel (1891-1982) qui compta de nombreux partisans au sein d’un mouvement sectaro-kabbalistique, affirmait quant à lui avoir des liens de sang avec une ribambelle de rois capétiens, de Louis XVII ou même du roi David. Parallèlement, Léon Millet prétendait que la Vierge Marie s’était adressée à lui et lui avait révélé son ascendance royale. Nous sommes en pleine guerre mondiale, le « Petit roi » monte un groupe de croisés, une centaine jeunes gens de son âge qui font vœu de chasteté jusqu’à son avènement au trône de France. L’homme aura maille à partir avec la Milice qui s’agace des agissements de ce mouvement. Il devra sa vie à la résistance, ce qui ne l’empêche pas d’être arrêté à la Libération. Léon Millet fonde plus tard une « église rénovée » et finira par se proclamer « Pape de la fin des temps ». Nous sommes en 1963.
A cette époque, émerge la figure du Père Collin qui se proclame Pape sous le nom de Clément XV. Les deux se rencontrent mais au fur à mesure que ce pontife multiplie les délires doctrinaux, Millet s’en éloigne et finit par disparaitre de la circulation. On n’entendra plus jamais parler de celui qui pourrait être centenaire aujourd’hui. Clément XV part à la recherche d’un nouveau souverain. Ce sera Gilles Arthur de la Villarmois qui se dit descendre de Jean Ier. L’enfant-roi mort dans des conditions mystérieuses en 1316 et dont parle Maurice Druon dans son roman à succès « Les Rois maudits ». Devenu Louis XIX, couronné dans la Basilique du Sacré cœur en août 1964, il se retirera plus tard au Québec, attendant patiemment que le ciel intervienne pour le sacrer. Peu sensible à ses suppliques Dieu le rappellera près de lui sept ans plus tard, mettant fin ainsi à cette longue lignée de prétendants loufoques au trône de France. Jusqu’au prochain.
Frederic de Natal