Épopée biblique contée par les Livres des Rois, les descendants de David ont régné en maître sur l’Israël antique. Dynastie légendaire, elle est aujourd’hui éteinte. Toutefois, depuis le roi Salomon jusqu’à nos jours, une autre tout aussi souveraine défend encore cette continuité héréditaire. Réelle descendance ou outil de légitimation dynastique, la Revue dynastie dresse le portrait de l’ancienne maison souveraine d’Éthiopie : la dynastie Salomonide ou les négus d’origine Sabéenne.
Représentée actuellement par le prince Zera Yacob Amha Sélassié (68 ans), la dynastie Salomonide est l’ancienne maison souveraine d’Éthiopie. Ayant unifié l’Éthiopie, elle l’a défendu contre les envahisseurs étrangers (notamment contre les Italiens au cours du XIXème et XXème siècle) et reste sans nul doute la fondatrice de l’État moderne éthiopien. Destitué par un révolution communiste en 1974, le dernier négus d’Éthiopie, Hailé Sélassié, est assassiné un an plus tard par la révolution, laissant derrière lui une dynastie vieille de 700 ans.
Happy Earthstrong to Zera Yacob Amha Selassie, Crown Prince of Ethiopia, grandson of H.I.M. Haile Selassie I pic.twitter.com/SRMJD1Zm9F
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Le principe de légitimité dynastique en Éthiopie
Le concept de légitimité dynastique permet le maintien ou la prétention d’une dynastie à la souveraineté d’un État. Inhérent à la naissance d’une dynastie, il s’incarne de trois manières : une légitimité dynastique mythologique, religieuse ou historique. Dans ce domaine, Jules César s’incarne comme le descendant direct de Vénus, le Christ est présenté comme le descendant de la lignée de David et les prétendants au trône de France se fondent sur le règne continue de leurs maisons sur plusieurs siècles. Définie par Max Weber comme “la source légitime de l’autorité comme résidant dans l’ascendance de la famille régnante”, Max Weber présente comme légitimité du pouvoir, les légitimités traditionnelles, rationnelles et matérielles. Dans ce cadre précis, la légitimité dynastique reprend les codes d’une légitimité traditionnelle due à une tradition et une continuité. La dynastie Salomonide possède une particularité, elle détient sa propre légitimité dynastique, peu commune aux (anciennes) maisons souveraines. Si l’histoire ancre la naissance des Salomonides en 1270, avec le négus Yekuno Amlak, cette dynastie s’enracine au IXème siècle avant Jésus Christ comme rameau de la maison de David, issue de Ménélik Ier, fruit de l’union entre Salomon et la légendaire reine de Saba.
Roi Salomon et Reine de Saba pic.twitter.com/nCnz7uZmfJ
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Une dynastie ancrée dans le mythe et l’Histoire
Le Kebra Nagast (Gloire des rois) est un livre éthiopien rédigé au XIVème siècle liant traditions, légendes éthiopiennes et histoires bibliques. Parmi les sept grands passages de ce livre, la relation entre le roi Salomon et la reine de Saba est mentionnée. La tradition présente la reine de Saba venant du sud de l’Arabie (du peuple des Sabéens) mais, son règne s’établit également sur les régions d’Éthiopie et d’Erythrée. A son décès, Ménélik Ier devient Empereur d’Éthiopie, fondateur de la dynastie Salomonide (La maison de David est mythiquement la maison d’Israël de 1008 av J.c. à 930 av J.c.). Toutefois, historiquement, l’empire d’Éthiopie est fondé par le négus Yekuno Amlak , empire qui remplace le royaume d’Agaw suite à la défaite de la dynastie des Zagwé à la bataille d’Ansata. Dans son entreprise de légitimation dynastique, Yekuno fondateur d’une nouvelle dynastie, d’une nouvelle maison souveraine, lie ses origines à l’union entre la reine de Saba et de Salomon. Yekuno Amlak y revendique une descendance Davidique et ancre sa dynastie dans l’histoire d’une Ethiopie fondée en 1270. Dès lors, rois légitimes, issus d’une branche cadette ou même usurpateurs vont se revendiquer de ce mythe davidique.
Les ordres dynastiques et l’héraldique Salomonide
Cette union mythique est encore présentée par l’actuelle maison impériale d’Éthiopie, notamment dans ses ordres dynastiques et dans ses armoiries officielles. Sous la direction de l’héritier présomptif du trône impérial éthiopien, ils sont attribués par le Conseil de la couronne d’Éthiopie. Les principaux ordres dynastiques éthiopiens se nomment l’ordre de Salomon, l’ordre de la reine de Saba, le sceau de l’ordre de Salomon, l’ordre de la Sainte Trinité. Ces ordres enracinent la dynastie Salomonide dans la continuité d’une filiation Davidique et Sabéenne que suit également l’héraldique Salomonide où l’on retrouve les éléments bibliques et chrétiens disséminés sur son blason. Dans un premier temps, le Lion de Juda reste en premier plan de cet héraldique démontrant la prétention des empereurs et héritiers présomptifs de la couronne impériale. Bibliquement, le Christ est représenté par le Lion de Juda, descendant de David et membre de la dynastie Davidique, similaire aux prétentions Salomonides, le Lion de Juda représente aussi l’Empereur (désormais l’héritier présomptif) de la maison impériale d’Éthiopie. Il démontre également l’allégeance de l’empereur au Christ et sa place au sein de l’Église épiscopale Éthiopienne. Deux anges entourent le trône impérial où siègent au-dessus la bible, au centre une croix et l’étoile de David. Au bas de l’armoirie, est rédigé “Lion conquérant de la tribu de Juda” et autour du trône “L’Éthiopie tend ses mains vers le Seigneur”.
Le mythe laissa place à la légende et la légende laissa place à une réalité : la dynastie Salomonide, par ses codes, représente assurément aujourd’hui un héritage Davidique.
Adrien Hurtado, doctorant en étude de Droits dynastiques