Le prince Dom Luiz d’Orléans-Bragance, 84 ans, est décédé aujourd’hui des suites d’une longue maladie. Descendant direct de l’empereur Dom Pedro II, il était un des prétendants à la couronne du Brésil. Conservateur, ses positions ne faisaient pas l’unanimité parmi la mouvance monarchiste qui lui reprochait l’échec du référendum de 1993.
Le secrétariat de la maison impériale du Brésil a annoncé aujourd’hui le décès de Dom Luiz d’Orléans-Bragance. Âgé de 84 ans, il était pour une partie de la mouvance monarchiste, le prétendant à la couronne de ce pays d’Amérique latine. C’est à Mandelieu-La-Napoule que Dom Luiz a vu le jour, fils du prince Dom Pedro-Henrique (1909-1981) et de la princesse Marie-Elisabeth de Wittelsbach (1914-2011). Sa famille a décidé de s’installer dans le sud de la France, loin de leur pays qui a pourtant abrogé, une décennie plus tôt, la loi d’exil votée à la suite du renversement de la monarchie en 1889. La naissance du prince empêche les Orléans-Bragance de rejoindre le Brésil. Une tentative sera pourtant faite en 1942 mais face à l’impossibilité de trouver un navire qui peut l’accueillir avec sa famille, Dom Pedro Henrique renonce à son projet. Peu inquiétés durant la Seconde Guerre mondiale qu’ils traversent sans encombre, les Orléans-Bragance seront toutefois prolifiques. Pas moins de onze enfants vont suivre après la naissance de Dom Luiz. Le dernier étant né en 1959.
Retour au Brésil
A la fin du conflit mondial (1945), Dom Pedro Henrique décide de repartir au Brésil et s’installe dans le berceau de la dynastie impériale, la ville de Petrópolis (état de Rio de Janeiro) avant de déménager à Jacarenzinho (état de Parana) où son père a acheté une plantation, la Fazenda Santa Maria. Scolarisé au sein d’un enseignement catholique, comme le collège jésuite de Saint-Ignace, Dom Luiz poursuivra ses études à Paris (il résidera chez sa tante, la comtesse de Nicolaÿ) afin d’apprendre la maîtrise de diverses langues européennes comme le français, l’allemand, l’espagnol, l’italien et l’anglais. Il suit d’ailleurs des cours de chimie à l’université de Munich dont il sort diplômé en 1967. C’est à cette date qu’il retourne au Brésil afin de rejoindre sa famille qui habite désormais à Vassouras. Le nom que les opposants vont plus tard donner à sa branche. Depuis 1940, la maison impériale du Brésil est secouée par un schisme dynastique. Deux lignées, libérale et conservatrice, se disputent un trône hypothétique, objet de toutes les attentions dans un Brésil emprisonné dans un régime militaire.
ANTECIPAÇÃO DO PLEBISCITO: MANOBRA INSCONSTITUCIONAL, IRRESPONSÁVEL E INCONSEQUENTE DA REPÚBLICA
A 12 de agosto de 1992, o Senado Federal aprovou, em segundo turno, proposta de emenda constitucional antecipando o Plebiscito de 1993 de 7 de setembro para 21 de abril daquele ano. pic.twitter.com/Lbk7DokpuO
— Pró Monarquia (@ProMonarquia) July 8, 2022
Un conflit dynastique qui persiste
Profondément croyant, quasi mystique, Dom Luiz d’Orléans-Bragance est séduit par les idées de l’historien Plinio Corrêa de Oliveira. Ce fondateur de l’Action Universitaire Catholique a fondé le mouvement Tradition Famille Propriété (TFP) qui entend « promouvoir dans l’opinion publique les valeurs fondamentales de la civilisation chrétienne qui forment sa devise, et de combattre la révolution culturelle athée, immorale et socialiste qui vise à les saper ». Tout comme son frère Bertrand (né en 1941), il va adhérer à cette organisation. Rejet de la Révolution française, rejet de Vatican II, rejet de tout progressisme, la TFP vient de trouver son fer de lance au Brésil. Devenu prétendant à la couronne du Brésil au décès de son père en 1981, Dom Luiz part en campagne dans tout le pays pour promouvoir l’idée monarchique. Son prosélytisme a bien du mal à convaincre en dépit de quelques soutiens notables dans la droite conservatrice. Lorsque le gouvernement décide de poser la question des futures institutions aux brésilien par voie référendaire en 1993, Dom Luiz et Dom Bertrand se jettent dans la bataille. Sans promouvoir l’unité dynastique réclamée par leurs opposants alors que le monarchisme atteint des niveaux jamais égalés au Brésil. Les résultats ne seront pas à la hauteur de ceux escomptés avec un faible 12% en faveur de la restauration de la monarchie. Les partisans des Petrópolis accusent alors les deux frères d’être les responsables de cette défaite. La rancune est toujours tenace. Dans une interview donnée à la Gazeta do Povo par le prince Joao d’Orléans-Bragance en 2017, ce dernier affirmait que Dom Luiz et Dom Bertrand étaient « sliés à une institution de droite » et étaient « hors de toute posture acceptée pour une famille impériale ».
Un courant monarchiste fort
Après avoir pris position contre le mariage pour tous en 2015, la branche Vassouras, contre toute attente, va prendre progressivement le leadership de la mouvance monarchique qui connaît un second souffle avec l’arrivée au pouvoir du président Jair Bolsonaro. Plusieurs ministres sont nommés au sein du gouvernement et un groupe monarchiste est même constitué autour du prince Luiz-Philippe, élu député, neveu de Dom Luiz. La Gazeta Online n’hésite pas à parler de « croissance exponentielle » en évoquant la montée du monarchisme au Brésil, largement alimentée par les réseaux sociaux dont sont friands les brésiliens. « Je pense que la monarchie va revenir. A cause du mécontentement du peuple, parce qu’il y a – non seulement au Brésil, mais dans le monde entier – une tendance à vouloir revenir aux vieilles traditions, à retrouver cette moralité qui nous fait défaut. Un courant très fort tant au Brésil qu’à l’étranger. Et ce courant au Brésil peut être décisif à un certain moment. Ça pourrait être un nouveau référendum, ça dépend beaucoup des circonstances. Une chose que nous ne voulons pas, c’est un coup d’État parce qu’un coup d’État soumet le souverain à la faction qui l’a mis au pouvoir et il perd son indépendance et le charisme de la monarchie » affirmait Dom Luiz en 2008.
SS.AA.II.RR Dom Luiz Gastão de Orleans e Bragança, Chefe da Casa Imperial do Brasil e seu irmão Dom Bertrand, o segundo na Linha de Sucessão.
São Paulo
2019 pic.twitter.com/2Zz0qrMnQ7— Monarquia Brasil (@monarq_brasil) September 18, 2020
« Nous vivons sans luxe ni splendeur. Nous vivons avec les ressources dont nous disposons, qui ne sont pas très importantes. Certains [des héritiers] ont un emploi, d’autres vivent — comme mon frère d. Bertrand et moi – grâce aux dons des monarchistes » expliquait avec humilité le prince au quotidien Folha Online. Vivant chichement dans son appartement, éternel célibataire, Dom Luiz d’Orléans-Bragance était affaibli par la maladie depuis quelques années et ne se déplaçait qu’en fauteuil roulant. Laissant son frère, Dom Bertrand, le représenter à toutes les cérémonies., c’est désormais ce dernier qui devient le nouveau prétendant à la couronne du Brésil.
Frederic de Natal