Depuis un an, le gouvernement issu de la coalition de Gauche ne ménage pas sa peine pour faire abroger les titres de noblesse octroyés par le caudillo Franco. Le 6 juillet 2022, un amendement a été déposé par la majorité parlementaire visant à modifier la Loi sur la mémoire historique. Le but, interdire le port du blason et l’utilisation héréditaire de ces dernières survivances du régime franquiste.
Depuis 2018, c’est une bataille anachronique que livrent le Parti socialiste (PSOE) et Podemos en Espagne. Le 6 juillet dernier, réunis au sein d’une coalition, ils ont conjointement déposé un amendement visant à abroger définitivement tous les titres de noblesse issus du régime franquiste. Selon El Diaro, le gouvernement a établi une liste de trente titres concernés par ce projet de loi qui doit modifier celle sur la mémoire historique votée dans la douleur en 2007. Une loi qui précise que les « blasons, insignes, plaques et autres objets ou mentions commémoratives qui exaltent le soulèvement militaire, la Guerre civile ou la répression de la dictature » doivent être retirés des édifices et espaces publics. La liste inclut les plus emblématiques, comme celui de Primo de Rivera (détenu par les descendants du frère du fondateur de la Phalange) ou celui de Franco (détenu par Carmen Martínez-Bordiú y Franco, petite-fille du général Franco). À une nuance près pour ce dernier qui a été créé par le roi Juan Carlos en faveur des descendants du généralissime décédé en 1975.
La Ley de Memoria Histórica suprimirá 33 títulos nobiliarios: 28 que dio Franco y 5 el Rey👇https://t.co/sqbWEM3bVH
— Rory666 (@ralphcymru) July 21, 2022
Des titres héréditaires et à perpétuité
Ils ont été octroyés en 1948 par le général Franco à ses partisans les plus méritants, « à perpétuité et héréditairement », afin « d’entretenir » le souvenir des « grandes gloires de la nation » et pour les remercier des « services rendus » durant la guerre civile (1936-1939). Un conflit sanglant que Franco qualifiera de « croisade » contre les républicains dans son texte inaugural. Pour la Gauche espagnole, ces titres sont « incompatibles avec les valeurs démocratiques » portée par la monarchie et n’ont aucune légitimité ». « (…) Ce qui est anachronique, c’est que ces titres de noblesse continuent d’être renouvelés et qu’ils ne sont pas interdits. Le pire, c’est que l’État leur permette de continuer à exister » déplore Emilio Silva, président de l’Association pour la récupération de la mémoire historique, cité par le média en ligne Newtral. Mais pour José Luis Sampedro Escolar, doyen de l’Académie royale d’héraldique et de généalogie, le gouvernement commet une erreur en réveillant les fantômes du passé, d’une guerre toujours vivace dans le subconscient des espagnols. Il critique la méthode, estimant que le PSOE et Podemos « s’érigent en tribunal de l’Histoire, décidant quelle partie du passé est meilleure qu’une autre, une attitude d’une légitimité juridique douteuse ».
Un combat anachronique pour certains
Une décision qui surprend les principaux concernés et qui rappellent que seul le roi en exercice peut décider d’abroger les titres de noblesse. Pour la marquise Cayetana Álvarez de Toledo, ancienne porte-parole du Parti Populaire aux Cortès, la démarche de la Gauche n’est ni plus ni moins qu’une « volonté de modifier la constitution et de favoriser l’abolition de la monarchie ». Entre 2018 et 2019, le gouvernement avait déjà obtenu, au prix d’une longue procédure judiciaire médiatisée contre la famille du Caudillo, représentée par le prince Louis-Alphonse de Bourbon, le retrait des restes de Francisco Franco de la Vallée de Los Caïdos où il reposait. Un lieu important de commémoration pour les nostalgiques du franquisme.
Toujours selon El Diaro, l’amendement aura toutes les chances de passer grâce aux votes des partis indépendantistes. Un premier vote concernant le renforcement de la loi a d’ailleurs été voté avec succès. Appelée mémoire démocratique, cette loi proclame « le régime instauré par Franco comme étant illégal et annule toutes les sentences dictées par ses tribunaux pour des délits politiques ou de conscience » explique dans son édition le quotidien Le Monde). Le Premier ministre Pedro Sanchez s’est également donné un an pour faire interdire les activités de la Fondation Franco, une association qui entretient la mémoire du général Franco et qui organise chaque année des messes en hommage au Caudillo.
Frederic de Natal