Le 5 juin 1946, le roi Umberto II a remis au gouverneur de la Banque d’Italie de l’époque, Luigi Einaudi, un coffret contenant 6732 diamants, plus de deux mille perles, un diamant rose rare et le diadème de la reine Margherita. Un trésor évalué à plusieurs centaines de millions d’euros et réclamé aujourd’hui par ses héritiers directs. Une demande qui a été mal accueillie par les partisans des Savoie-Aoste et par le Parti communiste italien, premier mouvement politique à réagir officiellement dans cette affaire.
Fin janvier, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie, ainsi que les princesses Marie-Gabrielle, Maria-Pia et Marie-Béatrice de Savoie, tous héritiers directs du roi Umberto II, ont demandé la restitution du trésor royal qui se trouve dans le coffre-fort de la Banque d’Italie depuis plus de soixante-dix ans. Par le biais de leur avocat, ils ont donné une dizaine de jours à l’actuel gouvernement italien pour faire le nécessaire avant de déposer une plainte officielle devant les tribunaux compétents.
Si le fils du prince Victor-Emmanuel de Savoie, prétendant à la couronne d’Italie, s’est longuement expliqué dans le Corriere della Serra, c’est au tour de sa tante, la princesse Marie-Gabrielle de monter au créneau dans cette affaire qui intervient alors que la République parlementaire d’Italie traverse une tempête politique qui la fragilise un peu plus. « Je ne comprends pas pourquoi les bijoux n’ont pas été vus depuis 76 ans. Ils font partie de l’histoire de ma famille » a déclaré la fille du roi Umberto II au quotidien « Oggi ». « Ils ne veulent même pas nous les montrer, il y a forcément quelque chose derrière » affirme Marie-Gabrielle de Savoie qui pense qu’une partie des bijoux de la couronne serait manquante. « Pourquoi ni nous les Savoie, ni les Italiens ne pouvons les admirer ? Ils font partie de l’histoire de ma famille » renchérit la princesse royale qui fait front avec son neveu en dépit de leurs différents dynastiques.
L’affaire italienne des bijoux royaux s’invite dans la querelle dynastique
Depuis 2003, la maison royale de Savoie est divisée entre deux branches. La première est représentée par le prince Victor-Emmanuel IV de Savoie et la seconde incarnée par le prince Aimone de Savoie- Aoste. Selon les partisans de cette dernière lignée, ils reprochent au fils du roi Umberto II, ses nombreuses affaires judiciaires et un mariage inégal qui exclurait de facto la succession. Pour le leader de l’Union monarchique italienne (UMI), Alessandro Sacchi, les demandes des Savoie sont infondées. Interrogé à son tour par le Corriere Della Serra, il a rappelé que le roi Umberto II « était conscient que le contenu de cette boîte ne lui appartenait pas. Ce n’étaient pas des actifs privés et quand il a eu besoin d’argent au lieu de les emporter avec lui, il a fait un prêt financier auprès du Pape Pie XII » précise ce monarchiste convaincu. « Il avait la certitude absolue qu’il ne pouvait pas disposer de ces biens. Il était rigoureux et constitutionnel. S’il avait eu le moindre doute, il aurait réglé cela différemment » poursuit Alessandro Sacchi qui craint que si le trésor est restitué à la branche aînée, elle en vende une partie. « Une tiare de diamants d’une valeur de plusieurs millions qui appartenait à la famille de Savoie a récemment été vendue par Marie-Gabrielle lors d’une vente aux enchères internationale » rappelle le leader de l’UMI.
« Tout comme le trésor de la couronne anglaise se trouve dans la tour de Londres et n’appartient pas à Elizabeth ou à ses héritiers, mais à l’Angleterre. Même aux États-Unis, à la fin de son mandat, le président laisse tous les cadeaux de valeur reçus à la Maison Blanche. Rien ne lui appartient sauf dans sa fonction de chef de l’Etat » précise encore Alessandro Sacchi et qui affirme que le roi Umberto II a agi conformément au statut Albertin qui régissait le royaume. Cette demande, qui fait suite à une autre du même montant déposée en vain par les de Savoie qui réclamait des millions à l’état italien à titre de compensation, pour les années d’exil subies par la maison royale, a agacé le secrétaire national du Parti de la Refondation Communiste – Gauche Européenne. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, Maurizio Acerbo a rappelé que les demandes de la maison royale « étaient indécentes alors qu’il s’étaient compromis avec le régime fasciste » et qu’il rejetterait toutes demandes d’abrogation de l’article 13 de la Constitution qui pourraient venir des partis de la droite dont certains ne cachent pas leur proximité avec la famille royale. Un article qui stipule par ailleurs que les biens de la couronne appartiennent à la République italienne.
Frederic de Natal