Bien que Salman ben Abdelaziz Ibn Séoud reste le monarque d’Arabie Saoudite, la plupart des pouvoirs sont concentrés entre les mains de son fils, le prince héritier Mohammed Ben Salman. C’est dans ce cadre qu’il a effectué une tournée dans les diverses pétromonarchies du Golfe et notamment au Qatar, pays sur lequel Ryad a imposé un dur blocus en raison de ses liens étroits avec l’Iran. Pour « MSB », il s’agit d’enterrer le cimeterre de la guerre sous le sable chaud du désert.
Puissance régionale, l’Arabie Saoudite a étendu son influence à travers le Golfe pour devenir incontournable, y compris pour les États-Unis, un allié de longue date. A son arrivée à Doha le 8 décembre, Mohammed Ben Salman (dit « MSB ») a été accueilli en personne par le Sheikh Tamim ben Hamad Al Thani. Souverain passionné de football (il possède les clubs de Manchester United et le Paris Saint-Germain), il est monté sur le trône de son pays en 1995, peu de temps après l’abdication de son père et au détriment de son frère aîné. Le Qatar s’est progressivement dégagé de la tutelle saoudienne et lors du Printemps arabe de 2011, qui a épargné l’état, ses liens publiques avec les Frères musulmans avaient fortement irrité la maison royale saoudienne. Ryad a rapidement accusé Doha de soutenir les Houthis au Yémen, par défaut l’Iran. Révélées au grand public, une série de dépêches, dont on ne sait toujours pas si elles ont été trafiquées ou non, a provoqué la rupture diplomatique des deux pays. L’ Arabie saoudite a tenté d’imposer une liste de conditions au Qatar qui a naturellement refusé d’obtempérer arguant de sa souveraineté.
Le Qatar, cheval de Troie de l’Iran pour l’Arabie Saoudite
D’informations en désinformations, d’accusations en contradictions, les deux pays ne se sont plus parlés durant quatre ans. Il aura fallu la médiation du Koweït pour que ces monarchies renouent leurs relations diplomatiques. Sans pourtant que le petit poucet du Golfe ne s’agenouille et accepte les conditions fixées par Ryad, fragilisée sur le plan international avec l’assassinat du journaliste d’opposition Jamal Khashoggi en 2018. Pour Mohammed Ben Salman, il s’agit désormais de prévenir « les menaces posées par le programme nucléaire et de missiles du régime iranien et ses plans de sabotage et de destruction ». La tournée de « MSB » chez ses autres voisins afin de discuter des dossiers brûlants du moment, tels que guerre et crise humanitaire au Yémen, les conflits libyen et syrien qui perdurent, le nucléaire iranien qui est devenue une nouvelle priorité pour le président américain Joe Biden, a été fortement remarquée sans que l’on puisse déterminer les effets à court terme.
Le conflit entre l’Arabie Saoudite et l’Iran est millénaire. D’une part, les arabes sunnites se sont toujours méfiés de ces perses shiites mais c’est avec la révolution de 1979 que les relations se sont subitement tendues. L’arrivée au pouvoir à Téhéran des mollahs qui considèrent les Ibn Séoud comme des hérétiques a même provoquée une montée de l’irrédentisme shiite présent dans la région d’Al Hassa, en Arabie Saoudite. S’ils ne se sont jamais affrontés directement, les deux pays ont toujours mené des guerres par procuration. En 2016, ils ont rompu leurs relations diplomatiques, Ryad entraînant sur son chemins les autres monarchies sunnites du Koweit et du Bahreïn. Bien que sous l’influence du wahhabisme saoudien, l’émirat du Qatar a toujours souhaité garder des relations étroites avec l’Iran, notamment pour des raisons essentiellement économiques.
Frederic de Natal