La prochaine montée sur le trône britannique du prince Charles de Galles divise profondément l’Australie. Pour les partisans de la République, il s’agit désormais d’une course contre la montre afin de convaincre une majorité de leurs compatriotes de la nécessité d’abolir la monarchie. Un débat récurrent qui a récemment pris de l’ampleur dans ce pays de l’hémisphère sud depuis que le Mouvement républicain australien (ARM) a proposé un projet d’amendements constitutionnels prévoyant un changement de régime au décès de la reine Elizabeth II.
Située en plein cœur de l’Océanie, l’Australie est une nation à part entière. Colonie de peuplement britannique, terre des aborigènes, c’est aussi une monarchie constitutionnelle, membre du Commonwealth avec à sa tête un Gouverneur-général et un Premier ministre représentant les intérêts de la reine Elizabeth II. Appelé à devenir le prochain monarque du Royaume-Uni, le prince Charles de Galles est une figure qui divise les australiens et à l’approche de sa montée sur le trône britannique, c’est la question du maintien de l’institution royale qui est désormais posée dans ce pays de l’hémisphère sud. En dépit d’un référendum en 1999 qui a confirmé l’attachement des australiens à la couronne (55 %) de oui), le Mouvement républicain australien (ARM) continue de battre campagne afin de convaincre les habitants « d’Oz »* de la nécessité de déclarer son indépendance et d’adopter un régime présidentiel de 5 ans comme le détaille le Daily Mail.
En route vers la République
Ces derniers jours, l’ARM a décidé d’accélérer le processus d’abolition de la monarchie en proposant aux australiens une série d’amendements constitutionnels qui trouvent un écho non négligeable au sein du Parlement. Conçu après de longues consultations avec des experts juridiques, le futur régime serait similaire à la République d’Irlande, qui confère des pouvoirs limités à son président. Chaque État australien serait en mesure de proposer un candidat à la présidence (soit 11) pour une meilleure équité laissant toutefois au gouvernement fédéral la possibilité de nommer lui-même jusqu’à trois candidats. Une élection qui se ferait au suffrage universel. Dans la réalité, le futur dirigeant aurait moins de pouvoirs que le Gouverneur-général actuel et ne pourrait pas démettre le Premier ministre issu des urnes. Le modèle hybride proposé par l’ARM vise à fédérer les partisans d’une république divisés en deux camps : ceux qui souhaitent un président élu au suffrage direct et ceux qui veulent un chef de l’Etat choisi par le Parlement.
Des propositions défectueuses selon les monarchistes
« Je pense que nous devons attendre de voir à l’avenir à quoi ressemblera le règne du roi Charles et la reine Camilla en tant que dirigeants de notre nation (…) avant de s’avancer dans une telle direction, avec un tel projet qui ne me semble pas correct » a affirmé la député Katie Allen sur la chaîne Skynews. Leader de la Ligue monarchiste australienne (AML), Philip Benwell a autant ironisé que raillé le projet de république de ses adversaires. « La Ligue monarchiste australienne est ravie que le Mouvement républicain australien ait, après plus de 20 ans, enfin produit un modèle. Bien qu’il laisse ssuggérer que les gens auront le choix, on voit bien que ce seront les politiciens qui décideront du choix des candidats. Une contradiction totale dans leur projet qui vante le consensus national » a t-il expliqué au micro de Canberra City news. Avant de renchérir sèchement, rejoint par deux ténors monarchistes, les anciens Premiers ministre Paul Keating (1991-1996) et Tony Abbott (2013-2015) : « Ce modèle ne servira que les intérêts des politiciens et non ceux du peuple. Il est défectueux ! ».
Des sondages fluctuants sur la question du maintien de la monarchie
« Ce que nous désirons, c’est un chef d’État qui parle pour nous, nous représente et qui place les intérêts de l’Australie en premier. Quand on regarde notre type chef d’État, il est difficile d’affirmer qu’un roi ou une reine représente actuellement l’Australie » a déclaré Sandy Biar, directrice de nationale des républicains. Publié dans le Sydney Morning Herald en janvier 2022, un sondage a révélé que les australiens étaient prêts à un changement de régime mais sur la base d’une faible majorité (54%). Des chiffres d’ailleurs assez fluctuants au gré des sondages, loin de donner une image statique de la volonté réelle des australiens sur cette question. Si le MegXit et l’affaire Epstein ont été mal vécus en Australie, pas de quoi conforter les espoirs de l’ARM. En effet, ce même sondage affirme qu’à peine 38% des « aussies » sont convaincus par le projet constitutionnel présenté par le mouvement républicain. Même la question d’une large représentation des aborigènes au Parlement incluse dans le projet, divise une population peu encline à accepter une telle réforme. Éminente pointure républicaine locale, Malcolm Turnbull a également fait part de ses doutes sur la réussite d’un tel projet. « Si nous voulons avoir un président élu au suffrage direct, tout citoyen australien devrait pouvoir proposer sa candidature. Ils ne devraient pas avoir besoin de la permission d’un groupe de politiciens pour se présenter » a déclaré dans un éditorial cet ancien Premier ministre (2015-2018) renversé par l’actuel dirigeant de l’Australie, Scott Morrison, un monarchiste convaincu. Un sujet qui aussi envahi l’espace religieux de l’Australie. « La Monarchie est aux protestants ce que la République est aux catholiques » a résumé dans une de ses éditions le Sydney Morning Herald et qui s’explique par une génération d’immigrés venus d’Écosse ou d’Irlande qui ne ressentent aucune attache avec la « mère-patrie ».
Avec un bilan contrasté, le dirigeant de Centre-droit est d’ailleurs menacé par sa gauche travailliste acquise à l’idée républicaine (à hauteur de 60%) et qui a des chances d’accéder au pouvoir aux prochaines élections fédérales de mai prochain. « Avec la fin du règne de la reine, nous sommes sur le point de voir un changement radical en Australie … Nous aurons Charles comme roi d’Australie et c’est quelque chose que les Australiens ne veulent clairement pas » a affirmé Sandy Biar à l’Express britannique. Pour l’ARM, aucun doute, l’Australie suit les pas de l’île de la Barbade qui a déclaré son indépendance en novembre 2021 sans que Londres ne tente quoi que ce soit pour la conserver en son sein.
Frederic de Natal
*Abréviation anglaise d’Australie