C’était le roi des légumes en conserve. Bruno Bonduelle est décédé le 16 septembre 2022. Il était issu de la cinquième génération fondatrice de l’entreprise du même nom. La Revue Dynastie revient sur l’histoire de cette famille qui a révolutionné notre conception du garde-manger et dont la saga débute sous le Second Empire.
C’est un géant de la conserve et un capitaine majeur de l’industrie française qui vient de nous quitter. Bruno Bonduelle s’est éteint à l’âge de 89 ans, le 16 septembre 2022. Toute sa vie, il aura été « un acteur déterminant de la transformation du groupe, qu’il a accompagné dans son expansion en France (…) et à l’international en élargissant l’activité à l’Espagne, au Portugal et à l’Europe centrale » a salué dans un communiqué l’entreprise Bonduelle dont le nom est connu de tous. Pour un peu que vous fassiez vos courses dans un supermarché ou sur Internet. Une aventure commencée au XIXe siècle, sous le Second Empire avec Louis Bonduelle-Dalle (1803-1880). Il est exploitant d’une fabrique d’huile, qu’il a hérité de son père dès le plus jeune âge. La France est en pleine expansion économique et Louis Bonduelle-Dalle est ambitieux. Il va s’associer avec Louis Lesaffre-Roussel (1802-1867), un distillateur. En 1862, tous deux vont acquérir le domaine de la Woestine à Renescure, un village situé à la frontière entre le Nord et le Pas-de-Calais. Un terrain de 76 hectares sur lequel repose une abbaye cistercienne désaffectée que les deux hommes vont transformer en une distillerie d’alcools de grains et de genièvre, lui ajoutant une grange pour bovins et une malterie. Le succès est très rapidement au rendez-vous et les mariages également. Les fils et filles de l’un ou de l’autre convolent en justes noces. Ils rachètent bientôt un moulin à Marcq-en-Baroeul et montent une seconde distillerie. La société « Lesaffre et Bonduelle, Alcools de l’Abbaye » ne tarde pas à devenir un empire commercial qui sera scindé en deux à la mort de leurs fondateurs, faute d’accord. Chaque partie sera transmise à leurs fils héritiers déjà aux manettes de l’entreprise.
Les conserves en boîte, l’or vert des Bonduelle
Son petit-fils André (1868-1946) suit les pas de son père (Louis-Alphonse décédé en 1888) et décide de transformer la distillerie à grains de la Woestine en distillerie de betteraves tout en développant parallèlement la culture du blé et de l’avoine. Assisté de deux de ses propres fils, Pierre (1902-1988) et Benoît (1904-1986), André est un piètre agriculteur. Les terres sur lesquelles il fait pousser ses cultures ont un rendement médiocre et la famille Bonduelle frôle la banqueroute. C’est le beau-père de Pierre Bonduelle qui va sauver l’entreprise familiale en lui présentant un conservateur de légumes. Une idée de génie traverse la famille Bonduelle qui va oser un pari risqué. En 1926, ils font planter 16 hectares de pois et s’empressent de les mettre en boîte à la récolte. Une nouvelle fois, c’est un succès. Le 24 juillet de la même année, c’est 600 quintaux de pois qui sortent en trois semaines de l’usine Bonduelle. Les français s’arrachent ces boîtes. Le champagne coule à flot, ce sont les années folles qui vont bientôt être ternies par le crack de Wall Street en 1929. Les Bonduelle subissent la crise de plein fouet et sauvent de justesse leur société rebaptisée par les locaux, « Bonduelle City ».
Décès de Bruno Bonduelle, ancien patron du géant du légume en conserve https://t.co/D6CfuSDKm1
— Les Echos (@LesEchos) September 17, 2022
Un leadership française qui se transmet de génération en génération
Après la Seconde Guerre mondiale, un nouveau pas est franchi. S’affranchissant du réseau commercial de la société La Rochefortaise (conserverie de viande) avec lequel les Bonduelle travaillaient depuis une décennie, la famille décide de lancer son propre label. Une révolution marketing qui s’avère nécessaire au lendemain du conflit. « Une marque qui s’affirme, déjà, comme une pionnière de l’alimentation végétale » affirme même le site de la société Bonduelle. Avec la fin des distilleries d’alcool et de betteraves décrétée par le gouvernement de Pierre-Mendès France (1954), c’est encore un chapitre de leur histoire qui va s’écrire. L’entreprise décide de se diversifier et passe des pois aux haricots verts, blancs, de la macédoine. Elle obtient un autre succès avec le célèbre pois-carotte lancé en 1957 et en 1968 la commercialisation de surgelés. Même si d’autres produits variés voient le jour, avant d’être vite abandonnés comme les frites en boîte (c’est pourtant cette tentative qui lui permet d’apparaître en 1973 à la télévision pour la première fois). L’entreprise s’internationalise, après la chute du Mur de Berlin (1989), avec l’ouverture d’usines en Europe de l’Est et en Amérique du Sud. « Quand c’est bon, c’est Bonduelle » dit le slogan de l’entreprise en 1985. Les Bonduelle deviennent les rois de la conserve, un « or vert » qui fait leur fortune. La société entre en Bourse en 1998, achevant de faire d’elle un leader incontournable face à son principal rival Cassegrain (absorbé en 1989).
« PDG de Bonduelle de 1985 à 1994, avant de prendre la tête du conseil de surveillance, puis de devenir membre du conseil d’administration » nous indique le quotidien La Croix, Bruno Bonduelle était l’arrière-petit-fils du fondateur de la dynastie, fils de Benoît. Il avait même fait une brève incursion en politique en 1998 sous l’étiquette de Génération Écologie. Son fils, Jérôme étant décédé accidentellement en 2020 à l’âge de 51 ans, l’entreprise est passée entre les mains de son neveu, Christophe Bonduelle (né en 1959). Elle prépare déjà les futures générations de Bonduelle aux prochains défis de ce siècle avec un niveau de recrutement très exigeant. En 2019, la fortune familiale se chiffrait à plus de 500 millions d’euros. Une success-story à la Française qui se poursuit.
Frederic de Natal