Les Orléans-Bragance ont occupé le trône brésilien entre 1822 et 1889. Une fois en exil, la couronne est devenue l’objet d’une âpre querelle entre les deux branches de cette maison Capétienne. La Revue Dynastie vous explique pourquoi les Petrópolis et les Vassouras se disputent encore aujourd’hui l’héritage de l’empereur Dom Pedro II.
Avec le coup d’État du 15 novembre 1889, qui surprend les Brésiliens eux-mêmes, la famille impériale doit prendre le chemin de l’exil. Elle vient de payer chèrement sa décision d’abolir l’esclavage et les propriétaires terriens qui s’estiment lésés par la monarchie, se sont retournés contre l’empereur Dom Pedro II avec le soutien de l’armée et de l’église. Direction l’Europe où il s’arrête un temps au Portugal, racines de leur arbre généalogique, avant de s’installer au château d’Eu. Il appartient au prince Gaston d’Orléans , ce petit-fils du roi Louis-Philippe qui a épousé isabelle, la fille de l’empereur déchu. Héritier au trône, Pedro d’Orléans-Bragance, leur fils, a 14 ans quand il doit quitter un pays qu’il aime. C’est un brésilien dans l’âme et dans le sang, un Capétien qui est curieux de tout. Il sera considérablement marqué par ce départ forcé vers l’Europe et il espère que les nombreuses révoltes monarchistes qui éclatent un peu partout dans son pays vont permettre son retour très bientôt.
Une relation passionnée
Les semaines, les mois, les années passent et la République tient bon. Pedro d’Orléans-Bragance s’engage chez les Hussards de l’Armée impériale d’Autriche-Hongrie. Un répit pour le jeune homme à l’esprit torturé et une décision qui va changer l’avenir de la dynastie impériale du Brésil. C’est à Vienne, en 1896, qu’il rencontre Élisabeth Dobrzensky de Dobrzenicz, fille unique d’un petit baron tchèque. Une relation passionnée qui ne plaît guère à sa mère, la princesse Isabelle de Bragance, « impératrice de jure » du Brésil. Elle s’empresse de rappeler les règles de succession à son fils aîné. Selon la constitution de 1824, celui-ci ne doit épouser que des princesses égales à son rang. La condition aristocratique d’Elizabeth ne suffit pas à autoriser un mariage pour Isabelle qui lui demande de renoncer à cette relation ou au trône du Brésil. Les échanges entre la mère et le fils sont houleux. Prince d’Alcantara, Pedro est amoureux et n’entend pas céder au chantage maternel. Une situation qui préoccupe Gaston d’Orléans. La perspective de voir son fils privé de ses droits ne le satisfait pas et il prend contact avec le duc Philippe d’Orléans, chef de la maison royale de France, afin de retrouver ses droits dans la ligne de succession au trône de France dont il en a été privé par son mariage en 1864.
Renonciation controversée
Acculé après des années de conflit, Pedro d’Orléans-Bragance décide finalement de renoncer à ses droits au trône du Brésil, pour lui et ses descendants. « Je déclare, par conséquent, que par ma volonté libre et spontanée, je renonce, en mon propre nom, ainsi que pour tous mes descendants, à tous et à tous les droits que la Constitution susmentionnée nous confère à la Couronne et au Trône brésiliens. , qui passera aux lignes qui suivent la mienne, conformément à l’ordre de succession tel qu’établi par l’article 117. Devant Dieu je promets, pour moi et mes descendants, de tenir à la présente déclaration » signe le prince Pedro, le 30 octobre 1908. C’est désormais son frère Luiz (1878 -1920) qui reprend les prétentions au trône. Les monarchistes ne perdent rien au change. Le nouveau prince héritier est actif et tente même de débarquer à grand renfort de publicité à Rio de Janeiro en 1907. La loi d’exil ne lui permet pas de réussir son coup alors que son arrivée a provoqué des manifestations en faveur du retour de la monarchie. Il a suivi la même carrière militaire que Pierre qu’il adore. Les deux frères se marient même à quelques jours d’intervalle. Le 30 octobre 1908, Pedro d’Alcantara épouse Élisabeth Dobrzensky de Dobrzenicz (élevée au titre de comtesse par l’empereur François-Joseph), le 14 novembre suivant, c’est Luiz qui se marie avec la princesse Maria-Pia de Bourbon-Deux-Siciles. Deux branches viennent de naître et qui vont bientôt se déchirer. Cadeau ultime de Gaston d’Orléans à ses fils, la réintégration des Orléans-Bragance dans la ligne de succession du trône de France après la signature du Pacte de famille en 1909 qui accorde à la descendance du comte d’Eu « tous les honneurs et traitements de princes de France avec le traitement d’Altesse royale ». Même privé de son trône, Pierre restera prince malgré tout et conserve son droit d’aînesse. Tout est dans la nuance.
Un prince qui doute
Les décès successifs de son frère en 1920, des suites d’une maladie contractée lors des combats auxquels il a participé durant la Première Guerre mondiale, puis l’année suivante de sa mère, celle de son père en 1922 (année où la Loi d’exil est abrogée) poussent Pierre d’Orléans-Bragance à revenir sur sa décision. « Lorsqu’il y a de nombreuses années, j’ai renoncé aux droits du chef de la maison impériale du Brésil en faveur de mon frère le prince D. Luiz, je l’ai fait uniquement à titre personnel sans me conformer aux déterminations des lois de succession, sans consultation préalable de la nation, sans les protocoles nécessaires qui précèdent les actes de cette nature (…). Mais plus tard, en parlant en Europe et lors de mes visites au Brésil, avec des monarchistes, j’ai découvert que ma démission n’est pas valable pour de nombreuses raisons, outre celles que je viens de mentionner. Le conseiller João Alfredo, qui était en possession d’une copie authentique de la démission, m’a également dit la même opinion » déclare le prince (1937). Pourtant, il ne revendique pas le trône, laisse son neveu, Pedro-Henrique (1909-1981) assumer cette charge, préférant aux joies de la politique des expéditions en Amazonie ou les joies de la paternité.
Deux branches pour un trône
C’est le prince Pedro Gastão (1913-2007) qui va se charger de réveiller les démons dynastiques qui continuent encore aujourd’hui de fracturer bien des familles royales non régnantes. Le prince du Grão-Pará, fils de Pedro d’Orléans-Bragance, est devenu très rapidement populaire au Brésil. C’est un entrepreneur à succès. Il va prendre ses distances avec son cousin dont les positions traditionalistes ne lui conviennent pas. Autour de lui se sont greffés des monarchistes qui n’ont jamais accepté la renonciation de son père et qui s’agacent de ces officiers issus des rangs de la dictature qui courtisent Pedro Henrique. En 1946, il décide soudainement de revenir sur la décision de son père, présentant de nombreux arguments. Comme des courriers de ce dernier, affirmant qu’on lui a forcé la main et que la monarchie n’étant pas en fonction, sa renonciation n’a pu être entérinée constitutionnellement (de facto nulle et non avenue). Les arguments font mouche mais le camp monarchiste se divise drastiquement avec un avantage certain pour la lignée (dite de Petrópolis) conduite par le prince Dom Pedro Gastão.
Une querelle dynastique qui perdure
Lors de la campagne pour la restauration de la monarchie en 1992-1993, les deux branches font arbre à part même si elles battent le terrain pour la même cause. Toute la famille impériale est impliquée dans ce combat inédit jusque dans la famille royale de France. Née princesse brésilienne, la sœur de Dom Pedro Gastão, Isabelle d’Orléans, comtesse de Paris, vient mouiller le chapeau en faveur de l’idée monarchique. L’avancée des monarchistes dans les sondages (certains les donnant presque gagnants) contraint le gouvernement a changé ses plans et avancé la date du référendum à avril, en lieu et place de septembre 1993. Si le conflit dynastique est abordé, Dom Pedro Gastão balayera tout argument en rappelant que c’est au Parlement de décider qui doit monter sur le trône du Brésil. Pourtant les coups pleuvent dans toutes les interviews et le prétendant Petrópolis n’est guère tendre avec ses cousins Vassouras, l’autre nom de la branche cadette. La campagne est une réussite, les résultats qui tomberont, beaucoup moins. 13% des votes se sont reportés sur la monarchie. Pas assez pour envisager le retour de l’empire au Brésil. Dépité, Dom Pedro Gastão finit par saborder le mouvement monarchiste (Movimento Parlamentarista Monárquico) qui le soutient et sa représentation parlementaire de s’étioler doucement.
Au décès de de Dom Pedro Gastão, c’est son fils Dom Pedro Carlos (76 ans) qui a recueilli la succession Petrópolis. En 2008, lors d’une interview donnée au journal espagnol Público, il a publiquement déclaré qu’il fallait « faire face aux réalités du référendum et que si un autre devait avoir lieu sur cette même question, il défendrait la République ». Une déclaration qui a eu l’effet de perturber ses partisans. Quasi absent du champ politique brésilien, Dom Pedro Carlos a laissé la branche Vassouras prendre le leadership du monarchisme et s’imposer. Pour autant, les divisions persistent au sein de la maison royale et chaque branche continue de s’attaquer mutuellement par médias interposés.
Frederic de Natal