Pavoisée de drapeaux tricolores et britanniques, Paris est en fête. La capitale française s’apprête à accueillir la reine Elizabeth II en ce mois de juin 1992. Un voyage marathon de 4 jours où la souveraine du Royaume-Uni est venue célébrer l’Europe avec le président François Mitterrand. Reçue à l’Élysée pour un diner officiel de gala, elle rencontre le prince Henri d’Orléans, comte de Paris et prétendant au trône de France, accompagné de sa fille, la princesse Chantal d’Orléans. Un échange qui confirme les rapports étroits entretenus entres les Windsor et les Orléans inaugurés il y a plus d’un siècle et demi. A l’occasion des 70 ans du Jubilé de la reine Elizabeth II, la Revue Dynastie revient sur cette journée « d’entente cordiale » historique.
La Maison royale de France, invitée de la reine Elizabeth II sous les ors de la République
Tambours, Gardes républicains sabres au clair ou alignés en rang d’oignons, tapis rouge sur les premières marches du palais de l’Elysée, tout a été préparé pour recevoir la reine Elizabeth II et son époux Philip, duc d’Edimbourg. Plus de deux cents personnes, issues du monde politique, des affaires, des arts et des grands corps de l’Etat, ont été invitées à assister à la réception qui précède le diner de gala. Parmi eux, un homme au regard bleu azur cristallise les attentions. Il est entré par une porte latérale. Le lieu du pouvoir de la République française est un endroit qu’il connaît particulièrement pour y avoir été de nombreuses fois reçus, notamment par le général Charles de Gaulle qui avait fait de lui un diplomate non officiel et un potentiel héritier. Vêtu de son smoking bleu à revers noirs, le prince Henri d’Orléans s’est mêlé à la foule qui attend fébrilement l’arrivée de « Sa Gracieuse Majesté ». Roi sans couronne, il est l’héritier du dernier roi des Français, Louis-Philippe Ier, qui entretenait une relation étroite avec la reine Victoria. Longtemps ennemis, la France et l’Angleterre ont fini par se réconcilier et signer une « entente cordiale ». Le comte de Paris n’est pas venu seul. Avec lui, sa fille, la princesse Chantal, qui a revêtu pour cette occasion une robe en soie signée Christian Lacroix, accompagnée par son mari François-Xavier de Samburcy-Sorgue.
Une histoire royale et européenne
Dans le salon voisin, la reine Elizabeth II s’est placée entre le Président François Mitterrand (et son épouse) et le prince Philip, tout sourire comme à son habitude. Les portes s’ouvrent enfin, chaque invité est introduit par l’huissier de service. La souveraine, qui porte une robe blanche rebrodée avec des cristaux, des perles, rubis et des diamants, couronne sur la tête, prend le temps d’avoir un mot avec toutes ces personnes qui lui présentées, plus intimidées que ne l’est la reine Elizabeth rompue à cet exercice inhérent à ses fonctions. La princesse Chantal d’Orléans ouvre le bal de cette rencontre inattendue entre l’héritier des Capétiens et une souveraine dont les ancêtres ont longtemps porté les Lys de France sur leurs blasons. Révérence parfaite pour la cadette du comte de Paris qui s’avance à son tour après avoir salué le Président de la République. A son poignet, un bracelet offert par la reine Victoria à un des fils de Louis-Philippe, qui renferme un portrait médaillon de la souveraine et une mèche de ses cheveux. Les deux hommes s’apprécient. D’ailleurs que ce soit pour sa première élection ou la seconde, le prince Henri a appelé à voter pour le patron du Parti socialiste. Ce qui lui avait valu le surnom de « Prince rouge » par ses détracteurs.
Protocole oblige, le comte de Paris est le seul qui est autorisé à faire un baisemain à la reine Elizabeth II et qu’elle lui tend avec un sourire appuyé, tête discrètement inclinée pour rendre hommage à une maison indissociable de l’histoire de France. Quelques mots échangés en français, langue que maîtrise à la perfection la « Queen », le prince Philip ajoute un trait d’humour qui tire un rire étouffé du comte de Paris, à l’aise dans son rôle de « roi de France » sous les ors de la République. Guère le temps de s’attarder, le prince quitte son hôte et part rejoindre sa table où est déjà installée la princesse Chantal qui devise avec le Baron Guy de Rothschild. Table Jasmin pour l’épouse de François-Xavier de Samburcy-Sorgue, table Sauge pour le comte de Paris. Non loin de celle de la reine Elizabeth II. En aparté, peu de temps après, Elizabeth II évoquera avec la princesse un souvenir commun, celui de la visite 20 ans plutôt de la reine à Versailles où elles s’étaient rencontrées. Des liens entre « cousins » illustrés une anecdote peu connue. Dans les années cinquante, la princesse Alexandra de Kent a cohabité durant un an avec la fratrie Orléans au Cœur Volant à Louveciennes. Lorsqu’elle s’est mariée en 1963 avec l’Honorable Angus Ogilvy, elle a présenté son fiancé à Henri d’Orléans. Tout un symbole inscrit dans la continuité du temps qui passe.
Une rencontre qui atteste du rôle essentiel de la monarchie
C’est finalement Stéphane Bern qui nous résume cette soirée et qui apporte sa conclusion. « La rencontre du Chef de la Maison de France et du Chef de la Maison d’Angleterre atteste du rôle essentiel- dans l’Histoire- des deux familles et rappelle que lorsqu’un chef d’état étranger- a fortiori la reine d’Angleterre- vient rendre visite à la France, la famille Capétienne qui a veillé à sa destinée pendant huit siècles ne saurait en être éloignée. C’est le rappel évident que la France d’aujourd’hui ne saurait s’affranchir de son passé et de son Histoire » écrivait fort à propos de cette rencontre le chroniqueur bien connu des têtes couronnées dans le bulletin de l’Association des Amis de la Maison de France (AAMF).
Frederic de Natal