Elle a fait rêver des générations de femmes en devenir. Issue d’une longue lignée d’acteurs, Romy Schneider est devenue une star internationale grâce à l’impératrice Elizabeth, personnage historique qu’elle incarne dans la trilogie des « Sissi ».  Un rôle joué quatre fois sur grand écran. Un succès. En 1982, elle décède brutalement. La Revue Dynastie vous propose de plonger dans l’Histoire d’une famille dont la tradition artistique se poursuit encore jusqu’à nos jours.

C’est le 23 septembre 1938 que Romy Schneider, de son vrai nom Rosemarie Magdalena Albach-Retty, pousse ses premiers cris à Vienne, capitale d’une Autriche qui a tout juste perdu son indépendance. Face aux velléités expansionnistes du chancelier allemand Adolf Hitler, le pays de l’empereur François-Joseph et de l’impératrice Elizabeth n’a pas résisté à une annexion, six mois auparavant. Elle est la petite-fille de Rudolf Retty (1845-1913) qui a été une personnalité reconnue du temps de l’Empire des Habsbourg-Lorraine. Acteur, réalisateur, Rudolf Retty va même jouer au sein du prestigieux viennois Deutsches Volkstheater en 1904. Il a reçu ce don de son père, Adolf (1821-1885), ancien instituteur qui a décidé de se consacrer à une carrière artistique et considéré comme le fondateur d’une dynastie dont le destin va se mélanger avec les tumultes de l’Histoire du XXe siècle.

Rosa Retty@wikicommons/Dynastie

D’un Reich à un autre 

Rosa Albach-Retty (1874-1980) est la personnalité centrale de cette famille, le témoin d’une époque disparue. Tout comme son père, Rudolf, elle monte sur ses premières planches de théâtre à Berlin en 1891 avant d’intégrer le Deutsches Volkstheater. Reconnue pour posséder une beauté juvénile, elle sait aussi bien jouer de la comédie que de la tragédie. Un talent qui fait l’unanimité et qui lui permet d’obtenir le titre convoité « d’actrice de la cour en 1905 ». Elle assiste à la chute de l’Empire austro-hongrois sans passion. Parallèlement au théâtre, elle entame une carrière cinématographique. En 1899, elle épouse Karl Albach, officier de l’armée impériale. Par amour pour sa femme, il abandonne l’uniforme pour se consacrer également au théâtre. Ensemble, ils ont un fils, Wolf Karl Albach (1906-1967). Les journaux de l’époque ne tarissent pas d’éloges la concernant, rapportant ses moindres faits et gestes, ses amours et ses amitiés. Particulièrement ces dernières. Devenue une figure incontournable de la vie mondaine viennoise, Rosa Albach-Retty est courtisée. Notamment par le parti nazi autrichien qui enchaîne les valses avec elle. Lors de l’Anschluss, elle s’épanche d’ailleurs longuement dans le Kleine Volkszeitung, ne semble pas condamner le rattachement de son pays à l’Allemagne, se montre même « euphorique ».

Magda Schneider@wikicommons/Dynastie

Une famille figurant dans la Gottbegnadeten-Liste

Rien ne prouve que Rosa Albach-Retty a adhéré au parti nazi, mais de nombreux documents archivés ont démontré son activisme militant au sein du NSADP et au sein du Front Patriotique autrichien, n’hésitant pas à s’afficher avec des officiers SS. Elle figure d’ailleurs dans la fameuse Gottbegnadeten-Liste, la liste des personnages importants du IIIème Reich. Son fils suit ses pas de manière mimétique. Études à l’Académie de Musique et des Arts de Vienne, Wolf Karl Albach fait ses pas au Burgtheater, autre lieu artistique de renom à Vienne et apparaît dans son premier film en 1931. Il adhère même en 1933 au Front du travail allemand, une organisation nazie. C’est sur le tournage d’un film, « Enfant, j’attends ton arrivée » (1933), qu’il rencontre Magda Schneider. C’est aussi une jeune actrice,  issue d’un milieu modeste. Après avoir été un temps sténodactylographe, elle a décidé de rejoindre ce milieu artistique qui la passionne. Ses premières apparitions au Théâtre d’Augsburg la mènent au Theater an der Wien, sous la direction d’Ernst Marischka. Wolf Karl Albach l’épouse en 1937. Toute la famille vit en Bavière, non loin du Berg Hof d’Hitler. Le chancelier reçoit aussi bien ce couple dont il est proche que Rosa Albach-Retty qui poursuit sa carrière. Il n’est d’ailleurs pas insensible à la beauté de Magda et lui fait envoyer régulièrement des fleurs. Wolf Karl Albach évitera l’incorporation au sein de la Wehrmacht en raison de ses liens avec Goebbels, ministre de la propagande et le paiement des impôts grâce à sa proximité avec Martin Bormann, conseiller d’Hitler. Une proximité qui va hanter toute sa vie Romy Schneider, persuadée que sa mère a eu une relation avec le Führer.  Bien que cela ait été démenti par sa propre fille Sarah Biasani lors d’une interview accordée à Public en janvier 2021.

Romy Schneider et sa mère Magda@wikicommons/Dynastie

Un début de carrière prometteur

Wolf et Magda divorce en 1943. Le père de Romy, alors scolarisée à Berchtesgaden, va souffrir de ce père absent qu’elle idéalise et qui va remarier plus tard avec une autre actrice, sa maîtresse. Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale. La famille est quelque peu ostracisée par le cinéma. Quelques cachets permettent aux Albach-Retty de tenir. Rosa a pourtant gardé l’estime des Autrichiens et recevra même une décoration exclusivement réservée aux artistes les plus méritants en 1958. Dès lors, tout va très vite s’enchaîner. Magda Schneider est revenue en état de grâce, entre deux films, va s’occuper de la carrière de sa fille. Romy est passée par un pensionnat, souhaite être décoratrice, mais rêve secrètement de suivre la tradition. « Si cela ne tenait qu’à moi, je deviendrais immédiatement actrice. Chaque fois que je vois un bon film, mes premières pensées sont : je dois vraiment devenir actrice. Oui ! Je le dois ! » avoue t-elle dans son journal intime (1952). Sa carrière débute finalement un an plus tard. Elle a passé ses essais avec brio, crève l’écran par sa photogénie et se fait même créditer au générique. Le début d’une longue filmographie qui va la mener en France. C’est Ernst Marischka qui va donner toute la puissance cinématographique à Romy Schneider. Avec « Les Jeunes Années d’une reine »,  sorti en 1957, jouant une jeune reine Victoria, l’actrice dévoile tout son potentiel. Elle est même sacrée « star féminine de demain ».

Romy Schneider et la sissimania

En 1953, sa mère épouse en secondes noces le restaurateur Hans Herbert Blatzheim, Agent de Romy Schneider, elle aura des relations conflictuelles avec celui-ci. Le comportement de son beau-père sera des plus douteux selon ses propres mots. De son côté, Ernst Marischka entend exploiter les compétences de la jeune actrice et mettre en forme un projet qu’il caresse depuis des années. Raconter l’histoire de Sissi, l’impératrice Elisabeth. C’est une véritable ode à l’Histoire, romancée et très pro-Habsbourg. Pour le réalisateur, le choix de Romy Schneider est indiscutable. L’Histoire va lui donner raison. Le premier d’une longue trilogie, sorti en 1955, est un succès qui dépasse les attentes. L’Europe va vivre avec la « sissimania ». Produits dérivés, naissance d’une mode, Romy Schneider est « la meilleure chose importée d’Autriche après la valse » affirme-t-on après la sortie du second volet en 1956. Pourtant, même si elle joue avec sa mère, l’actrice commence à s’ennuyer de porter perruques et crinolines. Elle fera encore un autre Sissi (1957), mais refuse d’en faire plus en dépit des sommes astronomiques en Deutsche Marks qui lui sont proposées. Un mythe est né.

Romy Schneider, Alain Delon, Jean Marais, Lucilla Morlacchi et Renato Salvatori à Spolète en 1961.

Une relation passionnée et destructrice avec Alain Delon

En 1958, lors du tournage de « Christine », elle fait la rencontre de son partenaire, Alain Delon. Tout sépare les deux acteurs qui se détestent profondément avant d’entamer une relation passionnée et destructrice pour Romy Schneider. Elle part même s’installer à Paris en 1961. Elle se veut plus Française que les Françaises elle-même. « Je veux être complètement Française dans ma façon de vivre, d’aimer, de dormir et de m’habiller » déclare t-elle à Coco Chanel chargée de la relooker à la mode parisienne. Tout cela au grand dam de l’Autriche, qui tire à boulets rouges sur son actrice fétiche, évoquant même une trahison. Un mot qui va consteller ses relations amoureuses. Un an et demi après avoir posé ses bagages dans la capitale française, tourné avec les grands noms du cinéma, sa rupture avec Alain Delon est le coup de trop pour Romy Schneider, prisonnière de ses angoisses. Elle se mariera en 1966 avec Harry Meyen, de 14 ans son aîné et d’origine juive.  Elle donne naissance la même année à son fils David, entame une traversée du désert jusqu’à son grand retour avec « La piscine » (1969) où elle y retrouve Alain Delon. C’est un succès. Le couple fictif a marché à l’écran. Au quotidien, Romy n’a toujours pas pardonné l’infidélité d’Alain, thème du film de Jacques Deray.

Le phénix renait de ses cendres

Elle retrouvera le personnage de Sissi, dans le chef d’œuvre de Lucchino Visconti, « Ludwig ou le crépuscule des Dieux » (1971) où elle incarne de nouveau une impératrice plus proche de la réalité historique, plus conforme à sa propre vie, ses engagements (elle lutte pour la dépénalisation de l’avortement). Elle se sépare (puis divorce en 1975) de son mari, entame une brève relation avec Jacques Dutronc puis son secrétaire David Biasani avec lequel elle aura une fille Sarah, née en 1977. Ils se sépareront quatre ans plus tard. Si les succès cinématographiques continuent d’être au rendez-vous, lauréate d’un César en 1976, ils cachent un profond mal-être. David a mal accepté le départ de son ex-beau-père, qu’il considérait comme un second père. Il a une relation houleuse avec Romy Schneider qui n’a toujours rien perdu de son aura érotique. Le 5 juillet 1981, ne voulant pas déranger ses grands-parents chez qui il est de passage, David escalade le portail orné de pointe en fer forgé. Il glisse et s’empale dessus. A l’horreur de la situation, s’ajoute l’indécence de paparazzis, qui déguisés en infirmier, prennent des photos de l’adolescent sur son lit de mort à l’hôpital. La publication des photos va dévaster Romy Schneider. Le film « La passante du sans-souci » sera son dernier succès. Le 29 mai 1982, elle est retrouvée inanimée, affalée sur son bureau par son nouveau compagnon, le producteur Laurent Pétin. On a longtemps ergoté sur les raisons de son décès, faute d’autopsie. Suicide, accident, crise cardiaque, son père (1967) et son beau-père (1968) étaient décédés de cette manière, résultante d’un trop gros stress.

Magda Schneider va lui survivre encore quatorze ans, remariée au caméraman Horst Fehlhaber (1919–2010). De ce fabuleux héritage artistique, il reste un visage, celui de Sarah Biasani qui a repris le flambeau. Deux ans à l’Actor Studio de Los Angeles, elle obtient un rôle dans la série télévisée, Julie, chevalier de Maupin, aux côtés de Pierre Arditi en 2004. Couplé à une carrière d’écrivaine, « sourire et charme familial »,  elle a multiplié les apparitions au cinéma, à la télévision et au théâtre. Depuis 2018, elle est maman d’une petite fille prénommée Anna, qu’elle a eu avec le metteur en scène et chorégraphe Gil Lefeuvre. La suite reste désormais à être écrite.

Frederic de Natal