C’est un nom bien connu de ses compatriotes. A 76 ans, prétendant à la couronne du Portugal, sans château et sans statut officiel, Dom Duarte-Pio de Bragance réside parfois au Chiado, à Lisbonne, siège de sa fondation. En toute simplicité. Descendant direct d’Hugues Capet, ce gardien de la mémoire de tout un peuple continue de travailler aux intérêts de son pays dont il aurait pu être le monarque si une révolution n’était pas passée par là, il y a plus d’un siècle. Interviewé le 9 février par le quotidien brésilien TAB UOL, le duc de Bragance s’est livré sans complexe au micro de notre confrère Luciana Alvarez.
Dom Duarte-Pio de Bragance est considéré par une large majorité des portugais comme le Chef de la maison royale, bien qu’il ne bénéficie d’aucun statut officiel ni de liste allouée par le gouvernement portugais. Depuis ses bureaux du Chiado, le quartier touristique de Lisbonne, le prétendant au trône vous reçoit en toute simplicité, sans protocole. Dom Duarte-Pio de Bragance est un homme qui sait vous mettre à l’aise et dans les bureaux de sa fondation, pas de masque sanitaire obligatoire. Le prince affirme continuer à prendre de l’ivermectine bien qu’il confirme à Luciana Alvarez qu’il a reçu ses trois doses obligatoires. Une belle introduction en matière pour Luciana Alvarez, correspondante locale de TAB UOL, venue l’interviewer.
« Chef de la maison royale portugaise, je dois maintenir une certaine neutralité »
« Au Portugal, cela a eu beaucoup d’effet. J’étais avec plusieurs personnes infectées et je ne l’ai pas attrapé » n’hésite pas à dire Dom Duarte-Pio à propos de cette molécule qui atténue les symptômes du virus covid-19 et objet de débats divers sur sa réelle efficacité. Bien qu’il ait fortement critiqué la gestion de la pandémie par la Direction générale de la santé (l’équivalent de notre ministère de la santé), il a tout de même félicité personnellement l’actuel Premier ministre, António Costa, du Parti socialiste (PS), qui a remporté en janvier la majorité absolue aux élections législatives. Considérant que celui-ci dirige correctement le Portugal « dans les limites des possibilités et de la doctrine du Parti socialiste », Dom Duarte-Pio ne se dérobe pas à ses obligations de prétendant au trône. Il est passionné de politique mais entend rester au-dessus de la mêlée. Il ne vote pas aux élections nationales.
« En raison de ma position familiale, en tant que chef de la maison royale portugaise, je dois maintenir une certaine neutralité » déclare Dom Duarte-Pio, entouré de photos de famille d’images sur son bureau et au mur, d’un imposant arbre généalogique et d’un petit portrait de Pape émérite Benoît XVI qu’il estime beaucoup. Dom Duarte ne vote qu’aux élections municipales à Sintra, où il vit habituellement, estimant que la politique régionale ne viole pas ses principes personnels et ne remet pas en cause cette neutralité qu’il s’impose. Il préfère ne pas citer le parti qu’il soutient, mais dit avoir déjà voté pour le PSD (centre-droit), le PS (centre-gauche) et même le Parti communiste. « Souvent le candidat communiste me semble bien meilleur que les autres et il y a des municipalités où ils ont vraiment amélioré la condition de vie des portugais » affirme le prince. Il a ses opinions, ses trois enfants semblent en avoir d’autres. Il n’entend pas les juger mais évite de parler de leurs choix avec eux. Il ne voit d’ailleurs aucune contradiction avec l’engagement en politique ni du positionnement de son cousin Luiz-Philippe d’Orléans -Bragance, député bolsonariste depuis 2018. « Je ne vois pas de problème, car il n’est pas le chef de la maison impériale ni un héritier puisque son père, Eudes, a renoncé à ses droits » rappelle le duc de Bragance.
La séparation du Brésil et du Portugal, une erreur pour le prétendant
Le Brésil et le Portugal, une histoire tumultueuse qui raisonne dans le cœur de Dom Duarte-Pio. « Ma mère est brésilienne, petite-fille de la princesse Isabelle [la Rédemptrice-ndlr], ce qui me donne certains privilèges au Brésil. Une fois, un policier m’a arrêté parce que je conduisais en sens inverse dans une rue sans m’en rendre compte. Il a commencé à dire que c’était quelque chose de très dangereux et m’a demandé mon permis. En lisant « Bragance », il m’a demandé si j’étais de la famille de la princesse Isabelle. J’ai répondu que j’étais son arrière-petit-fils. Le policier était noir. Il a dit qu’en guise de remerciements pour ce qu’elle a fait [abolition de l’esclavage-ndlr], je n’aurais pas besoin de payer une amende », raconte le prince. Lors de sa dernière visite dans le pays, il est allé avec sa fille passer quelques jours en Amazonie et il a séjourné dans une maloca qui avait peu de commodités pour les touristes. À Rio de Janeiro, il a souhaité aller dans favela de Vigário Geral. « Mes amis et cousins à Rio étaient inquiets quand je leur ai dit que j’y allais, mais tout s’est bien passé. D’ailleurs, quand je reviendrai au Brésil, j’y retournerai pour le déjeuner » ajoute Dom Duarte.
D’un point de vue personnel, il aurait préféré que le Portugal et le Brésil soient toujours liés territorialement. « C’est toujours très délicat de dire cela aux brésiliens, mais je pense que Dom Pedro Ier à fait une erreur en séparant les deux pays. Avec la mort de son père, il serait resté roi du Brésil et Portugal – et la capitale serait Rio de Janeiro, ou São Paulo, comme il l’avait décidé initialement » précise t-il. « Cela a également nui au Brésil, qui a perdu cette dimension européenne, africaine et asiatique qui faisait sa caractéristique » ajoute Dom Duarte-Pio qui rejette le fait que le Brésil ait été considéré comme une colonie par la monarchie. « Dans chaque territoire géré par le Portugal, il n’ y avait que des portugais, une seule nation » s’empresse de dire le prétendant. « Sous la monarchie, on avait créé un statut de Royaume-Uni, qui fonctionnait surtout avec le Brésil. On apprend que le Portugal s’est emparé du Brésil. Cela n’a pas de sens car c’était le même pays. La contribution du Portugal au Brésil a été très importante » rappelle également Dom Duarte-Pio qui a combattu toute forme de colonialisme dans sa jeunesse. Il regrette d’ailleurs que les chapitres violents inhérents à cette partie de l’histoire portugaise ne soient pas enseignés dans les collèges et lycées de son pays.
Dom Duarte demande à ce que les portugais puissent enfin choisir leur avenir institutionnel
Il s’est beaucoup investi dans l’amélioration des échanges entre tous les pays lusophones. « J’aime visiter des institutions qui s’intéressent au développement de l’agriculture, comme Unicamp [Université d’État de Campinas] et j’essaye de les inculquer en Angola, en Guinée et au Timor, où j’ai plus travaillé. Les territoires portugais en Afrique peuvent apprendre beaucoup de la technologie brésilienne », poursuit-il. La monarchie se confond et se noie dans l’histoire même du Portugal. Dom Duarte soutient que cette institution reste la meilleure forme de gouvernement en Europe, citant les pays nordiques, les Pays-Bas et la Belgique comme exemples. « Le seul qui a eu un problème récemment est le roi d’Espagne… Il y a aussi des problèmes familiaux, mais c’est quelque chose que toutes les familles ont de nos jours. Mais cela ne dérange pas les gens – les gens aiment les familles royales et s’ils se sentent peinés quand il y a des problèmes, cela n’affecte pas la vie politique de ces pays pour autant » explique t-il.
Il reconnaît qu’au Portugal, un retour à la monarchie ne serait pas facile, car la Constitution interdit un tel changement. « Pour changer le texte, il faut les deux tiers des parlementaires et la question n’est à l’ordre du jour d’aucun des partis élus. C’est totalement antidémocratique, car le peuple portugais ne peut pas choisir son avenir qui tend à se diriger vers un retour à la monarchie. Aujourd’hui, avec la liberté d’information, je suis convaincu que les monarchistes ont gagné le cœur des portugais » assure Dom Duarte-Pio en guise de conclusion.
Frederic de Natal