Il aura mis quatre ans pour arriver au Vatican. Dom Antonio Manuel est venu présenter ses lettres de créance au Pape Paul V. L’événement pourrait paraître anodin si celui-ci ne revêtait pas un caractère particulier. Car l’homme qui se présente devant le Pontife est aussi noir de peau que la soutane de Paul V est blanche. A 33 ans, Dom Antonio Manuel est le premier ambassadeur africain à être officiellement accrédité à ce poste. Sujet du roi des Kongos, un puissant empire, il est le neveu du roi Alvaro II dont la dynastie commerce avec les européens depuis deux siècles et qui s’est convertie au catholicisme grâce à des marchands venus de Lisbonne. L’aventure n’a pas été de tout repos. Agressé par des pirates, une fois le pied posé en Europe, il est arrêté par les puissances hispaniques qui ne lui reconnaissent aucune autorité. Il faudra de long mois, une enquête et des échanges de courriers pour que le Saint-Siège accepte enfin de le recevoir. Une courte ambassade puisque, malade, épuisé, il meurt trois jours plus tard après avoir pris ses fonctions. Ironie de l’histoire, c’est à bord d’un navire négrier que l’homme en costume d’apparat, calqué sur celui des portugais, marquis de son état, avait fait le voyage et constaté toute l’horreur de l’esclavage auquel son propre royaume participait commercialement.
Frederic de Natal