Au cours d’un voyage, le dauphin François, fils du roi François Ier, meurt sans que l’on puise expliquer pourquoi ce prince sportif a rendu subitement l’âme. Très vite des rumeurs d’empoisonnement vont se propager et tout semble désigner son écuyer. Un « cold case à la française », qui n’a jamais été résolu véritablement. La Revue Dynastie revient sur cette énigme.
C’est une des énigmes la plus méconnue de l’Histoire de France. Alors que le roi François Ier part guerroyer contre l’empereur Charles Quint et se dirige vers la Provence, il décide de faire une étape à Lyon. Une ville dont il songe à faire sa capitale tant il apprécie son raffinement et sa proximité avec l’Italie. Avec lui suit toute sa cour et parmi elle, le dauphin François. Il a 18 ans, c’est un Valois fin de visage, tout aussi grand et fougueux que son père, à la fois l’héritier du trône de France et de celui du duché de Bretagne dont il porte le titre. Le 2 août d’août 1536, le dauphin décide de jouer au jeu de Paume, un sport qu’il prise et qui est à la mode, sur les près d’Ainay. La journée est orageuse, il fait lourd. C’est son écuyer, un nobliau piémontais, le comte Sébastien de Monteculli, qui décide de lui apporter un verre d’eau glacée afin qu’il puisse se rafraichir et que François avale d’un trait. Lorsqu’il est temps de reprendre la route, le dauphin est pris par une soudaine fièvre et par une intense fatigue. Il souhaite accompagner son père mais son état va empirer au fur et à mesure des kilomètres. Devenu pâle, à l’invitation du cardinal de Tournon, ils font une halte au château du même nom le 8 août. Les médecins s’affairent, rassurent le roi qui reprend le chemin. C’est ici qu’il va expirer deux jours plus tard de manière inexpliquée.
Les soupçons se portent sur Sébastien de Monteculli
Tous les regards se portent sur l’écuyer qui est immédiatement l’objet de toutes les colères royales. François Ier est furieux, hurle dans les couloirs du château à qui veut l’entendre : On a assassiné son fils ! Tout désigne Sébastien de Monteculli qui a le tort d’être italien, un peuple victime des caricatures de l’époque, celle d’être des empoisonneurs de talent, et d’avoir été un temps au service de l’empereur du Saint-Empire romain germanique qu’il avait quitté bien trop promptement, sans explications. Pis, il avait écrit un traité des poisons qu’on s’est fait fort de présenter au roi et qui se convainc que l’écuyer est un espion à la solde de son ennemi. Il n’en faut pas plus au souverain de France pour ordonner qu’on le mette « à la question ». Torturé dans une prison de Roanne, l’homme s’accuse du supposé meurtre avant de se rétracter plus tard. Peu importe, il est condamné avant même d’être jugé et écartelé sur la place de Grenette, à Lyon, après un procès expéditif. Galvanisée, la foule participe à la furie du roi et traînera sur des kilomètres chacun de ses membres dans les rues de l’ancienne Lugdunum avant de les pendre aux 4 portes de la ville.
Un « cold case » qui divise toujours les historiens
Est-ce véritablement un meurtre ? La question à ce « cold case » n’a toujours pas trouvé sa réponse et divise tous les historiens. A commencer par les aveux du coupable désigné. Pour une partie d’entre eux, les textes de l’époque démontrent que sous la torture, le comte Sébastien de Monteculli a perdu la tête et a accusé finalement une multitude de commanditaires, ne rendant pas possible de déterminer le véritable coupable. Pour d’autres, c’est du côté des ambitieux Médicis qu’il faut regarder. Marié à Henri de Valois, le second fils du roi, Catherine de Médicis fait déjà preuve d’ambition en digne représentante de cette illustre famille qui règne sur Florence, des banquiers spécialistes des coups tordus. Une rumeur qui va alimenter la légende noire de cette future reine de France qui n’avait pourtant rien à gagner en faisant empoisonner son beau-frère ni à perdre l’admiration qu’elle vouait au monarque. La mort du dauphin, non marié et sans enfants, la rapprochera singulièrement du trône et achèvera de donner cette couronne qui manquait tant à sa famille. Victime d’un coup de chaleur banal ? Pour des médecins qui ont étudié son cas, il est simplement décédé des suites d’une pleurésie contractée dans les prisons espagnoles alors qu’il était otage de Charles Quint entre 1526 et 1534, peu de temps après la bataille de Pavie. On évoqua même une fatigue mortelle due à une folle nuit d’amour avec l’infatigable Mademoiselle de l’Estrange, sa maîtresse. Mais rien ne semble étayer cette thèse très discutable.
Bien que son décès ait inspiré des vers au poète François de Malherbe, aujourd’hui encore le mystère demeure. Le dauphin, qui repose depuis 1547 à la Basilique Saint-Denis, est-il mort naturellement ou a-t-il été assassiné, victime d’un complot politique ou familial ? A vous de me le dire.
Frederic de Natal