Restaurée en 1975 peu après le décès du général Francisco Franco, la monarchie espagnole est régie par une loi de succession agnatique au trône mettant à rang égal, filles comme garçons. Quelque soit son sexe, le premier des aînés à naître du monarque sera le prochain souverain d’Espagne. Aujourd’hui, c’est la fille du roi Felipe (« Philippe » en français) VI, la princesse des Asturies, Léonor de Bourbon (16 ans) qui est appelée à diriger prochainement le pays de Cervantès. Si cette succession est clairement établie pour tous, tapis dans l’ombre du trône, d’autres prétendants attendent patiemment que l’Histoire joue en leur faveur.
Un prince bleu, arrière-petit-fils de Franco
C’est indubitablement l’aîné de la Maison Bourbon. Le prince Louis-Alphonse de Bourbon est l’actuel cousin du roi Felipe VI. Père de 4 enfants, sa branche a été privée de ses droits au trône par la volonté capricieuse d’Alphonse XIII. A cette époque, la monarchie a été remplacée par une république et les Bourbons sont partis en exil. En raison de sa surdité, l’infant Henri-Jacques a été contraint de renoncer à ses droits au trône contre compensation financière. En cette année de 1933, c’est donc la branche cadette, régnant actuellement en Espagne, qui reprend à son compte un héritage tumultueux. A de nombreuses reprises, le duc de Ségovie tentera en vain de revenir sur cette renonciation, avant de se consoler avec une autre couronne en attente, celle du trône de France qu’une minorité de monarchistes français est venue lui proposer. Âgé de 46 ans, Louis-Alphonse de Bourbon est un prince actif autant dans le monde des affaires (il est banquier) que dans la politique. Bien qu’il le réfute régulièrement au cours d’interviews, son soutien au mouvement Vox est avéré. Invité à s’exprimer au Congrès des Familles, sorte de grande messe de l’extrême-droite pilotée par la Russie, ses prises de positions conservatrices et sa filiation directe avec le général Franco (il est son arrière-petit-fils), dont il défend publiquement l’héritage, ont attiré autour de lui une coterie monarcho-franquiste qui rêver de le couronner « Rey de España » en lieu et place de l’infante Léonor. Souvent raillé pour ses prétentions au trône de France par les médias hispaniques qui ne lui reconnaissent aucun titre princier (il a perdu ses prédicats en 1987 sur décret du roi Juan Carlos Ier), Louis-Alphonse de Bourbon, Louis XX pour ses partisans en France, Luis II en Espagne, n’a cependant jamais fait acte de candidature pour un trône qu’il a peu de chances d’occuper.
Les frères ennemis du carlisme
Face à cet hidalgo racé, les Bourbon-Parmes divisés entre deux lignes idéologiques qui trouvent leurs racines au sein d’un même rameau. Propulsé à la tête du duché de Parme entre 1748 et 1860, c’est une famille aux multiples branches. Lorsqu’en 1936 meurt le prince Alphonse-Charles de Bourbon, le vieux prétendant carliste à la couronne d’Espagne, c’est le prince François-Xavier de Bourbon-Parme qui est désigné pour lui succéder. Un siècle plus tôt, le roi Ferdinand VII avait modifié la loi de succession afin d’autoriser sa fille à monter sur le trône. Le règne d’Isabelle II (1833 à 1868) va laisser une mauvaise empreinte dans le subconscient des espagnols. Encore aujourd’hui. Conspirateur, chef de guerre, François-Xavier de Bourbon-Parme essaye de s’imposer face au général Franco durant toute la guerre civile qui opposent nationalistes et républicains. L’animosité entre les deux leaders est constante et lorsque le prince est envoyé à Dachau (1944) par les nazis pour ses actions de résistance contre Vichy, Franco refuse qu’on le libère. La mesquinerie de Franco le poussera même à jouer avec les espoirs de ce prétendant lorsqu’il se met à la recherche d’un candidat pour le trône d’Espagne en devenir. Les carlistes vont se diviser, certains se réclamant d’un carlisme autogestonnaire (avec son fils aîné, Charles-Hugues), d’autres du traditionalisme, socle de base du mouvement (avec son second fils, Sixte-Henri) et s’affronter à Montejurra (1976) sous l’œil du prétendant qui n’a plus quelques mois à vivre. Les carlistes ont perdu toute leur influence politique, condamnés à boycotter les élections ou se rattacher à d’autres partis. Le prince Charles-Xavier (fils de Charles Hugues décédé en 2010) a repris le flambeau d’un mouvement et en dépit de quelques coups d’éclats, le carlisme n’est plus qu’une quête romantique et le refuge des déçus d’une royauté qu’ils trouvent trop ouverte sur la modernité. Pas assez suffisant pour chasser l’actuel monarque. Ay, caramba !
L’improbable candidat
Reste l’improbable. Il est le propriétaire du château de Bran situé en Roumanie, cette forteresse qui a été demeure de « Vlad Tepes « le « Dracula » de Bram Stocker qui hante nos nuits. Mais pour une minorité de carlistes ultra-catholiques, il est le roi Dominik Ier de Habsbourg-Toscane qui réveillera l’Espagne dont il est légitime souverain. A la tête du mouvement carloctaviste, une scission du carlisme, le monarque a bien les dents longues pour les affaires depuis le siège de son entreprise aux Etats-Unis mais guère pour son trône dont il se préoccupe que peu. Il ne revendique d’ailleurs rien mais ses partisans se chargent le faire pour lui. En 2012, un sénateur basque avait proposé de le couronner d’un royaume indépendant de Navarre, il n’a pas daigné donner suite. Felipe VI en rit encore mais si demain les espagnols le souhaitaient, ils auraient tout de même le choix du roi.
Frederic de Natal