Elle est surnommée « The Crown norvégien » et c’est la mini-série historique du moment qui cartonne. Proposée sur la chaîne Chérie 25 de la TNT, « Atlantic Crossing » met en scène la relation ambigüe entretenue entre la princesse héritière Märtha de Norvège et le président Franklin Delano Roosevelt. Une fresque historique sur fond de Seconde guerre mondiale qui impressionne par le faste déployé et les décors époustouflants offerts par le producteur Alexander Eik. Un drame magnifiquement scénarisé, ponctué de dialogues en norvégien, mais qui prend aussi quelques libertés avec l’histoire officielle. Dynastie vous détermine le vrai du faux de cette mini-série qui se situe entre fiction et réalité historique ?
Derrière la série, une véritable princesse, héroïne des temps modernes
A 59 ans, Alexander Eik est un habitué des séries dramatiques et des longs comme courts métrages. Pourtant, il ne s’imaginait pas que sa dernière création aurait autant de succès. Les séries historiques ont actuellement le vent en poupe. De « Viking à The Crown en passant par les Tudors ou les Médicis », les téléspectateurs se ruent sur les chaînes de streaming pour suivre les aventures de ces héros de l’histoire que l’on redécouvre sans se lasser. Petite-fille de monarques scandinaves, Märtha de Suède a épousé en mars 1929 le prince Olav de Norvège. Les liens généalogiques sont étroits puisque l’un est le cousin de l’autre. Ils auront trois enfants (Ragnhild en 1930, Astrid en 1932 et Harald en 1935). Leur voyage aux Etats-Unis à la veille du conflit mondial sera hautement médiatisé. Reçu par le couple présidentiel américain, Franklin Delano Roosevelt ne tarde pas à s’enticher du prince et de la princesse héritière de Norvège. C’est à partir de cet événement qu’Alexander Eik a décidé de scénariser ce pan méconnu de la vie de la princesse Märtha, personnage central de cette série composée de huit épisodes seulement.
« Le contenu est donc très respectueux, très convenu, avec une certaine distance. On a passé six ans à effectuer des recherches, on a consulté toutes les archives possibles aux États-Unis et en Scandinavie. On a même parlé aux petits-enfants de Franklin Roosevelt. Notre objectif était de raconter ce qui s’était passé en coulisses, derrière les portes. Nous n’avons pas pu tout mettre au jour, mais c’est notre privilège d’auteur que de s’inspirer de ce qu’on a trouvé pour se connecter aux émotions de ces figures historiques » explique Alexander Eik au quotidien « Le Parisien ». Il a choisi l’actrice Sofia Helin (Arn, chevalier du Temple) pour incarner la princesse et l’acteur Kyle Merritt MacLachlan (Dune, Desesparate Housewives, Twin Peaks) pour les traits de Franklin Delano Rossevelt. Lorsque les allemands envahissent le royaume de Norvège et l’occupent après une campagne fulgurante (1940), la princesse et ses trois enfants se réfugient en Suède avant de devoir partir vers les Etats-Unis, poussée par une monarchie suédoise coupable d’une complaisance avec le nazisme et qui tient à préserver sa neutralité. Depuis sa nouvelle résidence, la princesse va progressivement devenir une des voix de la résistance norvégienne tandis que son mari et le roi Haakon VII s’installent à Londres afin de coordonner les activités des anti-nazis. Impressionné par la détermination de cette princesse, Roosevelt décide de défendre les intérêts de la Norvège et prononcer en 1942 un discours resté célèbre.
Entre approximatifs et erreurs historiques
Y’a-t-il eu une idylle suivie entre Märtha et Franklin Delano comme le suggère la mini-série ? La princesse a passé presque 250 jours aux Etats-Unis avec un accès illimité au président américain. Aucune relation amoureuse n’a existé entre ces deux protagonistes quand même bien on voit Roosevelt tenter d’embrasser sa protégée dans l’épisode 5. Seule réalité de ce moment, la jalousie maladive de la secrétaire du président, Marguerite LeHand (dite « Missy ») envers la princesse. Secrétaire qui est aussi suspectée d’avoir été la maîtresse d’un homme dont l’épouse Eléonore entretenait des relations charnelles avec des femmes. Il semble probable que cette affaire entre le président et la princesse ait d’ailleurs été inventée dans le but de nuire à sa réélection comme dirigeant des Etats-Unis. Roosevelt et Märtha sont-ils réellement partis ensemble trouver une villa laissant choir l’ambassadeur norvégien ? Absolument pas. Du moins manquait-il le prince héritier qui ne fut aucunement jaloux de cette amitié entretenue par les deux protagonistes. Franklin Delano Roosevelt avait d’ailleurs un penchant pour tous les « royaux ». Il a entretenu des rapports amicaux et similaires avec la future reine Juliana des Pays-Bas et devenu le parrain de sa quatrième fille, Margriet.
Mais ce n’est pas la seule erreur de la série. Par exemple, le prince Carl, n’a jamais donné de pilules de cyanure à sa sœur pas plus que la sympathisante nazie, Eliza Forbes, a tenté d’enlever les enfants du couple héritier. Dans les premiers épisodes, le ministre des Affaires étrangères Trygve Lie tance violemment le prince héritier sur ses capacités à prendre le leadership de l’armée. Un épisode de sa vie qui n’a jamais eu lieu au sein du palais mais ajouté par Alexander Eik pour accentuer le désarroi dans lequel était la monarchie. Dans l’église de Baltimore, la princesse à des saignements de nez laissant penser qu’elle est submergée par le stress avant la lecture d’un discours. Si effectivement la princesse Märtha avait un tel problème, du surtout au fait qu’elle était très migraineuse, elle était habituée à faire des discours bien avant son départ aux Etats-Unis. « Brillante oratrice » disent même ses contemporains. On passera aussi sur les accès de colère de la princesse envers son ambassadeur ou celui du roi Haakon VII, un prince héritier saoul dans un bar (Olav était connu pour avoir une hygiène stricte) et dont le rôle a été singulièrement minimisé. Ici aussi, des ajouts purement personnels du producteur qui souhaitait donner du peps aux événements.
Franklin et Märtha, l’ombre d’un doute
Franklin Delano Roosevelt ne verra pas la fin de la guerre. Il décède le 12 avril 1945. Quelques semaines plus tard, la Norvège est libérée avec le concours des Alliés. Surnommée « la mère de la Nation », la princesse héritière Märtha décèdera à son tour une décennie plus tard d’un cancer, à peine âgée de 53 ans. Témoin de ces échanges privilégiés, Margaret « Daisy » Suckley, cousin du président américain avait écrit au sujet de leur relation : « Martha était douce et sympathique, avec un bon sens de l’humour. Il la taquine tout le temps et elle est très réceptive, riant et rougissant à ses plaisanteries ». « Martha n’ayant laissé aucun carnet, aucune lettre sur le sujet. Nous avons trouvé de nombreuses informations confirmant que le président Roosevelt était amoureux de la princesse héritière Märtha. Mais nous avons peu d’indices sur ce qu’elle ressentait pour lui. Donc, nous avons été forcés d’imaginer ce qu’elle ressentait » admet Alexander Eik. Le doute subsiste mais c’est bien en cela que réside la force de cette série prenante et épique qui nous plonge dans le quotidien. La magie du cinéma faisant le reste.
Frederic de Natal