Parmi les reproches que l’ont fait souvent à l’institution royale, il y en a un qui à la vie dure et qui est fréquemment mis en avant dans les romans ou les films traitant de la période féodale. L’excellent « Braveheart », avec Mel Gibson pour acteur principal, n’échappe pas à cette règle puisqu’il évoque sans complexe le « jus noctis primae », sorte de droit qui aurait été exercé par les seigneurs sur les femmes de ses vassaux ou de ses serfs pour leur première nuit de noce. Dynastie analyse le vrai du faux de cette caricature historique qui se transmet de générations en générations.

Le Droit du seigneur: Peinture de Jules-Arsène Garnier (1872).

Communément appelé « droit de cuissage », il existe très peu de documents d’époque traitant de cette pratique. D’où vient alors cette légende qui ne semble reposer sur aucun texte fiable ? C’est au cours du XIIIème siècle que se répand l’idée du « droit de cuissage », brandie comme arme de propagande contre les féodaux et qui devient plus tard politique dans le seul but d’affaiblir les nobles au profit de la couronne de France. Mozart, le compositeur de talent, s’empare du sujet dans son opéra buffa à succès, « Les noces de Figaro » et y va de son laïus musical à ce propos. Mais c’est véritablement durant le siècle des Lumières que ce mythe ressort de l’obscurité pour s’imposer comme une vérité que l’on va s’inscrire dans le marbre des encyclopédies de Diderot et d’Alembert. Dans un article, prénommé « Prélibation », on peut d’ailleurs lire que « c’était ce droit que les seigneurs s’arrogèrent avant et dans le temps des croisades, de coucher la première nuit avec les nouvelles mariées, leurs vassales roturières. […] Et quelques-uns se sont fait payer dans le dernier siècle par leurs sujets, la renonciation à ce droit étrange, qui eut longtemps cours dans presque toutes les provinces de France et d’Écosse. ». Les révolutionnaires vont se gargariser à foison de cette information et la répandre grâce à des pamphlets érotiques anti-monarchiques, ancêtres de nos réseaux sociaux.

Le « droit de cuissage », cet « ensemble flou qui relève de toutes sortes de mythologies accumulées et interactives » comme l’explique le médiéviste Alain Boureau, divise les français. Pour les anticléricaux de la IIIème République, c’est un chapitre tout trouvé pour discréditer l’Ancien régime et de réécrire l’histoire en leur faveur. Naturellement contesté par la partie adverse. Dans son essai intitulé « Les sorcières » paru en 1862, Jules Michelet n’hésite pas à ancrer un peu plus ce mythe comme un fait historique. Encore aujourd’hui, il reste pour beaucoup un synonyme de harcèlement sexuel. Mais alors qu’elle vérité se cache donc sous cette « fake news historique » ? Elle est assez simple.  Au Moyen-âge, si un paysan souhaitait prendre épouse, il devrait en faire la demande à son seigneur et obtenir son autorisation, parfois assortie d’une taxe ou d’une amende. On parlait alors de « fomariage » ou de « cullage ». Et c’est ce dernier terme qui, avec le temps, va devenir « cuissage » et forger dans le subconscient des français cette interprétation erronée que l’on connait, passée dans le langage courant. CQFD !

Frederic de Natal