Jean d’Orléans-Bragance, héritier direct de la dynastie impériale du Brésil, a traversé le XXᵉ siècle en témoin privilégié d’un empire disparu. Entre histoire familiale, engagement politique et passions aéronautiques, son parcours retrace l’ombre portée d’une monarchie qui n’a jamais totalement cessé d’exister dans les mémoires.

Un héritage impérial en exil

Dans ses veines, le sang d’une lignée qui va offrir au Brésil son indépendance et façonner son destin (1822). Soixante-dix ans d’Empire, incarnés par deux souverains — Dom Pedro Ier, fondateur, et Dom Pedro II, bâtisseur — et par une princesse-régente, Isabelle, qui apposa en 1888 sa signature au bas de la loi abolissant définitivement l’esclavage. À cet héritage sud-américain s’ajoute celui d’une famille qui a marqué la monarchie française de son empreinte, comptant parmi ses ancêtres Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français (1830-1848).

Jean d’Orléans-Bragance va grandir à l’ombre de ces grands personnages dont la mémoire est toujours respectée par les Brésiliens aujourd’hui. On l’éduque en plusieurs langues, on lui transmet l’art de la diplomatie autant que de la littérature. Une fois sa scolarité terminée, Jean d’Orléans-Bragance décide de s’orienter vers le droit, les sciences politiques, l’histoire. Il écoute les récits de sa grand-mère Isabelle, qui lui rappelle la responsabilité d’un nom porteur d’une charge historique unique. De Dom Pedro II, il reçoit l’image d’un souverain modernisateur, scientifique, passionné de culture et respecté dans le monde entier. Il rêve de Brésil, de ses couleurs, ses odeurs, ses musiques.

Un pays qui lui ouvre enfin ses portes en 1925. La loi d’exil qui frappait les membres de la maison impériale a été levée cinq ans auparavant. Son père, Pierre d’Alcantara (1875-1940), et sa mère Élisabeth Dobrzensky de Dobrzenicz (1875-1951) ont décidé de revenir dans ce pays rempli de promesses. D’autant que les bruits de restauration de la monarchie parcourent alors tout le Brésil déçu par cette oligarchie militaire qui a renversé l’institution impériale en 1889. Une découverte qui va émerveiller le jeune homme qui devra cependant attendre 1935 avant que lui et sa famille ne s’y établissent définitivement.

Le prince Joao d'Orléans-Bragance et Fatima Scherifa Chirine

Une vie au service du Brésil

Il souhaite servir son pays. Il demande l’autorisation de servir dans la marine, mais le président Getulio Vargas lui refuse ce droit.  Le dictateur, au pouvoir depuis 1930, balaye d’un revers de la main cette requête, estimant que ce corps militaire n’a pas besoin d’un prince dans ses rangs. En réalité, la Marine reste suspecte aux yeux du dirigeant brésilien qui n’a pas oublié que peu de temps après la chute de la monarchie elle a tenté de la restaurer à diverses reprises. Il réussit toutefois à entrer au sein de l’aviation où il en sort lieutenant. Jean d’Orléans-Bragance est politique, s’engage dans le mouvement maurassien de l’Action intégraliste brésilienne (AIB), participe à la tentative de coup d’état du 11 mai 1938 qui échoue à renverser Vargas. Le prince est même blessé dans les combats, lors de l’attaque du palais présidentiel, mais ne sera pas inquiété par le gouvernement.

Plus tard, il embrasse une carrière dans l’aviation et devient pilote au sein de la compagnie (aujourd’hui disparue) Panair do Brasil, où il gravira les échelons jusqu’à occuper le poste de vice-président. C’est au cours d’un vol inaugural reliant Rio de Janeiro au Caire qu’il croise le destin de Fatima Scherifa Chirine (1923-1990), cousine de la princesse Fawzia d’Égypte. Le coup de foudre est fulgurant. En avril 1949, ils s’unissent et s’installent à Paraty, une ferme de 500 hectares, où le prince Jean se reconvertit avec succès dans la production d’eaux-de-vie (brandy). Leur union est couronnée, en 1954, par la naissance d’un fils, le prince João Henrique d’Orléans-Bragance. Mais les années passent et l’amour s’effrite ; le couple se sépare et divorce en 1971. Jean refera sa vie plus tard, épousant en 1990 Teresa Souza Campos, figure bien connue de la vie nocturne brésilienne.

Jean d’Orléans-Bragance s’éteint le 27 juin 2005. Peu de temps avant son décès, éloigné de la vie publique, il avait publié un mémoire en partenariat avec l’écrivain JA Gueiros, intitulé «  História de um príncipe » (Histoire d’un prince). Le résumé d’un destin, dernier trait d’union direct entre le Brésil d’antan et le Brésil contemporain.


Frédéric de Natal

Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.

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