À la croisée de l’histoire et de la modernité, le Luxembourg s’apprête à vivre un moment rare : l’abdication du grand-duc Henri, après vingt-cinq ans de règne, et l’avènement de son fils aîné, le prince Guillaume. Entre mémoire du passé et promesse d’avenir, cet événement marque l’ouverture d’un nouveau chapitre pour la maison de Nassau-Weilburg et pour l’ensemble du peuple luxembourgeois.
Ce 3 octobre 2025 marque un tournant dans l’histoire récente du Grand-duché : après près d’un quart de siècle de règne, Henri de Luxembourg, 70 ans, transmet la couronne à son fils aîné, le prince Guillaume, 43 ans. Un passage de relais préparé de longue date, qui ouvre une nouvelle page pour la dynastie des Nassau-Weilburg.
Guillaume V, l’heure du sacre luxembourgeois
Dès 10 heures, le Palais grand-ducal sera le théâtre de la cérémonie d’abdication d’Henri, un instant intime et solennel où le souverain, entouré de sa famille, posera un geste chargé d’histoire. Une heure plus tard, habillé de son uniforme militaire de cérémonie, accompagné des décorations des deux plus hauts ordres luxembourgeois : l’Ordre du Lion d’Or de la Maison de Nassau et l’Ordre du Mérite civil et militaire d’Adolphe de Nassau, dont il est le Grand Maître, le prince Guillaume deviendra officiellement Guillaume (V), Grand-duc de Luxembourg. Il prêtera serment devant la Chambre des Députés. Ce moment, très attendu, résonnera comme l’affirmation d’une continuité dynastique solidement ancrée depuis 1890.
À midi, la famille grand-ducale apparaîtra au balcon du Palais, offrant aux Luxembourgeois un instant de communion populaire, avant que les festivités ne se déplacent vers l’Hôtel de Ville et la place Guillaume II, cœur battant de la capitale. La journée s’achèvera dans l’éclat d’un dîner de gala au Palais, réunissant têtes couronnées, personnalités politiques et invités de prestige. Parmi lesquels, le roi Philippe et la reine Mathilde des Belges accompagnés de leur fille, la princesse Élisabeth ; le roi Willem-Alexander et la reine Máxima des Pays-Bas, aux côtés de la princesse Catharina-Amalia ; mais aussi le président Emmanuel et Brigitte Macron pour la France, et le président allemand Frank-Walter Steinmeier avec son épouse. La dimension internationale du Luxembourg, au carrefour de l’Europe, s’incarnera pleinement dans cette soirée.
Le lendemain, 4 octobre, sera placé sous le signe du peuple. Baptisée « Dem Grand-Duc seng feierlech Tournée », cette journée inaugurale illustrera la diversité et la vitalité de la société luxembourgeoise. Guillaume et Stéphanie sillonneront le pays en cinq étapes symboliques. À Grevenmacher, ils salueront le monde du sport et ses acteurs passionnés. À Wiltz, ils célèbreront le vivre-ensemble à travers un spectacle participatif dédié aux multiples nationalités qui composent le Luxembourg. À Steinfort, ce sera l’hommage aux soignants et à tous ceux qui servent sans relâche la collectivité. À Dudelange, une création chorégraphique rendra hommage au passé industriel et aux mutations de la société. Enfin, à Luxembourg-ville, sur le pont Grande-duchesse Charlotte, le couple grand-ducal partagera un moment spectaculaire : un ballet de trams multicolores, un concert orchestral et un grand show de drones illumineront le ciel du Glacis. Dans tout le pays, trois grandes fêtes populaires — à Wiltz, Luxembourg et Dudelange — permettront à chacun de vivre en direct cette journée d’unité nationale.
Le 5 octobre, un Te Deum solennel célébré en la cathédrale Notre-Dame par le cardinal Jean-Claude Hollerich viendra clore ces journées historiques, inscrivant la succession dans la mémoire collective et la tradition religieuse du Grand-duché.
Un prince préparé à régner
Né le 11 novembre 1981 à Luxembourg, Guillaume Jean Joseph Marie a été façonné pour ce rôle. Aîné du grand-duc Henri et de la grande-duchesse Maria Teresa, il grandit, entouré, de ses trois frères – Félix, Louis, Sébastien – et de sa sœur Alexandra.
Après des études secondaires au Luxembourg et en Suisse, il poursuit un parcours international : formation militaire à Sandhurst (2001-2002), études politiques en Grande-Bretagne, en Suisse et en France, stage bancaire à Londres. Très tôt, ce descendant de Louis XIV ( par les Bourbon-Parme) se voit confier des responsabilités : président de la fondation Kräizbierg dès 2000, membre du Conseil d’État, chef des scouts luxembourgeois, président de la World Scout Foundation.
Homme de convictions, polyglotte (il parle le français, l’anglais et l’espagnol) attentif aux causes sociales et proche du monde associatif, Guillaume se passionne pour l’histoire, la philosophie et la musique, qu’il pratique à la guitare. On le dit doté d’un très bon humour, aussi « travailleur et discipliné que l’est son père ». Très impliqué dans le monde économique, il a « un faible pour l’Intelligence artificielle (IA) et la Fintech » comme l’indique le magazine Virgule.
Depuis 2024, il exerce les fonctions de Lieutenant-représentant, véritable répétition générale du rôle qu’il endosse désormais. Il est devenu très populaire parmi ses compatriotes qui apprécient sa proximité et sa simplicité au service du Bien commun.
Qui est la nouvelle Grande-duchesse ?
Née en 1984 au sein de la maison de Lannoy, l’une des plus anciennes familles nobles de Belgique, Stéphanie a grandi au château d’Anvaing, entourée de ses sept frères et sœurs. Élevée dans un environnement à la fois francophone et ouvert aux langues, elle a suivi une scolarité internationale, de la Flandre à Bruxelles en passant par la France, avant d’entreprendre des études de philologie et de littérature en Russie, en Allemagne et en Belgique. Polyglotte et passionnée de culture, elle s’est spécialisée dans les influences croisées entre romantisme allemand et russe, une formation intellectuelle qui préfigure son futur rôle sur la scène culturelle luxembourgeoise.
C’est en 2009, lors d’une soirée en Allemagne, que la jeune comtesse fait la connaissance du prince le plus convoité d’Europe. De cette rencontre naît une relation discrète mais solide, officialisée par leurs fiançailles en 2012. Le mariage, célébré à Luxembourg-Ville en octobre de la même année, sera fastueux et suivi par l’ensemble du pays. Il a rassemblé royautés européennes et familles nobles autour d’une jeune femme appelée à devenir Grande-duchesse héritière. Ensemble, ils ont eu deux fils : le prince Charles (né en 2020) et le prince François (né en 2023).
Avec l’accession de son père au trône, le jeune Charles devient à son tour l’héritier de la couronne, le plus jeune au monde à occuper ce rang. En cas de minorité prolongée, la Constitution prévoit une régence, que pourrait exercer le prince Félix, frère cadet de Guillaume.
Depuis son mariage, Stéphanie de Luxembourg a trouvé sa place au sein de la maison grand-ducale en s’investissant dans des causes culturelles, sociales et caritatives. Présidente du conseil d’administration du musée d’Art moderne Grand-Duc Jean ( MUDAM), elle soutient activement les arts, l’artisanat et la recherche scientifique, tout en s’engageant auprès d’associations liées à la santé et à la solidarité. Des visites auprès des personnes âgées durant la pandémie jusqu’à son appui aux artisans et au monde agricole, Stéphanie s’est progressivement imposée comme une figure discrète mais essentielle de la monarchie luxembourgeoise, prête à accompagner son époux dans la continuité dynastique.
Quel bilan du règne du Grand-duc Henri ?
Monté sur le trône en octobre 2000 à la suite de l’abdication de son père, Jean (1921-2019), le Grand-duc Henri a incarné une monarchie à la fois discrète et moderne, soucieuse de concilier tradition dynastique et exigence démocratique
Il a su mettre en valeur la neutralité et l’image internationale du pays, notamment à travers ses engagements diplomatiques et caritatifs. Mais c’est surtout à l’intérieur qu’il a marqué son empreinte : la réforme constitutionnelle de 2008-2009, retirant au monarque le pouvoir de sanctionner les lois après son refus de signer celle sur l’euthanasie, a redéfini son rôle dans une monarchie désormais plus symbolique et représentative. Le Grand-duc Henri a accepté ce glissement institutionnel avec dignité, incarnant une monarchie adaptée à l’esprit démocratique.
Si il n’a jamais cherché les feux de la rampe, son style de règne s’est caractérisé par une grande proximité avec ses concitoyens. Souvent présent lors d’événements culturels, sportifs ou sociaux, il a su maintenir un lien de confiance avec la population, dans un pays où le consensus prime. Le Grand-duc Henri a également incarné une image familiale rassurante, épaulé par la grande-duchesse Maria Teresa, engagée dans des causes sociales et humanitaires. Ensemble, ils ont modernisé l’image de la monarchie, au carrefour de l’Europe dont elle abrite les institutions financières, la rendant plus accessible, tout en préservant son prestige et sa fonction de neutralité au-dessus des partis.
À l’heure du passage de témoin, le bilan de ce souverain européen apparaît largement positif. Le monarque quitte le trône avec une popularité solide : selon un sondage réalisé en juin 2025, près de 70 % des Luxembourgeois se disent favorables au maintien de la monarchie parlementaire. Loin des scandales qui ont ébranlé d’autres maisons royales, le règne d’Henri de Luxembourg restera celui d’une continuité tranquille, d’un respect scrupuleux des institutions et d’une fidélité aux valeurs de service et de neutralité.
Avec l’avènement du prince Guillaume, la monarchie luxembourgeoise s’inscrit dans la continuité tout en affirmant sa modernité. Son règne se place d’ores et déjà dans les pas de son père. Tout en ouvrant un nouveau chapitre de l’histoire d’une dynastie séculaire monté sur le trône du Grand-duché il y a plus d’un siècle.
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Frédéric de Natal
Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.