Oyez oyez, braves gens ! Avis aux amateurs de bière, l’île britannique de Piel cherche un gérant de bar et propose de vous couronner souverain de ce caillou situé à quelques encablures de la côte nord-ouest de l’Angleterre. Repérée par le quotidien « The Guardian », l’annonce fait le buzz au Royaume-Uni et excite l’appétit de tous les aficionados de micro-nations.
« Recherche : quelqu’un ayant de l’expérience dans la gestion d’un pub, un amour de la solitude et une volonté de marquer l’histoire en s’asseyant sur un trône et de se faire couronner se faisant verser de la bière sur la tête ». L’offre d’emploi mise en ligne par le conseil municipal du comté de Barrow a de quoi de surprendre. Mais en quelques heures, elle a fait le « buzz » au Royaume-Uni où le célèbre breuvage a été élevé au rang d’institution nationale.
Le château de toutes les impostures
L’île ne fait que dix hectares mais elle possède un vrai château datant du XIVème siècle et sa propre histoire. Stratégique pour la couronne anglaise qui s’en sert pour repousser les invasions écossaises, elle est confiée à la gestion des moines de l’abbaye de Furness qui stockent ici leurs provisions. Le château a même été le témoin privilégié de la guerre des Deux -Roses. Il a été le témoin en 1487 des prétentions de Lambert Simnel (Edouard VI) qui affirmait être un des deux princes enfermés dans la tour de Londres par Richard III et qui avait survécu à l’assassinat orchestré par son oncle. En réalité un imposteur, il avait réuni sur l’île tous ses partisans avant de partir tenter, en vain, de conquérir son trône. Abandonné, le château va finir par tomber en ruine. Lorsque la souveraineté de l’abbaye fut abolie en 1537, l’île fut donnée six décennies plus tard au duc d’Abermale en remerciement pour son soutien au roi Charles II Stuart. C’est son descendant, le duc de Buccleuch, qui ne sachant pas quoi en faire, a décidé de la léguer en 1922 aux habitants du comté, en mémoire de leurs enfants tombés durant la Première guerre mondiale.
Houblon qui mal y pense
Le site fait désormais parti au patrimoine britannique. Une légende raconte même qu’il existerait un passage souterrain permettant aux moines de sortir du château en toute discrétion mais celui-ci n’a jamais été trouvé. De quoi occuper vos week-ends, le ferry ne marchant qu’entre avril et septembre. Excepté quelques phoques et différents volatiles, aucune rébellion n’est à craindre pour qui accepterait de ceindre cette couronne vacante et qui fera de vous un vrai monarque absolu. « Vous devrez faire preuve de dévouement et d’une forte passion pour la solitude, apprécier la paix et la tranquillité. Il faut une personnalité particulière pour apprécier la charge proposée » explique John Murphy, 73 ans, le guide touristique local. C’est un rôle électif puisque le dernier souverain a avoir été couronné au malt d’orge et de houblon remonte à 2018. C’est d’ailleurs une vraie cérémonie en bonne et due forme qui est organisée. On vous remet une épée, rouillée, et on vous sacre en vous versant des sauts de bière sur la tête. Une tradition royale précise même que toute personne qui s’assiérait par « inadvertance » sur le trône royal, crime de lèse-majesté, encourt une peine se résumant à payer une tournée générale. Pas de quoi vous faire perdre la tête mais bel et bien de trinquer à la santé d’Emma, nom d’un «Chapeau melon et bottes de cuir ».
Le choix de la couronne
La clôture des candidatures se terminera fin janvier et le nom de l’heureux souverain de Piel sera connu en mars. Il pourra ainsi rejoindre la longue liste d’ Empereurs du Sahara, Présidents de la république de Counani, Rois des Sédangs ou d’Araucanie, pseudo-lords écossais et tout autre cyprto-monarque en attente. Ironie de cette histoire, l’annonce tombe au même moment où un poste équivalent se libère en République du Saugeais. Dans le journal d’M6 hier, Georgette Bertin-Pourchet, présidente à vie de cette célèbre micro-nation franc-comtoise créée en 1947 et reconnue humoristiquement par le palais de l’Elysée (qui invite régulièrement sa dirigeante), a annoncé qu’elle cherchait un successeur, souhaitant se retirer pour des raisons de santé.
Frederic de Natal