C’est une famille dont le nom a considérablement marqué la première moitié du XXème siècle. Le symbole d’une idéologie qui a été mise au ban de l’histoire européenne. Au fil des décennies, les descendants du Duce Benito Mussolini sont devenus des musiciens, des présentateurs de télévision, des footballeurs, des stars érotiques quand d’autres ont continué d’assumer pleinement leur héritage fasciste. Ils pourraient faire un retour inattendu au parlement lors de l’élection législative prévue en septembre prochain. 

Benito Mussolini est le fils d’un forgeron athée et d’une institutrice catholique. Il a baigné toute sa jeunesse dans l’idéologie socialiste et anarchiste, influencé par son père qui vouait une admiration à Garibaldi. Turbulent, violent dans sa jeunesse, ce perpétuel indigné, révolté va pourtant changer le visage de l’Italie après des débuts professionnels chaotiques. Il adhère à la frange radicale du Parti socialiste italien (PSI). Militant investi, rentré dans le rang, ce polyglotte se fait vite remarquer par ses talents journalistiques et d’orateur. Critiquant l‘aventure coloniale italienne, dont il sera plus tard un ardent défenseur, il fonde son propre journal durant la Première Guerre mondiale, Il Popolo d’Italia. Citant en exergue de celui-ci une citation d’Auguste Blanqui et de Napoléon Bonaparte, il est financé par des socialistes belges, italiens et français. Jugeant l’attitude du PSI trop ambiguë lors du conflit, il claque la porte du mouvement et crée le Parti national fasciste (1919) qui va progressivement s’orienter à droite. Plus rien ne va arrêter la montée de ce tribun et de ses Chemises noires.

Montée et chute du Fascisme

La suite est connue. Marche de Rome (1922) qui contraint la monarchie à le porter à la présidence du Conseil, mise en place d’un régime dictatorial et antisémite (1925), guerre victorieuse contre l’Éthiopie (1936) qui signe l’apogée de son pouvoir, le Duce Mussolini perd en influence au fur et à mesure que celle d’Adolf Hitler monte en puissance. Un rapport de force qui s’inverse et va jouer sa défaveur, contraignant Mussolini à s’allier au nazisme jusqu’à sa chute en 1943 lors du débarquement des Alliés en Sicile. Assigné à résidence, il est libéré par les Allemands (Opération Eiche), amené devant le Führer qui lui intime l’ordre de fonder une République sous l’égide de Berlin dans la partie nord-orientale de l’Italie. Mussolini refuse, mais face à la menace des Allemands de passer par les armes des centaines d’italiens, le Duce cède et annonce la reconstruction du parti fasciste, interdit. La République de Salò est née, fantoche. À 60 ans, Mussolini n’est plus que l’ombre de lui-même, un jouet entre les mains d’Hitler qui ne se soucie guère des atermoiements du Duce. La défaite des Allemands en 1945 signe la fin du fascisme. Capturé, il est exécuté avec sa maîtresse, Clara Petacci. Tous deux seront pendus à des crocs de bouchers puis enterrés dans une tombe anonyme. Son corps vivra d’autres péripéties avant d’être rendu officiellement à la famille Mussolini pour des motifs politiques. Afin de s’assurer un vote au parlement de l’extrême-droite, le gouvernement italien avait accepté de le faire inhumer dans le caveau familial (1957), toujours un lieu de rendez-vous pour tous les nostalgiques du Fascisme.

Benito Mussolini (gauche), le comte Ciano (centre) et Edda Mussolini (droite)@Wikicommons

Edda, la « Dame de l’Axe »

Benito Mussolini a la passion des femmes. Il fréquente Rachele Guidi (1890-1970) avec laquelle il aura Edda tout en nouant une autre relation avec Ida Irene Dalse (1880-1937), mère de son fils Benito Albino. Quelques jours après la naissance de ce dernier en 1915, depuis un lit d’hôpital militaire, il décide d’épouser civilement (puis religieusement une décennie plus tard) Rachele avec laquelle il aura quatre autres enfants. Tous vont connaître des destins différents. Comme son « trouple » fait jaser, Mussolini décide de se débarrasser de sa seconde maîtresse en tentant de la faire interner comme espionne autrichienne, cherchant vainement à faire disparaître cette paternité avant de placer Ida dans un hôpital psychiatrique où elle y meurt forte à propos. Renié, Benito Albino est adopté par un fonctionnaire fasciste, tente de se faire reconnaître, s’engage dans la Marine comme télégraphiste avant de sombrer dans la folie, décédant dans un hôpital similaire à celui de sa mère, dans des conditions controversées en 1942 (possiblement d’une surdose d’insuline).  Débarrassé d’Ida, Mussolini va continuer de tromper sa femme qui accepte sans broncher la situation. Edda (1910-1995) fait un mariage prestigieux avec le comte Galeazzo Ciano. Un mariage d’amour qui réunit plus de 4000 invités. Les Ciano sont des fidèles de la première heure de Mussolini. L’ascension du comte Ciano est fulgurante. Consul d’Italie en Chine, ministre des Affaires étrangères, Edda suit le comte, fera même la couverture comme « Dame de l’Axe » du magazine Times. Avant la chute de son mari qui finit par se désolidariser des folies de Mussolini lorsque le régime s’effondre. Prié par les Allemands de régler le cas Ciano, Mussolini doit signer l’ordre d’exécution de son gendre en janvier 1944. Edda s’enfuit en suisse avec son fils Fabrizio (1931-2008), vit une romance avec un communiste (lui permettant de justifier son rejet du fascisme) et finira sa vie comme modeste propriétaire d’un restaurant.

Vittorio Mussolini, son père et Bruno @wikicommons

Un héritier passionné de cinéma

Deuxième fils du Duce, Vittorio (1916-1997) est un passionné d’aviation. Il va s’illustrer avec son avion lors de la guerre d’Éthiopie en bombardant Adoua, la ville où ont été battus les italiens par l’empereur Hailé Sélassié en 1896 . On le retrouve même aux côtés des nationalistes espagnols du général Franco. Ce va-t’en-guerre est aussi un intellectuel qui refusera de soutenir les lois raciales de 1938, se réfugiant dans le cinéma, une autre de ses passions.  En raison de son nom, Hollywood va l’ostraciser. Il fonde la revue Cinéma à laquelle participera un certain Lucchino Visconti, prend la tête de la société de production cinématographique Alleanza Cinematografica Italiana, où travaille un autre grand nom du cinéma italien, Frederico Fellini.  Il suivra son père dans l’aventure de Salò avant de se réfugier en Argentine avec un faux passeport (1946). A Buenos Aires, il ouvre plusieurs restaurants, devient la tête de pont du Mouvement social Italien, parti néo-fasciste avec lequel il correspond.  Revenu en Italie en 1967, il reste à l’écart de toute vie politique, s’occupant d’être le gardien de la mémoire de son père. De son mariage avec Orsola Buvoli (1914-2009), il a eu deux enfants Guido et Adria.

Playmate et députée

Troisième fils de Mussolini, Bruno meurt en 1941 au cours d’un atterrissage de l’avion qu’il pilotait lui-même. Une vie brisée à 23 ans alors qu’il était promis à une brillante carrière d’aviateur, saluée même par la Royal Air Force (RAF). Son frère Romano (1927-2006) décide de prendre une autre voie, moins classique que le reste de sa fratrie. Ce sera le jazz, une musique pourtant censurée sous le régime de son père avec lequel il a des relations conflictuelles. Celui qui sera un ami de Duke Ellington tente de gommer ses origines en prenant de faux noms, exerçant de petits métiers. En 1962, il épouse Anna Maria Villani Scicoloni, sœur de l’actrice Sophia Loren, dont est issue Alessandra la même année. La petite-fille du Duce va marquer sa génération. Elle commence une carrière cinématographique qui n’est pas à la hauteur des attentes escomptées. Son apparition, nue, dans le magazine Playboy d’août 1983, enflamme l’Italie. Dotée d’une superbe plastique aux formes avantageuses, elle ne cache pas son admiration pour l’héritage de son grand-père. Après des études en médecine, elle se lance en politique et devient une figure du néofascisme montant, occupant divers sièges pendant 27 ans. D’abord comme députée de l’Alliance nationale puis du Peuple de la Liberté (1992-2004 et 2008-2013), sénatrice (2013-2014) et députée européenne (2004-2008 et 2014-2019), elle se distingue par des discours très agressifs contre les Roumains ou les gays. Cette mère de 3 enfants (elle s’est mariée un 28 octobre, jour anniversaire de la marche de Rome. Un de ses fils, Romano (19 ans) est joueur de football au Lazio dont le club est généralement associé au néofascisme), bien que retirée de la politique depuis deux ans, fascine encore, suivie par 80000 personnes sur les réseaux sociaux.  La dernière fille du Duce, Anna Maria Mussolini, est décédée en 1963, âgée de 38 ans, animatrice de radio.

Un héritage qui se poursuit

L’héritage mussolinien n’a pourtant pas disparu et pourrait faire son grand retour aux élections législatives de septembre prochain. Il est désormais incarné par Rachele (née en 1974), demi-sœur d’Alessandra, qui a repris le flambeau. Membre du parti d’extrême-droite, Les « Frères d’Italie » (Fratelli d’Italia), elle est conseillère municipale de Rome depuis 2016. Son cousin au prénom prédestiné, Caio Giulio Cesare Mussolini, appartient au même parti. Ce quinquagénaire, né en Argentine, ne renie pas le sang qui coule dans ses veines et revendique même le titre d’héritier du Duce. Il a tenté, sans succès, de se faire élire député européen en 2019. Une filiation et des positions qui ont déplu à Facebook. Le réseau social a temporairement fermé son compte avant de le ré-ouvrir. Opposant au gouvernement du Premier ministre Maria Draghi, il pourrait être tenté de se présenter alors que les sondages actuels annoncent le retour de la droite et de l’extrême droite aux affaires du pays. « Tout le monde veut mettre Mussolini sur le bulletin de vote » reste d’ailleurs persuadé cet ancien officier sous-marinier, actuellement dirigeant d’une entreprise basée dans les Emirats arabes unis.  Les Mussolini pourraient écrire un nouveau chapitre de leur histoire.

Frederic de Natal