Dans le cadre des festivités du bicentenaire de l’indépendance du Brésil, le maire portugais de Porto, Rui Moreira, a annoncé que le cœur de l’empereur Pedro Ier serait de retour très prochainement dans le pays dont il a été le premier souverain.
C’est une annonce qui a surpris tout le monde et qui a suscité l’engouement des médias lusophones. Lors d’une conférence de presse ce 22 juin, le maire de Porto, Rui Moreira, a déclaré que le cœur de Dom Pedro de Bragance, fondateur de l’empire brésilien, serait acheminé vers l’Amérique du Sud afin d’être exposé pour les festivités du bicentenaire de l’indépendance prévues en septembre prochain et à laquelle la maison impériale du Brésil a été conviée. « Nous attendons depuis longtemps le retour de ce cœur. Ce serait bien pour la commémoration du bicentenaire que nous allons célébrer conjointement avec le Portugal car Dom Pedro reste une personnalité importante pour nos deux pays » a déclaré l’ambassadeur brésilien George Prata qui a coordonné les négociations avec Lisbonne, cité par Sapo 24.
Dom Pedro, héros de l’indépendance brésilienne
Dom Pedro a 7 ans lorsqu’il est contraint de fuir le Portugal vers le Brésil. Son père, le roi Joao VI, et son ambitieuse mère, l’infante Carlota Joaquina d’Espagne, n’ont pas réussi à endiguer l’avancée des forces napoléoniennes qui agissent comme un rouleau compresseur sur la péninsule ibérique. L’arrivée de la cour royale des Bragance dans le fleuron de leur empire va considérablement changer le destin de cette colonie sud-américaine, dont l’économie repose principalement sur la culture de café, de caoutchouc et le commerce des esclaves. Malgré la libération du Portugal en 1811 et la chute de Napoléon Ier, 4 ans plus tard, les Bragance vont mettre du temps à revenir sur leurs terres ancestrales. C’est un soulèvement libéral qui force Joao VI à reprendre la mer afin de se présenter en recours de sa monarchie, laissant la gestion du Brésil à Pedro. Profondément amoureux de son pays d’adoption, lorsque les Cortès annoncent qu’ils révoquent le droit à l’autonomie, l’héritier au trône décide de sacrifier sa loyauté filiale pour proclamer l’indépendance du Brésil le 7 septembre 1822. Le nouveau pays se dote d’une monarchie et Dom Pedro en devient le légitime souverain.
Héros national au Portugal
Très impulsif, Dom Pedro arrache la liberté du Brésil au prix d’une longue guerre avec le Portugal qui finit par reconnaître la perte de sa colonie en 1825. Pour autant, la stabilité du pays est loin d’être acquise car l’institution monarchique doit faire face à un nombre croissant de sécessions de provinces (une aboutira à la formation de l’Uruguay actuel). La mort du roi Joao VI en 1826 va placer Dom Pedro Ier dans une situation incongrue. Empereur du Brésil, il devient roi du Portugal sous le nom de Pedro IV. Ne pouvant réunir les deux couronnes, il décide de transférer ses droits à sa fille, Maria II da Gloria, épouse de Dom Miguel, son oncle. Un mariage voulu dans une optique de réconciliation dynastique et qui va s’avérer désastreux. Une fois le couronnement de Maria passé, son mari s’empresse de la détrôner et de s’arroger les pleins pouvoirs avec le soutien de sa mère et des absolutistes. La rupture entre Dom Pedro et Dom Miguel est consommée, elle se réglera sur les champs de bataille. L’empereur du Brésil finit par abdiquer en 1831 de son trône, poussé par les libéraux qui souhaitent lui imposer une constitution, pour revenir au Portugal restaurer sa fille dans ses droits. Son pays de naissance va se déchirer violemment durant trois ans avant que Dom Pedro ne finisse par s’imposer et rendre son sceptre à Maria II. Il meurt en 1834, demandant à ses descendants d’abolir graduellement l’esclavage. Son corps a été ramené en 1972, excepté son cœur resté dans l’église Notre-Dame de Lapa à Porto.
Un voyage historique et un symbole pour la mouvance monarchiste du Brésil
Selon Rui Moreira, le rapport d’expertise sur la relique a été réalisé le 31 mai, pendant plus de cinq heures, par cinq experts dans les domaines de l’anatomie, de la médecine légale, de la génétique et de la biologie médico-légal, réunissant des spécialistes, des enseignants et des chercheurs de deux facultés de médecine de Porto, la Faculté de médecine de Porto (FMUP et l’Institut Abel Salazar des sciences biomédicales (ICBA). « Le rapport d’expertise n’est pas encore totalement terminé, mais nous avons déjà été assurés que le cœur de Dom Pedro IV peut être temporairement transféré au Brésil, sous réserve de l’exigence d’un transport dans un environnement sous pression », a déclaré le maire de Porto ayant pris soin de venir avec la boîte contenant la clé qui ouvre le coffre-fort où se trouve le cœur de l’ancien monarque. « C’est donc avec un grand honneur que j’annonce que j’autorise le transfert au Brésil du cœur de Dom Pedro IV du Portugal et du premier empereur du Brésil à des dates à convenir entre mon bureau et le Palais Itamaraty [Ministère des Affaires étrangères du Brésil » a confirmé Rui Moreira. Le maire a également souligné, concernant les exigences requises pour ce voyage historique, « qu’elles ont déjà été garanties par des représentants de l’État brésilien et que le transfert sera à la charge de l’armée de l’air brésilienne ». Reste également à obtenir l’accord de la Confrérie religieuse, gardienne du cœur, qui a demandé à la Faculté de médecine une évaluation technique afin de « connaître les véritables conditions du cœur et si celui-ci peut être effectivement transféré temporairement au Brésil sans subir de dommages » a toutefois précisé, très confiant, le maire de Porto.
Une annonce accueillie dans l’enthousiasme par les partisans de la monarchie. Des festivités qui s’annoncent grandioses, constellées de reconstitutions historiques et d‘expositions sur l’Histoire du Brésil. Depuis plusieurs mois, les membres de la maison impériale du Brésil rencontrent les autorités locales des différentes municipalités et mobilisent leurs partisans sur fond de rumeurs d’une éventuelle restauration de la monarchie. Lors d’une allocution prononcée le 4 juin au XXXIIème congrès monarchique, qui a rassemblé sur place et en ligne 14 000 personnes, le prince Dom Bertrand d’Orléans-Bragance a déclaré qu’il était persuadé que le Brésil était sur le point de « reprendre les voies glorieuses de son destin historique, à travers la restauration d’une société authentiquement chrétienne et monarchique ». Malgré tout, le Sénat a refusé de voter la mise en place d’un nouveau référendum sur cette question qui divise la société et la classe politique brésilienne en dépit de la proximité affichée et revendiquée du président Bolsonaro avec la branche la plus conservatrice de la maison impériale.
Frederic de Natal