Opposant notoire au nazisme,  le prince Friedrich III zu Solms-Baruth a été arrêté, emprisonné et torturé par les nazis en 1944. Aujourd’hui ses héritiers souhaitent récupérer les biens familiaux confisqués après la Seconde guerre mondiale. Pourtant Berlin refuse de faire la moindre concession à cette maison princière de Basse-Silésie qui a participé à l’Opération Walkyrie et qui menace désormais de déposer le dossier à la Cour européenne des droits de l’Homme.

C’est une lourde bataille juridique qui se joue depuis la réunification de l’Allemagne en 1990 et qui met tout un pays face au miroir de son histoire. Les Solms-Baruth compte parmi les noms illustres de la noblesse silésienne mais celui qui aura marqué sa maison de son empreinte est sans nul doute le prince Friedrich III à l’arbre généalogique irréprochable. Héritier d’une fortune considérable, il cousine avec la maison impériale des Hohenzollern et celle des ducs de Saxe-Cobourg-Gotha. Traumatisé par les affres de la Première guerre mondiale, son tempérament va le pousser progressivement vers un certain libéralisme et un pacifisme assumé. Passionné d’agriculture et de sylviculture, la montée du nazisme l’inquiète (il quittera l’armée afin de ne pas prêter serment au Führer) autant que ce camp de concentration monté près du château de Klitschdorf où il réside. Il entre très vite en conflit avec les gardes SS qui n’hésitent pas à outrepasser leurs droits. Notamment lorsqu’en 1933, ils abattent deux personnes venues porter secrètement de la nourriture aux prisonniers. L’affaire menace de dégénérer en scandale, le château mis sur écoute par les services de sécurité qui s’irritent du caractère trop indépendant du prince Friedrich.

Friedrich III zu Solms-Baruth et le blason de la sa maison @Dynastie

Un prince harcelé par les nazis

Friedrich  zu Solms-Baruth refuse toutes les propositions qui lui sont faîtes d’adhérer au NSDAP. Il sera harcelé par les nazis tout au long du conflit. Dans la presse, son nom est régulièrement pointé du doigt, tantôt accusé « de ne pas montrer une joie suffisante à l’occasion de l’anniversaire du Führer », tantôt « d’essayer de former un Etat dans l’Etat ». En 1943, le Reich lui impose un administrateur de biens  et ce dernier qui prend un malin plaisir zélé à regarder la moindre dépense du domaine, contraignant le prince Friedrich à s’éloigner. Début 1944, il commet l’erreur de déclarer publiquement que la « guerre est perdue d’avance ». Assez pour que la Gestapo ne cesse de le convoquer dans ses bureaux, suspecte des activités de résistance intérieure et ne finisse par l’exproprier. Sans aucune preuve. Et même lorsqu’il est arrêté après la tentative d’assassinat d’Hitler, le 20 juillet 1944, les nazis échouent à lui soutirer des informations. Lorgnant depuis longtemps sur les terres du prince,  Heinrich Himmler, ministre de l’Intérieur du Reich, s’approprie alors plus de 17500 hectares de terres agricoles appartenant au prince. Bien que le dignitaire nazi n’en profite pas longtemps, pour la maison de Solms-Baruth, c’est aussi le signal de l’exil. A la chute du Reich, le prince Friedrich part vivre en Namibie où il s’éteindra en 1951, âgé de 65 ans, protégé par le gouvernement anglo-sud-africain qui a eu vent de ses activités au sein du Cercle de Kreisau

Hitler présente à Benito Mussolini les dégâts occasionnés par l’attentat du 20 juillet 1944;

Mauvaise foi manifeste du tribunal de Cottbus

Pour ses descendants qui cherchent à faire valoir leurs droits sur les anciennes propriétés et domaines forestiers de leur famille, le premier jugement rendu par le tribunal compétent de Cottbus est incompréhensible. Selon les juges, le prince Friedrich a délibérément donné ses terres aux nazis et rien ne prouve qu’il n’ait pas collaboré avec le Troisième Reich en dépit des preuves de sa résistance apportées par son petit-fils, le prince Friedrich V zu Solms-Baruth. Des documents provenant des archives des service secrets britanniques (il est stipulé que le château servira de quartier général à la résistance dirigée par l’amiral Wilhelm Canaris, l’ancien chef du renseignement de l’Abwehr), transmises par l’historien britannique Nigel West [nom de plume de l’ancien député conservateur Rupert Allason-ndlr].  En 2014, le tribunal a également rejeté une déclaration (sous serment attestant des activités antinazies du prince) fournie par le comte Carl-Hans von Hardenberg, pourtant l’un des rares comploteurs directement impliqués dans l’ Opération Valkyrie, ce vaste complot fomenté par un groupe d’officiers de haut rang de la Wehrmacht qui cherchait à se débarrasser d’Adolf Hitler .« Il est inique de constater que les biens de ma famille restent séquestrés par l’État allemand qui préfère protéger un régime largement accepté comme l’un des plus mauvais et corrompus de l’histoire moderne » regrette amèrement le prince Friedrich. Et même si une toute partie de ces terres leur a été restituée, la majorité de celles-ci restent encore les mains de l’état fédéral.

Friedrich V zu Solms-Baruth @Dynastie

 Friedrich zu Solms-Baruth menace de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme

Le gouvernement allemand, déjà empêtré dans des négociations identiques avec le prince Georges-Frédéric de Prusse, prétendant au trône, s’est défendu de toute accusation de vol. Il affirme que les terres concernées ont été prises à cette maison princière dans le cadre d’un programme de réforme agraire est-allemand et que les fichiers du registre foncier ont été détruits par le régime communiste de la République démocratique allemande (RDA). Ce que réfute son petit-fils qui affirme que non seulement, ils sont bien consultables mais que les documents retrouvés dans les « Archives de restitution » de la BADV, l’organisme public responsable des questions de propriété non résolues, prouvent bien que le Reich a tout fait pour cacher cette confiscation illégale de leurs terres par Himmler. Même l’encre des papiers a été analysée afin de démontrer sa bonne datation. Un dossier complet a d’ailleurs été mis en ligne sur le site officiel de la maison princière afin de prouver le bien fondé de sa demande.

Un dossier conflictuel qui met en lumière les difficultés rencontrées par l’aristocratie allemande pour récupérer les biens nationalisés sous le régime hitlérien. « Une victoire démontrerait à quel point l’Allemagne d’aujourd’hui a vraiment tiré les leçons de son sombre passé » déclare prince Friedrich V zu Solms-Baruth qui menace de porter son dossier devant la Cour européenne des droits de l’Homme si le tribunal tranche une nouvelle fois en sa défaveur.

Frederic de Natal