Si le prince Jean d’Orléans a fait les principaux titres pour son conflit avec la Fondation Saint-Louis, c’est une autre affaire qui émerge dans l’actualité. En tentant de casser le testament immuable du duc d’Aumale, l’ancien ministre Xavier Darcos, Chancelier du château de Chantilly, a provoqué l’ire du descendant du roi Louis-Philippe. Un litige qui est désormais entre les mains du Parquet national de France (PNF) et de la Cour des comptes qui ont conjointement déclenché une enquête. Si les conclusions lui sont favorables, le prétendant au trône de France pourrait redonner tout son prestige au château en confiant le domaine à une institution qui le pérennise.
C’est un des joyaux du patrimoine français et une ancienne propriété boisée 7 830 hectares ayant appartenu à diverses lignées de la maison de Bourbon. C’est à la mort du dernier duc de Condé en 1830 qu’il passe entre les mains de la branche d’Orléans. Plus précisément au duc Henri d’Aumale, à peine âgé de 8 ans, fils du dernier roi des Français. Dans les années qui suivent, il fera reconstruire le château détruit sous la révolution aux prix d’une somme astronomique pour l’époque. Véritable palais des arts, toute la société européenne va défiler dans l’imposante bâtisse qui fait la fierté de la maison royale. Lui-même sans enfants (ils sont tous décédés de son vivant), cet homme à « l’élégance svelte, l’apparence ravagée, la barbiche grisâtre, la calvitie, la voix brisée par le commandement », comme le décrivait les frères Goncourt, décide en 1886 de léguer son domaine et ses précieuses collections à l’Institut de France. Les conditions sont alors drastiques, ancrées dans le marbre et difficilement contestable dans le temps. C’est grâce à la mise en place d’une fondation en 2005 et d’un financement important de l’Aga Khan IV, chef spirituel des ismaéliens, que le domaine arpenté chaque année par des centaines de milliers de visiteurs va pouvoir poursuivre ses activités.
Notre affaire commence à l’Hiver 2020 quand l’Aga Khan claque subitement la porte du Domaine et retire ses billes de l’Institut. Officiellement pour des « raisons personnelles ». Mais dans la réalité, il s’agit bien de la gestion des biens financiers du domaine, jugée non déontologique, qui est la cause de ce départ brutal. La démission de Didier Selles, administrateur du château et ancien Conseiller maître à la Cour des comptes, après seulement 10 mois d’exercices, ajoute un trouble de plus sur cette histoire qui commence alors faire quelques titres de presse. Rien qui ne saurait inquiéter le domaine qui affirme que Didier Selles a simplement « eu peur de la tâche qui l’attendait à Chantilly, c’est un non-événement ». Le Canard enchaîné ne l’a pas vu ainsi et a révélé toutes les tensions palpables au sein de la fondation qui se heurte au testament du duc d’Aumale. Selon l’hebdomadaire satirique, le fils du roi Louis-Philippe a « interdit de déplacer, prêter et encore moins vendre un seul objet d’art présent sur le domaine. Idem pour le plus petit bout de terrain ». Encore moins de céder la moindre parcelle à un investisseur privé. C’est là qu’entre en selle le comte de Paris et son frère, Eudes d’Orléans duc d’Angoulême, techniquement les ayants-droits des biens du duc d’Aumale.
Par le biais de leurs avocats, ils ont adressé une note au Parquet national financier (PNF) qui a immédiatement déclenché une enquête pour des chefs « d’entente et de favoritisme ». En fond de toile de la plainte des princes d’Orléans qui souhaite être considérés comme des «victimes », un appel d’offres pour la construction d’un hôtel de luxe lancé par Xavier Darcos, chancelier de l’institut de France ? qui ne faisait plus mystère de sa volonté de casser le testament du duc d’Aumale. Bien mal en pris à Xavier Darcos de proposer au premier représentant de la maison royale de France une somme d’argent conséquente si celui-ci acceptait de fermer les yeux sur un prêt de collection qu’il souhaitait faire au Japon. Voir même de les embaucher comme conférencier de luxe comme le rapporte notre « coin-coin national ». Dans leur dossier, les Orléans ont également fait noter que le domaine était dans un état désastreux, laissé à l’abandon par les gestionnaires du domaine, visiblement plus à même de favoriser « leurs intérêts privés » et dénaturer le site. Parallèlement, la Cour des Comptes « a pointé dans un rapport le coût des futurs travaux à réaliser par l’Institut de France dans le domaine de Chantilly » ainsi que l’indique dans un de ses articles le site « Courrier royal », considéré comme la voix sur internet du comte de Paris.
« La présente donation serait révoquée et le donateur et ses héritiers recouvriraient immédiatement la pleine propriété » prévient le testament dans un de ses codicille. « Si les faits sont avérés, il est prévu que la famille récupère l’ensemble du domaine » assure l’avocat du comte de Paris. Si les faits étaient reconnus, tout autoriserait les Capétiens à déposer une requête en annulation de donation et demander la restitution du domaine dans leur giron comme le confirme l’avocat de la maison royale de France. Un retour qui permettrait au prétendant au trône de France de gagner en influence politique et de poursuivre sa mission de sauvegarde du patrimoine en confiant le domaine de Chantilly à une institution qui le pérennise.
Frederic de Natal