Leader depuis trois décennies du Rastriya Prajatantra Party, le mouvement royaliste népalais, son congrès organisé le 5 décembre dernier aurait dû être une formalité pour l’ancien vice-premier ministre Kamal Thapa. Pourtant, les membres de son parti en ont décidé autrement et ont choisi de le démettre de ses fonctions. Furieux, Kamal Thapa a accusé l’ancien monarque destitué en 2008 d’avoir délibérément interféré dans le jeu électoral du parti afin de favoriser son opposant.
C’est un parti qui connu de nombreux soubresauts au cours de son histoire. Fondé dans les années quatre-vingt-dix, dans le creux de la vague démocratique qui a contraint la monarchie à se réformer et adopter une constitution, le Rastriya Prajatantra Party (Parti national démocratique/RPP) n’a eu de cesse de monter en puissance dans la politique népalaise. Notamment depuis l’abdication du roi Gyanendra Shah qui n’a pas laissé un souvenir impérissable de son règne à ses compatriotes. Nationaliste, hindouiste et monarchiste, plusieurs fois ministres ou député, Kamal Thapa a toujours dirigé son parti d’une main de fer. Un mouvement dont les succès électoraux ont été variés mais qui plus d’une fois l’ont mené aux portes du pouvoir et qui a démontré sa capacité de nuisance au sein d’une république fédérale et laïque qui n’en finit pas avec les démons de la division.
Tapi dans l’ombre, le roi Gyanendra Shah est perpétuelle épine dans le pied de la coalition marxiste au pouvoir mais également dans celui des monarchistes qui souhaiteraient plus de neutralité de la part de l’ex souverain,74 ans. Pour certains royalistes, les nombreuses interventions de Gyanendra, qui ne cache pas sa détestation de la République et qui a attaqué plus d’une fois cette institution , ralentirait la progression du mouvement royaliste où toute alliance avec le Congrès népalais. Un parti longtemps soutien indéfectible de la monarchie après l’avoir brutalement lâchée.
« Voici la récompense que j’ai reçu aujourd’hui pour avoir porté l’idée de la monarchie »
Cela faisait des mois que les tensions entre Kamal Thapa et le roi Gyanendra étaient palpables. Au sein du RPP, la nouvelle génération de monarchistes pointait du doigt sa mainmise sur l’ensemble du parti et avait montré leur pouvoir d’influence en organisant des rassemblements gigantesques dans les rues des principales villes entre novembre 2020 et février 2021, sans avoir l’autorisation de leur leader. Une délégation était même allée se présenter aux portes de sa résidence afin de lui demander d’intervenir, contraindre le parti à s’unifier et se réformer afin de le pousser vers la victoire pour les élections prochaines de 2022 (hier troisième parti d’opposition et deux fois membres du gouvernement, les royalistes sont passés de près de 20 élus en 2008 à un seul en 2017, régressant à la cinquième place). La demande des jeunes monarchistes semblent avoir été entendue.
« Voici la récompense que j’ai reçu aujourd’hui pour avoir porté l’idée de la monarchie depuis 2006, lorsque la vague républicaine a balayé le pays. Bonne chance au roi pour avoir tenté d’éliminer politiquement le principal moteur de cet agenda » a tweeté un Kamal Thapa furieux mais qui a concédé sa victoire. S’en sont suivis des échanges très violents par réseaux sociaux interposés avec la princesse héritière Himani Shah qui s’est réjouie de voir enfin le parti monarchiste « purifié » et a félicité officiellement le député Rajendra Lingden, le challenger de Thapa, devenu le nouveau président pour 5 ans du RPP. Une redistribution des cartes mais qui n’en a pas finit avec l’influence de Thapa qui conserve encore des soutiens dans l’organigramme du parti. Il n’en reste pas moins que « souverain exilé de l’intérieur », le roi Gyanendra Shah conserve toujours une forte aura politique et il entend bien retrouver pour la troisième fois consécutive son trône perdu (1950-1951 et 2001-2008). Quitte pour cela à retomber dans ses travers autocrates qui l’ont fait chuter de son trône.
Face à la polémique, le secrétariat du monarque a démenti par voie de presse que Gyanendra Shah ou sa bru soient présents sur les réseaux sociaux, évoquant une » fake news » concernant la déclaration de la princesse Himani Shah et affirmant que le roi n’a pas interféré dans les affaires internes du mouvement royaliste.
Frederic de Natal