Lorsque la Convention décide de la levée en masse en 1793 pour défendre la République menacée, l’idée ne fait pas recette dans les campagnes. Particulièrement en Vendée, déjà très irritée par l’adoption de la Constitution civile du clergé. C’est le soulèvement. D’abord une jacquerie avant de devenir un mouvement contre-révolutionnaire qui va se doter des plus beaux noms de l’aristocratie. Mais si on connaît les Charette de la Contrie, les Cathelineau, les Stofflet ou encore les de la Rochejaquelein, on a oublié les « amazones » du roi qui se sont battues pour ramener le Dauphin à Versailles. Pour cette Journée internationale des droits de la Femme, l’occasion pour la Revue Dynastie de revenir sur ces héroïnes méconnues de l’Histoire de France.
Janvier 1794, les Colonnes infernales du général Turreau font des ravages en Vendée. Quiconque est pris, peu importe le motif, suspecté de collusion avec l’Armée catholique et royale de Vendée, est immédiatement fusillé. Si le titre de cette armée est pompeux, il réunit plusieurs grands noms de l’aristocratie française venus prendre le commandement de ces paysans qui ont refusé de se plier à la levée en masse décrétée par la Convention. Dans l’ombre de ces héros de la contre-révolution, des femmes qui vont aussi marquer de leurs empreintes ce chapitre tumultueux et sanglant de l’histoire de France.
Marie-Adélaïde de la Touche Limouzinière est comtesse de la Rochefoucauld. Elle est née en mars 1760 dans les Antilles françaises. Une jeunesse dorée au milieu des plantations de canne à sucre. C’est d’ailleurs à l’île de la Grenade, où elle vit, qu’elle va y rencontrer son futur mari, officier de la Marine. Elle a tout juste 16 ans, lui deux fois son âge. Peu importe, elle rêve de la France, d’être présentée au roi. Mais à défaut de Versailles, ce sera la Vendée, reléguée dans la propriété de Puy-Rousseau, à La Garnache, appartenant à son mari. Enseigne du roi, Pierre Louis Marie de la Rochefoucauld-Bayers navigue et laisse son épouse dans le plus grand ennui, à la charge de ses beaux-parents. Le soulèvement de la Vendée va bientôt rompre sa monotonie. Elle trouve là, le moyen d’exalter son romantisme et de prendre la tête d’une petite équipée. Elle a mal vécu les humiliations imposées par la nouvelle administration républicaine qui a osé perquisitionner son manoir. A raison, elle y cache prêtres réfractaires et royalistes en fuite. Les rumeurs affirment même qu’elle est la maîtresse d’Athanase de Charette de la Contrie, son voisin qui est à la tête de l’armée royale. Ensemble, ils tiennent tête aux « bleus » bien que des historiens doutent encore de sa participation réelle aux combats. La comtesse aimait trop la parade et les belles tenues ornées d’une écharpe blanche, signe de ralliement des royalistes. Puis vient la défaite. La Virée de Galerne tourne au désastre et si elle n’y prend pas part, elle sera pourtant trahie par un amant transi qui ne supportait plus de Charette dans les jupons de celle qu’il convoitait. Jugée, elle est condamnée à mort le 24 janvier 1794, laissant derrière l’image d’une femme iconique.
Dans le lit de Charette, lassée de la comtesse de Rochefoucauld, Céleste Talour de La Cartrie. C’est une femme de conviction et têtue qui brave la mort plus d’une fois. Une combattante qui fascine son second mari, le lieutenant William de Bulkeley, ancien membre du régime royal Walsh-Serrant. Entre Céleste Talour de La Cartrie et cet irlandais de naissance, un véritable coup de foudre sous les bruits de canon. Elle monte en amazone, fait le coup de feu, hurle des ordres, a l’estime des soldats qui combattent la rage au ventre contre la République. Capturés en octobre 1793, son mari est promptement exécuté. Elle sauve sa peau après que William de Bulkeley a déclaré aux autorités que son épouse est enceinte. La fin de la Terreur lui permet d’être libérée mais Céleste Talour de La Cartrie n’en a pas fini avec ce régime qui lui a pris sa famille. Veuve et sans le sou, elle rejoint de Charette de la Contrie qui tombe amoureux de cette belle chevelure rousse. Ensemble, ils vont continuer le combat jusqu’à la mort du général en 1796, capturé et fusillé à Nantes. Le seul officier royaliste pour lequel Napoléon Ier confessera une admiration. Retirée en Anjou, Céleste Talour de La Cartrie poursuit sa vie, mariée encore deux fois avant de rendre finalement l’âme en 1832.
Dans le sillon de Charrtte, Suzanne Poictevin de La Rochette qui est sa pupille. Elle a échappé de peu à la guillotine contrairement à ses parents, membres de l’Armée catholique et royale. Elle suit le général sur les champs de bataille et réussit même à faire croire aux « bleus » qu’ils ont tué son tuteur lors d’une bataille, permettant à de Charette de fuir avec le reste de ses troupes en février 1796. Un maigre répit mais qui donne toutes ses lettres de noblesse à la seule gloire de Suzanne Poictevin de La Rochette, future grand-mère d’un célèbre député monarchiste vendéen sous la IIIème République. Libérée de la prison où elle avait été incarcérée, elle traversera tous les régimes jusqu’à son dernier soupir sous le Second Empire en 1858, ultime amazone du roi.
Bien que le nombre de ces « amazones » ne soit pas réellement déterminé, voire minimisé d’après certains mémoires parues à la Restauration, connues ou inconnues, elles ont indubitablement marqué l’Histoire de France, héroïnes sacrifiées sur l’autel du patriotisme avec pour seul credo : Pour Dieu, le Roi et le… beau Charette de la Contrie.
Frederic de Natal