C’est l’adolescente la plus connue du monde. Fuyant les persécutions nazies contre les juifs en Allemagne, la famille Frank trouve refuge à Amsterdam, aux Pays-Bas. Rattrapés par les affres de la guerre, dès juillet 1942, ils vont vivre dans un appartement caché, une annexe aménagée dans l’entreprise fondée par Otto Frank. La pression est forte. Sa fille Anna a 13 ans quand elle commence à rédiger le journal qui va la rendre célèbre. Finalement arrêtés, ils sont déportés au centre d’extermination d’Auschwitz-Birkenau ou Bergen-Belsen. De cet enfer, unique survivant, Otto publiera les mémoires d’Anne, décédée du typhus en février (mars ?) 1945. Il va devenir l’un des plus grands best-sellers, témoignage poignant et ultime d’une horreur contemporaine. Une seule question demeure pourtant sans réponses. Qui a dénoncé la famille d’Anne Frank ?
Lorsqu’Otto Frank apprend que sa famille a reçu un ordre de convocation par l’administration allemande, qui occupe le royaume des Pays-Bas, il comprend tout de suite que la déportation vers un camp de concentration sera leur ultime destination. Il a été officier durant la Première guerre mondiale, a constaté la montée du nazisme et de sa doctrine antisémite. Avec son épouse, Esther, ses deux filles, Anne et Margot, il a décidé de quitter une Allemagne qui les rejette. Croyant trouver un havre de paix aux Pays-Bas, il fonde une entreprise qui s’avère prospère. Le cauchemar est pourtant loin d’être fini et les bottes nazies entrent bientôt dans le pays des tulipes. Afin d’échapper à la mort, Otto va construire une cachette secrète dans l’appartement no 263 Prinsengracht, siège de la société Opekta qu’il possède. Une vie clandestine, un long calvaire qu’ils vont partager avec la famille van Pels.
Des rêves brisés par une dénonciation
« Deviendrai-je jamais une journaliste et un écrivain ? Je l’espère tant, car en écrivant je peux tout consigner, mes pensées, mes idéaux et les fruits de mon imagination ». Anne se rêve romancière, journaliste, consigne chaque événement (quelqu’ils soient) partagés ou vécus de son quotidien, ses émois, les informations entendues à la radio. Parfois avec humour et candeur. Le 4 août 1944, sur dénonciation, la police intervient et découvre la porte dérobée de leur annexe, derrière une bibliothèque. Ils seront tous déportés avec le destin qu’on leur connaît. Qui donc a trahi les Frank et les van Pels ?
Divers historiens, scientifiques et même une équipe médico-légale se sont penchés sur cette énigme. Plus de trente personnes ont été suspectées de cet acte odieux. A commencer par Wilhelm Geradus van Maaren , un employé à la forte curiosité et qui travaillait juste en dessous de la cachette des Frank. Faute de preuves, aucune poursuite ne sera jamais engagée contre lui. Lena Hartog-van Bladeren s’occupait d’exterminer la vermine dans toute l’entreprise. Selon la rumeur publique, elle aurait suspecté des va-et-vient incessants au sein de la société sans jamais voir quiconque en sortir. Elle va néanmoins lancer la rumeur de la présence d’étrangers, attirant l’œil des allemands qui pensent (à raison) qu’un trafic de tickets d’alimentation est organisé (et dont les Frank bénéficient et qu’Anne évoque bien dans son journal). Une théorie veut d’ailleurs que la famille d’Anne ait été découverte par pur hasard, au cours d’une fouille visant à stopper ce trafic. Tout porte à la croire puisque les officiers présents n’appartenaient pas à la Gestapo. Mais rien ne l’étaye actuellement.
De nombreux suspects, peu de preuve
Publié en 2018, « De achtertuin van het Achterhuis » (le jardin arrière de l’Annexe) a apporté un nouveau témoignage à ce mystère. Son auteur, Gerard Kremer, un ancien résistant et voisin des Frank, y affirme que la famille de la jeune fille a été dénoncée par Ans van Dijk, exécutée en 1948 pour collaboration avec les nazis. Un véritable credo pour cette néerlandaise qui n’a pas hésité à faire arrêter des membres de sa propre famille ou envoyer à la mort 145 personnes. Gerard Kremer se base sur les propos recueillis auprès de son père, concierge de son état, et qui prétend avoir vu rodé Ans van Dijk à plusieurs reprises autour de l’entreprise des Frank. Toutefois, ici aussi, la Fondation Anne Frank, qui a enquêté, n’a pas pu réunir la moindre preuve de ces allégations. Une autre thèse affirme que la dénonciation proviendrait de Nelly Voskuijl, sœur d’une amie de la famille Frank qui leur apportait des fruits, des fleurs, des cahiers, qui ne cachait pas sa jalousie. Une possibilité confirmée par Karl Josef Silberbauer, un des officiers qui a participé à l’arrestation de la famille Frank et qui a évoqué à demi-mots une femme qui aurait renseigné les allemands. Un homme qui n’a jamais été vraiment inquiété après la fin du conflit, continuant ses activités de policier.
Qui que ce soit, le mystère demeure toujours irrésolu et on ne compte plus le nombre de thèses sur cette énigme. Y compris celles niant l’existence d’Anne Frank. Un mystère qui reste indissociable de l’histoire bouleversante de cette adolescente, victime innocente de la folie nazie. Le « Journal d’Anne Frank, » publié en 1947, traduit en plus de 70 langues, a été inscrit au registre international « Mémoire du monde ».
Frederic de Natal