Le 31 octobre 2005, toute la capitale espagnole est en émoi. Par le biais d’un texto, modernité oblige mais également une première dans son histoire, la maison royale vient d’annoncer aux médias du pays que l’épouse du prince des Asturies, Letizia Ortiz Rocasolano ancienne vedette du journal télévisé, vient de donner naissance à son premier enfant. Une petite infante « rondelette et grassouillette » qui aura pour parrain son grand-père le roi Juan Carlos et pour marraine la reine Sofia, une tradition chez les Bourbons. Aujourd’hui, âgée de 16 ans, l’infante Léonor assume pleinement ses devoirs de princesse héritière et s’apprête à suivre le chemin que lui trace son père, le roi Felipe VI. Portrait d’une future reine d’Espagne.
Des parents protecteurs
C’est une naissance qui a fait rapidement le tour de la presse nationale et internationale d’autant que l’évènement est majeur dans un pays où la primogéniture masculine d’accession au trône a été abolie par la Pragmatique sanction de 1833. Petites boucles blondes et joues de poupon, la princesse Leonor de Borbón y Ortiz va très vite faire craquer le cœur des espagnols. Deux ans plus tard, elle accueille sa petite sœur Sofia. Entre les deux jeunes filles, une relation fusionnelle et complice, encouragée par leurs parents toujours attentifs à les protéger des médias et à contrôler leur image. Letizia et Felipe ont toujours souhaité que leurs enfants puissent avoir une vie la plus normale possible. Rien d’étonnant en soi si les deux princesses sont associées tardivement aux sorties officielles. L’anecdote veut même qu’un jour, s’apercevant de la multitude de photographes présent pour accueillir son grand-père, la jeune princesse ait manifesté son étonnement devant sa mère très amusée de la situation. Et de lui rappeler que Juan Carlos était le roi d’Espagne. Une entrée dans la vie à l’image de ces deux soeurs devenues au fur et à mesure des années des atout indéniables de la monarchie.
Princesse d’Espagne
Elle possède un arbre généalogique éloquent. C’est une descendante directe de Louis XIV par son père, derrière elle, près de trois siècles de monarchie Bourbon entrecoupée de deux républiques et du régime franquiste qui décidé de la restauration de la monarchie après la mort du général Franco (1975). Dans son sang coule aussi celui de la reine Victoria, par sa grand-mère la reine Sofia née princesse de Grèce et de Danemark. Léonor cousine ainsi avec la plupart des maisons royales d’Europe. A sa naissance, elle a reçu de droit, selon le décret royal du 6 novembre 1987, le titre d’Infante d’Espagne. Ce titre utilisé depuis le milieu du moyen-âge est attribué avec le prédicat d’Altesse Royale aux fils et filles du souverain ou de son héritier.
Elle porte également un autre titre, celui princesse des Asturies dont elle a officiellement été investie le 19 mai 2014, lors de l’intronisation de son père en tant que Roi d’Espagne. Porté par l’ainé(e) et héritier(e) des enfants du roi, honorifique, c’est au cours du XIVème siècle qu’il est apparu, notamment lors de la crise de succession qui secoue le royaume de Castille à la suite du décès du Roi Pierre Ier. Ce titre, du nom de l’ancien royaume des Asturies, a été spécifiquement créé pour le couple héritier formé par Catherine de Lancastre et Henri III de Castille, afin d’assurer une indépendance financière. Par la suite à l’instar de celui de prince de Galles pour le Royaume-Uni, le titre a été octroyé à tous les héritiers du trône. L’Infante Léonor est d’ailleurs la première femme à le porter depuis 1880, date à laquelle il fut octroyé à l’Infante Maria de Las Mercedes (1880-1904), fille ainée d’Alphonse XII.
Une éducation royale
Lors des évènements auxquels elle apparait, la Princesse est toujours appliquée, souriante, n’hésitant pas à répondre aux saluts des Espagnols qui se déplacent en nombre pour l’apercevoir. Élevée dès la naissance par une nurse anglaise Léonor parle couramment la langue de Shakespeare. Elle a fréquenté les établissements les plus prestigieux de la capitale madrilène comme le célèbre Santa Marta de los rosales. Elevée dans la religion catholique, les proches du roi affirment que ses connaissances sur les rois d’Espagne surprennent tout le monde. Passionnée de danse, elle s’adonne volontiers à la photographie, une marotte qu’elle partage avec sa grand-mère, très protectrice à son égard et qui a toujours eu à cœur de transmettre à ses petites-filles le sens du devoir, hérité de sa propre mère la Reine Frederica de Grèce. Ce qui n’a pas été sans créer quelques conflits entre Sofia et Letizia. Chaque année pour les fêtes de Pâques la Reine réuni ses petits-enfants au palais de Mérivent à Palma de Majorque. C’est là que, comme leur père avant elles, les petites princesses pratiquent la voile avec leurs cousins.
L’atout de la Couronne
Aujourd’hui âgée de 16 ans la Princesse des Asturies est très populaire auprès des Espagnols. Un amour sans aucun doute bénéfique pour la monarchie à l’heure ou selon certains sondages montrent un certain désamour entre l’institution royale et les espagnols. Si un référendum avait lieu sur le sujet, entre 32% et 45% des Espagnols voteraient en faveur d’une république. Un désaveu qui s’expliquerait par les nombreuses frasques du roi Juan Carlos. Un monarque empêtré dans plusieurs scandales notamment de blanchiment d’argent le contraignant à s’exiler en août 2020 à Abu Dhabi. Le roi et la reine n’hésites plus à mettre leur fille en avant afin de la préparer à son rôle de prochaine souveraine. Sa première apparition publique en solo a été scrutée le 24 mars dernier. De l’avis général, la princesse des Asturies n’a fait aucune fausse note et avec un naturel désarmant, elle a présidé la célébration du trentième anniversaire de l’Institut Cervantès, qui promeut la langue et la culture espagnoles. Le succès a été immédiat. Désormais, la couronne n’hésite plus à la mettre en avant, y compris sur les réseaux sociaux afin d’affirmer que la relève de la couronne se fera sans heurts dans un pays où le machisme a encore pignon sur rue.
Le Prix Princesse des Asturies
Chaque année, depuis maintenant trois ans, la princesse prononce un discours à l’occasion de la remise du Prix Princesse des Asturies qu’elle préside. Prix le plus prestigieux de la péninsule ibérique il est délivré depuis 1981 par la fondation « Prince des Asturies », devenue en 2014 avec l’accession au trône de Felipe VI, « Fondation Princesse des Asturies ». Ce prix récompense des travaux d’envergures internationales dans huit catégories : arts, sports, sciences sociales, communication et humanités, concorde, coopération internationale, recherche scientifique et technique, et lettres. Lors de l’édition 2021, qui s’est tenue il y a quelques semaines, la princesse a fait un discours remarqué mêlant l’espagnol et le catalan avec une aisance incroyable, qu’elle a conclu sous une ovation : « Demain se construit avec le travail d’aujourd’hui, et vous le faites déjà. Nous les jeunes, sommes l’énergie qui impulse cette transformation. » a déclaré l’infante.
Consciente du titre qu’elle porte, elle n’a pas hésité à faire un retour attendu en Espagne. En effet, en septembre de cette année, elle a intégré l’Atlantic collège, prestigieux établissement du Pays de Galles, surnommé « l’école des rois », dans lequel elle prépare un baccalauréat international. Elle a notamment pour camarade de classe la princesse Alexia des Pays-Bas, fille cadette du roi des Pays-Bas ou encore la princesse héritière Élisabeth de Belgique. Fondé dans les années 1960 par l’allemand Kurt Hahn qui fut le précepteur de la reine Sofia, l’établissement défend des principes de tolérances, de paix et de justice sociale. Avenir de la monarchie, la princesse Léonor aura pour mission, une fois sur le trône, de représenter et de consolider l’institution royale. Nul doute que d’ici-là ses parents seront présents à ses côtés pour l’épauler et la guider dans ses premiers pas déjà si prometteurs. Son avènement en tant que reine, la première depuis Isabelle II qui régna de 1839 à 1868, marquera incontestablement un tournant dans l’Histoire de l’Espagne et de la Couronne.
Arnaud Gabardos