En achetant récemment un tableau représentant le Dewan Rakyat (parlement) et tous ses membres grimés en singes et grenouilles, le sultan Sharafuddin Idris Shah a suscité un débat et un véritable buzz en Malaisie. « Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite » dit l’adage. 

Il ne devait pas s’attendre à un tel « buzz » sur le net. Suivi par plus de 200 000 personnes sur son compte Instagram, Sharafuddin Idris Shah a provoqué un vaste débat dans cette monarchie parlementaire de Malaisie. Le 12 avril dernier, il a posté une série de photos le représentant près d’un tableau qui a attiré l’attention de nombreux internautes. Une œuvre d’art qui aurait pu passer inaperçue si celle-ci ne représentait pas les membres du Dewan Rakyat (Parlement), tous grimés en signes et grenouilles. Selon le Straits Times of Asia, ce tableau semble s’être inspiré de la peinture à l’huile sur toile de 2009 de l’artiste de rue britannique Banksy, « Devolved Parliament », qui avait remplacé les politiciens britanniques débattant à la Chambre des communes par des chimpanzés et des orang-outangs. Un message a peine voilé de la part du souverain de 76 ans, monté sur son trône en 2003.

Une peinture, expression de l’agacement royal

A diverses reprises, durant la pandémie de Covid, le monarque a exprimé son agacement face aux querelles politiciennes qui ont agité tant la fédération malaisienne que son propre état. « Je ne peux pas cacher ma tristesse et ma déception quand je vois les troubles politiques, les conflits qui plongent ce pays dans l’incertitude et qui sont devenus de plus en plus criants. Je voudrais rappeler à tous les membres de l’assemblée de l’État de Selangor (…) que votre principale responsabilité est servir le peuple » a rappelé le sultan Sharafuddin Idris Shah lors d’un discours prononcé au Parlement en août 2021.

 

Si son auteur reste un inconnu, laissant naître toutes sortes de spéculations sur son identité, « c’est un tableau qui attiré l’attention du sultan Selangor. Après l’avoir inspecté, Sa Majesté a consenti à acheter le tableau pour qu’il soit accroché dans sa salle d’étude privée » a déclaré le secrétariat du souverain sur les réseaux sociaux. Précisant qu’à court terme, il « avait également l’intention de vendre ce tableau aux enchères un jour et reverser le produit de cette vente à une association caritative » afin de calmer les esprits qui se sont échauffés sur la Toile. Plusieurs internautes, simples citoyens ou personnalités, considérant cette peinture comme une « représentation précise » de la situation politique du pays, ont inondé la page du roi avec ce simple commentaire dithyrambique : « Daulat Tuanku » (Longue vie au roi). « Un message sérieux est délivré par notre bien-aimé sultan de Selangor à tous les politiciens se comportant comme indiqué (dans le tableau) » peut-on également lire de la part de nombreux commentateurs amusés par ce message subliminal de la part du roi.

Une monarchie constitutionnelle très absolue

Le sultan de Selangor, son épouse et son fils héritier @Dynastie

Créé au cours du XVIIIème siècle, la richesse du sultanat de Selangor a rapidement excité l’appétit des Néerlandais voisins qui ne sont pas arrivés à s’en emparer. Il faudra attendre un accord avec les Britanniques en 1875 pour que cette monarchie soit incluse dans le Raj colonial dessiné par Londres. Lors de la Seconde guerre mondiale, le sultan Hisamuddin Alam Shah (1898-1960) refuse de reconnaître l’autorité japonaise qui le détrône promptement pour le remplacer par son demi-frère. Restauré en 1945, il prendra une part active dans la construction de la Fédération (monarchique) de Malaisie dont il occupera brièvement le trône rotatif. En 1959, la monarchie de Selangor est devenue constitutionnelle mais dans les faits, le souverain continue de diriger son état de manière absolue, concentrant entre ses mains une large partie des pouvoirs exécutifs et législatifs .

Frederic de Natal