L’archiduc Georges de Habsbourg-Lorraine, petit-fils de l’Empereur Charles et de l’Impératrice Zita, est ambassadeur de Hongrie en France depuis mars 2004. Aujourd’hui âgé de 57 ans, il s’est installé à Budapest en 1992, peu de temps après la chute du communisme. Époux de la duchesse Eilika von Oldenbourg, il est père de trois enfants. il nous a reçus à l’ambassade de Hongrie à Paris, non loin de l’avenue Foch.
Dynastie : Monsieur l’Ambassadeur, Votre Excellence peut-elle nous éclairer sur les liens qui unissaient l’empereur Charles à la Hongrie ?
Habsburg György : Pour nous, c’était le roi de Hongrie, qui était aussi l’empereur d’Autriche. La différence entre l’Autriche et la Hongrie, c’est qu’en Autriche, lorsqu’un empereur meurt, son successeur devient automatiquement empereur, alors qu’en Hongrie le couronnement à Budapest est une cérémonie religieuse, considérée comme très importante par mon grand-père, qui a prêté serment sur la couronne de saint Étienne, réalisant à ses yeux l’une des choses les plus importantes de sa vie. Il parlait le hongrois, il connaissait la Hongrie. Il y a passé beaucoup de temps. Il a toujours témoigné de sa relation spéciale avec la Hongrie. Ensuite, il est parti en exil. Il a tenté deux fois de retourner en Hongrie pour rétablir son pouvoir, ce pays étant toujours une monarchie, parce qu’il avait senti qu’il avait une relation très spéciale avec la Hongrie du fait de son couronnement. Durant son dernier exil, à Madère, il a beaucoup parlé avec mon père, qui était très jeune. Ils se sont promenés des heures entières, et il a transmis à mon père le sentiment de responsabilité et l’admiration qu’il avait pour la Hongrie. Et de ce fait, mon père a hérité de cette relation très spéciale avec la Hongrie.

« Il a été le premier à créer des ministères des Affaires sociales en Autriche et en Hongrie »

Dynastie : Vous avez évoqué la couronne de saint Étienne. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’importance de cette couronne, qui se trouve au centre du Parlement à Budapest ?
Habsburg György : La couronne de saint Étienne a un rôle très spécial dans l’histoire de la Hongrie, puisque c’est la couronne qui est en fait le chef d’État. Le roi est le représentant de la couronne. Dans les autres pays, la couronne donne une visibilité aux chefs d’État. En Hongrie c’est le contraire. Cela a été une décision politique très importante, après que la couronne de saint Étienne est revenue des États-Unis, de l’installer à son emplacement actuel.
Dynastie : Que retenez-vous de la politique de l’empereur Charles en Hongrie ?
Habsburg György : Il a fait beaucoup de réformes sociales. Il a été le premier à créer des ministères des Affaires sociales en Autriche et en Hongrie. Il a beaucoup travaillé à donner des droits aux locataires, par exemple. En cela, il était un héritier du catholicisme social ? Naturellement. Il était très religieux et puisait une grande force dans sa religion. Il avait une grande confiance en Dieu et dans la prière. C’était un homme très optimiste, car il était toujours en contact avec Dieu par la prière.
Dynastie : D’après vous, d’où venaient les réticences de certains politiciens hongrois à l’égard du retour au pouvoir de votre grand-père ?
Habsburg György : Ils voulaient protéger le pouvoir qu’ils avaient obtenu. Ils avaient parfaitement oublié qu’ils avaient juré d’être loyaux envers le roi. Ils ont cherché des prétextes politiques et affirmé que les Hongrois n’auraient pas accepté ce retour. Il est très difficile de dire s’ils avaient effectivement raison. Mais je pense plutôt qu’il s’agissait d’une volonté de protéger leurs propres pouvoirs.

Dynastie : Reine de Hongrie, son épouse l’impératrice Zita l’a toujours accompagné dans ses combats politiques. Quel regard portait-elle sur la Hongrie ?
Habsburg György : Malheureusement, ses origines italiennes et françaises ont nourri les critiques contre la reine durant la guerre. Elle a toujours accompagné et aidé mon grand-père. Elle avait un caractère très fort et était animée par la piété.
Dynastie : Après la chute du communisme, quel regard les Hongrois ont-ils porté sur votre grand-père ?
Habsburg György : Le communisme a détruit beaucoup de choses, il a voulu notamment changer le regard sur l’histoire. Le rôle de mon grand-père et de ma famille était présenté dans les livres scolaires comme très négatif pour la Hongrie. Mais depuis 1990, cette image a beaucoup changé parce que les gens se sont aperçus de l’héritage négatif du communisme. Il y a aujourd’hui un grand intérêt pour l’histoire en Hongrie. Beaucoup de livres sur l’histoire hongroise sont publiés et traduits.
Dynastie : Pensez-vous que l’empereur Charles puisse être un modèle pour l’Europe, non seulement par sa piété mais aussi par la vision politique pacifique qu’il avait pour notre continent ?
Habsburg György : La réponse a été apportée par le pape Jean-Paul II. Quand il a béatifié mon grand-père, il a donné sa vie en exemple aux catholiques et à l’Église.
Dynastie : Que pensez-vous du fait que les Français manifestent un intérêt particulier pour votre grand-père ?
Habsburg György : J’en suis très heureux. Cela m’a un peu étonné. Je m’attendais plus à cela pour ma grand-mère, qui vient d’une famille française. Quand je suis allé à Angers, j’ai découvert une école qui s’appelle Bienheureux Charles. J’ai été absolument ravi de voir qu’ils jouaient une pièce de théâtre sur la vie de mon grand-père. J’ai eu la possibilité d’y assister. Cela m’a impressionné. On peut apprendre beaucoup en partant de la vie de mon grand-père. Il n’a pas réussi à instaurerla paix, mais je crois que Jean-Paul II a dit que l’important n’est pas le résultat mais les moyens que l’on se donne chaque jour pour arriver à ce résultat. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où seul le résultat compte. Pour l’Église, c’est ce que l’on fait chaque jour, chaque minute, pour arriver à un résultat qui compte. L’important c’est le chemin que l’on a fait. C’est ce que j’ai appris sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
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Frédéric de Natal
Rédacteur en chef du site revuedynastie.fr. Ancien journaliste du magazine Point de vue–Histoire et bien d’autres magazines, conférencier, Frédéric de Natal est un spécialiste des dynasties et des monarchies dans le monde.