Cérémonie religieuse conférant à un souverain un caractère sacré, les couronnements ne se ressemblent pas d’un point du globe à l’autre. Découvrez comment les rois et les reines de ce monde sont ou ont été couronnés y compris dans notre imaginaire littéraire.
Un sacre syncrétique. Le 22 août dernier, Atuwatse III est devenu le nouveau souverain (Olu) des Itsekiris. La date de son sacre a été choisie par les oracles afin de permettre aux sujets du royaume de Warri (Nigeria) de se rassembler autour de celui qui est à la fois une autorité spirituelle et politique. Pour son couronnement, le souverain doit suivre un processus méticuleux. Placé sur un canoë, il balance la pagaie trois fois au-dessus de sa tête afin de symboliser l’importance divine de son rôle. Une fois cet acte accompli, on lui bande les yeux et on le mène au centre d’un cercle de 20 épées, chacune portant le nom de ses prédécesseurs. En portant son choix sur l’une d’entre-elles, il prend le nom de règne qui est inscrit en guise de remerciements, signe de bénédiction. C’est l’uwange (prêtre) du royaume qui place la couronne d’argent et de diamant sur sa tête, point d’orgue d’une cérémonie au caractère unificateur et sous l’oeil des représentants de l’église confirment le couronnement au nom de Dieu.
Banzaï ! C’est une cérémonie de sacre, appelée Sokui Rei Seiden no Gi. Suivant un protocole millimétré et millénaire, lors de chaque intronisation, l’empereur du Japon est présenté aux objets sacrés, une épée, un miroir de bronze symbolisant la déesse du soleil et un collier de perles en forme de virgule. Des messagers impériaux et des prêtres shintoïstes sont envoyés auprès des tombeaux-monuments des quatre derniers empereurs dont les règnes ont immédiatement précédé le sien, afin les informer de l’avènement du nouveau Tenno. Un rite en trois temps marqué par l’absence de couronnement. Au centre d’un grand piédestal carré supportant trois autres piédestaux octogonaux surmontés d’une simple chaise, l’empereur prononce un discours enfermé dans son kimono traditionnel tandis que les deux sceaux dynastiques sont apposés sur un document qui officialise le début de son règne. 21 coups de canons achèvent ce rituel sacré immuable.
Le dernier sacre médiéval d’Europe : Plus de trois millions de personnes ont regardé le sacre de la reine Elizabeth II, le 2 juin 1953, célébré dans l’abbaye de Westminster. Les souverains britanniques sont les derniers en Europe à bénéficier de ce type de couronnement sous la houlette de l’archevêque de Canterbury, haut-représentant de l’église anglicane, religion dont le monarque aussi est protecteur. Couronné sur le trône de Saint Edward, reposant jusqu’en 1996 sur la pierre de Scone avant qu’elle ne soit restituée à l’Ecosse, le souverain, oint avec de l’huile sainte, reçoit tour à tous les regalia inhérents à cette cérémonie : Couronne, épées, globe surmonté d’une croix et anneau symbolisant l’alliance entre Dieu et l’état. Divers membres de l’aristocratie, du clergé ou du gouvernement ont revêtu leurs uniformes de cérémonies achevant de donner toute sa symbolique médiévale au sacre des rois d’Angleterre. Le tout noyé sous des notes de musique classique et religieuse.
Habemus Papam : Le sacre des Papes est appelé « inauguration solennelle », dont le terme a été codifié par Jean-Paul II en 1996 afin qu’il soit conforme à la constitution apostolique Universi Dominici Gregis et à l’Ordo rituum pro ministerii Petrini initio Romae episcopi (ordre du rite pour l’inauguration du ministère de Pierre évêque de Rome). Lorsque le nouveau Pape est élu (fumée blanche) et sa nomination annoncée à la foule, le successeur de Saint-Pierre donne sa bénédiction Urbi et Orbi (à la ville et à l’univers) depuis le balcon du Saint-Siège. La tiare papale qui date du XIVème siècle, formée de trois couronnes d’or superposées qui lui confèrent le pouvoir d’ordre, de juridiction et de magistère, n’est plus portée par les vicaires de Jésus-Christ depuis 1978.
Les diamants ne sont pas éternels : C’est une cérémonie indécente qui a marqué les esprits. Tour à tour soldat, capitaine, chef d’état-major, président, maréchal, puis président à vie, Jean-Baptiste de la Salle (Jean Bedel) Bokassa s’est inspiré dans le moindre détail du couronnement de Napoléon Ier pour se sacrer lui-même empereur le 4 décembre 1977. Une bouffonnerie payée par les deniers de la France à la mesure du personnage que fut ce personnage incontournable de l’histoire africaine : ubuesque et excentrique. Carrosse de bronze-or tiré par huit chevaux blancs épuisés par une chaleur étouffante, tant et si bien que « Papa Bok ‘ » sera contraint de terminer sa route dans une limousine climatisée, un sacre organisé dans le seul stade géant de Bangui, la capitale, quasiment vide de tous dignitaires étrangers et un trône tout en or représentant un aigle géant aux ailes ouvertes qui finira 2 ans plus tard à la décharge. Couronne scintillante et manteau écarlate (doublée d’hermine blanche) orné de soleils et abeilles brodés en fil d’or, le tout achevant de donner un côté caricatural à cette intronisation carnavalesque. Anecdotique mais demeurant l’un des derniers grands sacres du XXème siècle aussi brillant et fascinant que les diamants qui feront tomber un jour de son piédestal un certain président français.
Le sacre dans les arts et l’imaginaire : Le sacre est un attribut du pouvoir qui a largement inspiré les artistes de toutes époques. Des premiers tableaux à la bande dessinée en passant par le cinéma, c’est toute son allégorie que l’on retrouve dépeinte à travers des scènes qui laissent vagabonder notre imaginaire. Du sacre de Napoléon peint par David à la photo officielle de la reine Elizabeth II, les artistes de tout poil ont volontiers immortalisé ces grands événements en prenant bien soin d’y associer les objets intrinsèquement liés à cette symbolique, aujourd’hui vidée de sa substance sanctifiée dans la quasi-totalité des monarchies actuelles, globes, sceptres, manteaux, épées et autres couronnes. Véritable souffle de créativité ancré dans notre subconscient, osons nous l’avouer… Qui n’a pas rêvé un jour d’être le monarque d’un royaume perdu et d’en être couronné souverain à l’instar de Muskar XII, roi de Syldavie dans « Tintin et le sceptre d’Ottokar » ?
Frederic de Natal