Le 9 mai 1892 naissait en Toscane, au château de Pianore, une enfant à laquelle son père, le duc Robert de Parme, donna ce nom bizarre de Zita, patronne des domestiques.

Le duc Robert de Parme eut une véritable famille de patriarche : neuf enfants de sa première femme, la princesse Marie-Pia de Bourbon-Siciles, et douze enfants de Maria-Antonia de Bragance. La princesse Zita a passé son enfance, avec ses frères et sœurs, dans des endroits variés : en Toscane, en Suisse, en Autriche, en France, mais partout où elle se trouvait on ne parlait que français, on ne pensait que français.
L’enfant manifesta tout de suite une intelligence très vive, une énergie indomptable, jointes à une grâce et à une piété mystique qu’elle a conservée à travers tous ses malheurs. D’ailleurs, trois de ses sœurs ne furent-elles pas bénédictines à l’abbaye de Solesmes ? Zita était tentée, elle aussi, par la vie religieuse, ce qui ne l’empêchait pas, par ailleurs, de deviser littérature en fumant des cigarettes avec ses frèressur les terrasses de Pianore, ou de jouer du Molière dans le théâtre du château.
Elle grandit ainsi, insouciante, heureuse, lisant beaucoup, réfléchissant à ce qu’elle avait lu et faisant du bien autour d’elle. Elle était charmante, cette petite princesse, avec ses cheveux bouclés, ses yeux pleins de passion et son menton volontaire. Son père était mort au moment où elle revint de pension, et elle vécut alors seule auprès de sa mère, uniquement occupée à secourir les pauvres et à aimer les bêtes, les fleurs et les vieilles pierres. C’est ainsi qu’elle atteignit l’âge du mariage, moment délicat pour les princesses qui n’ont pas le droit de suivre uniquement les inspirations de leur cœur.

Or, il se produisit cette chose invraisemblable, le seul bonheur peut-être de sa vie : il lui fut permis de suivre ses goûts dans le mariage;
La nouvelle du drame de Sarajevo tomba sur lui comme une catastrophe, et il en fut atterré parce que la mort soudaine de son oncle le plaçait sur les marches du trône.

En 1910, à un bal de la cour de Vienne, elle rencontra le prince charmant : c’était le jeune archiduc Charles, neveu de François-Ferdinand et héritier du trône d’Autriche, qui demanda sa main. Ce mariage, naturellement, suscita des réticences du côté allemand, car Guillaume II réservait à l’héritier d’Autriche sa propre fille. Malgré tout, l’union fut décidée. L’archiduc Charles avait à peine 24 ans quand il arriva au Pianore, de retour d’Angleterre, où il avait représenté l’Autriche aux fêtes du couronnement de George V. Le mariage fut célébré dans la petite chapelle du château de Schwarzau, le 21 octobre 1911. Le vieil empereur, alors âgé de 80 ans, tint à y assister lui-même, et cette union se présentait sous les plus heureux auspices. Les nouveaux époux restèrent longtemps éloignés de Vienne, parcourant la Croatie, le Tyrol, et se souciant fort peu d’aller prendre à la cour les fonctions et la place qui leur revenaient. Mieux encore : le régiment du prince ayant été nommé dans une petite ville de Galicie, celui-ci voulut le suivre, et il partit avec sa femme pour ces steppes glacées, où ils connurent deux années de bonheur. Le 20 novembre 1912, un fils leur naquit, qu’on appela François-Joseph Otto. Hélas ! ce bonheur calme ne put durer : le prince Charles fut nommé commandant du 39e régiment d’infanterie à Vienne et fixa sa résidence au château de Hetzendorf. Le 28 juin 1914, la nouvelle du drame de Sarajevo tomba sur lui comme une catastrophe, et il en fut atterré parce que la mort soudaine de son oncle le plaçait sur les marches du trône. Charles, de simple archiduc, devenait, du jour au lendemain, le successeur immédiat de François-Joseph. Voilà, pour comble de malheur, la guerre qui éclate, sans que Charles ait voulu être mêlé aux tractations qui la précédèrent à la cour d’Autriche. S’étant éloigné de cette cour avec sa femme, il avait laissé le champ libre à tout le parti allemand, qui portait la responsabilité de la grande tuerie.

Dès le commencement de la guerre, l’empereur François-Joseph, qui aimait sa petite-nièce Zita, l’invita à venir avec ses deux enfants remplir auprès de lui son rôle de maîtresse de maison. Pendant ce temps, son mari était au front, où il vivait, atrocement tiraillé entre ses devoirs d’officier et ses enfances françaises. Quant à la princesse, elle se débattait également dans une situation terrible : ses deux frères Sixte et Xavier, surpris par la guerre en Autriche, avaient pu, avec toutes les peines du monde, regagner la France, et, à la cour, on faisait grise mine à celle qu’on désignait sous le nom de « la Française ». Le 12 novembre 1916, nouveau changement de situation : François-Joseph se meurt. Zita décide d’aller elle-même porter cette nouvelle à son mari, qui était alors en Hongrie.
Le 21 au soir, ils se trouvaient tous deux auprès du lit du vieil empereur, qui rouvrit les yeux pour leur dire : « Mes enfants, je vous laisse une tâche écrasante, et je vous plains. » À neuf heures, il était mort. Charles était empereur et Zita, impératrice.
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Frédéric de Natal
Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.