C’est une énigme aussi vieille que la colonisation américaine. En 1587, une colonie de peuplement récemment installée sur l’île de Roanoke, située au large de la Caroline du Nord, s’est subitement volatilisée sans que personne ne puisse expliquer pourquoi, laissant derrière eux des maisons en bois démontées et deux mystérieux messages en lettres capitales sur deux arbres distincts : « CROATAN » et « CRO ». Depuis des siècles, historiens, scientifiques et archéologues tentent de trouver des indices permettant de comprendre ce qui s’est passé sur cette terre qui doit son nom aux indiens algonquins. En vain. Diverses théories ont été forgées afin de résoudre le mystère de la colonie perdue et qui conserve encore toute l’odeur d’une activité paranormale mêlant faits historiques et shamanisme indien.

Carte de John White montrant l’île de Roanoke (1590).

Une colonie qui disparaît mystérieusement 

C’est une aventure, toute somme banale et qui ressemble à tant d’autres du même genre en cette fin de XVIème siècle. La course à la colonisation de l’Amérique du Nord est à ses balbutiements et l’Angleterre élisabéthaine entend bien se tailler la part du lion. Sir Walter Raleigh est une des figures importantes de cette époque. Protestant, il a combattu aux côtés des huguenots français et s’est illustré en Irlande. La reine Elizabeth Ière apprécie ce militaire, espion à ses heures et lui confie la mission d’aller coloniser les terres « vierges de populations chrétiennes » du Nouveau monde, récemment découvertes. Le but est moins philanthropique qu’il n’y parait puisqu’il s’agit aussi de sécuriser la création d’un port qui permettra de harceler l’invincible Armada du roi d’Espagne. Une petite expédition navale envoyée en éclaireurs va mouiller aux alentours de l’île de Roanoke, 30 kilomètres de large. Les contacts avec les algonquins locaux furent assez pacifiques pour qu’elle puisse ramener à Londres deux amérindiens issus de la tribu Powhatan. Celle-là même ou naîtra un jour la princesse Pocahontas. Pourtant lorsque l’expédition revient, cette fois-ci pour s’y installer, elle va vite rencontrer l’hostilité des amérindiens. L’affrontement est inévitable après un an de cohabitation. En juillet 1586, des renforts commandés par Sir Richard Grenville débarque et trouve un fort vidé de ses colons. Possiblement repartis vers l’Angleterre avec le passage du navire de Sir Francis Drake venu les approvisionner. Grenville décide alors de laisser un petit régiment de 15 personnes sur l’île afin d’assurer la sécurité du fort, le temps qu’il revienne.

Un an passe. Sir Walter Raleigh monte une seconde expédition. Cette fois-ci le but est de fonder une colonie pérenne. En posant le pied sur l’île de Roanoke, il se met à la recherche des 15 hommes laissés par Grenville. Ils ont disparu, pas de tombes apparentes, pas de squelettes ni de traces de vie. Bien qu’elle soit interloquée, la petite colonie (composée de 80 hommes, 17 femmes et 11 enfants) décide de rester dans le fort une nouvelle fois laissé à l’abandon. John White est nommé gouverneur de la colonie et c’est ici que son épouse va donner naissance en août 1587 à la première américaine baptisée du prénom de Virginia, hommage à la « reine-vierge » qui a financé le voyage.  White décide de repartir vers Londres un mois plus tard afin de demander l’autorisation de faire venir plus de colons. Les incessantes attaques de l’invincible Armada vont retarder de presque trois ans son retour et lorsqu’il peut enfin débarquer sur Roanoke, c’est la stupeur. Toute la colonie a encore disparu sans laisser la moindre de trace, ni de croix de Malte censée déterminer leur position en cas de départ ou même d’affrontements qui auraient laissé supposer à un massacre. Seuls deux étranges inscriptions sont retrouvées sur des troncs d’arbres. Pis les maisons, ont été soigneusement démontées, laissant penser que les colons sont partis tranquillement.

Estampe. John White découvre le mot CROATAN à Roanoke.

« CROATAN », point de départ de cette énigme. 

Où sont-ils donc partis ? A cette époque, on pense qu’ils ont immigré vers l’île de Croatan (aujourd’hui Hatteras) mais dans l’impossibilité d’effectuer des recherches, les nouveaux colons repartent d’où ils sont venus. La colonie voisine de Jamestown envoie son célèbre capitaine John Smith à la recherche des disparus. Un premier rapport fait état de survivants qui se sont réfugiés chez lez Algonquins et qui auraient fait souche. Mais le chef de la tribu va vite réfuter ces affirmations et prétendre qu’il les a tous tué, jusqu’au dernier. Ce qui est peu probable puisqu’aucune recherche archéologique n’a pu étayer ces faits. Une autre source affirme qu’ils ont été réduits en esclavage par les amérindiens. Les recherches sont finalement abandonnées et la colonie perdue devient un « cold case ». En 1709, c’est l’explorateur John Lawson qui prétend que les ruines du fort sont toujours visibles et qu’il a rencontré des amérindiens affirmant descendre des colons de Roanoke. Une ile qui va être le témoin d’une bataille entre nordistes et sudistes en 1862 lors de la guerre de Sécession.

Aujourd’hui un certain consensus semble avoir été trouvé parmi les historiens qui ont étudié le mystère de Roanoke. Pour une majorité d’entre eux, des vestiges archéologiques tenteraient à bien indiquer que la colonie s’est scindée en deux camps pour survivre et aurait essaimé chez les amérindiens. Une partie aurait bien migrée sur l’île de Croatan puisque l’on a retrouvé des traces de colonisation européenne. Quoique les objets auraient pu être déplacés par les amérindiens eux-mêmes. Une équipe britannique a affirmé que les colons se seraient réfugiés dans l’ancien village de Mettaquem mais cette théorie a été démentie par une autre équipe d’archéologues. Sur le net, certains avancent la thèse extra-terrestre sans jamais avoir pu avancer la moindre preuve d’un enlèvement par des martiens ou encore des rites shamaniques amérindiens puissants. Le mystère demeure. Rien de ce qui a été avancé n’est véritablement tangible à ce jour. Y compris concernant les deux inscriptions sur les troncs d’arbre qui alimentent toujours toutes les conversations et l’imaginaire d’Hollywood. Le notre a déjà fait le reste.

Frederic de Natal.