Réunis le 3 janvier en congrès, c’est dans un contexte très mouvementé que les délégués du Mouvement pour la restauration du royaume de Serbie (POKS) ont désigné leurs nouveaux représentants. Fondé en 2017, après avoir rompu ses liens avec le Mouvement du renouveau serbe (SPO), c’est désormais Vojislav Mihailović qui va diriger ce parti royaliste qui a reçu le soutien du prince Vladimir Karageorgévitch. Loin d’être un inconnu dans son pays, brièvement président de la République et maire de Belgrade, Vojislav Mihailović est le petit-fils du général Draža Mihailović, célèbre résistant tchetnik. L’occasion pour la Revue Dynastie de se pencher sur le destin tragique de cette résistance royaliste qui est entrée dans l’Histoire.

Le général Draža Mihailović (gauche) et Vojislav Mihailović (droite) @Dynastie

L’histoire du monarchisme serbe est constellée de nombreuses scissions qui ont contribué à son affaiblissement depuis le début des années 2000. C’est dans ce contexte que le Mouvement pour la restauration du royaume de Serbie (POKS) a tenu son nouveau congrès après avoir expulsé son président fondateur, l’ancien député (2008-2020) Žika Gojković, accusé d’utilisation frauduleuse des sceaux du parti. Le POKS s’est récemment scindé en deux groupes rivaux qui se sont tour à tout excommuniés. Rassemblés, des milliers de délégués ont décidé de porter à la présidence du parti, l’ancien maire de Belgrade, Vojislav Mihailović, petit-fils de l’un des résistants le plus controversé de l’histoire yougoslave.

Un héros de la résistance yougoslave

C’est l’histoire d’un combat qui a finalement abouti en mai 2015. La Haute Cour de Belgrade a annoncé qu’elle annulait officiellement la condamnation prononcée par les communistes contre le général Draža Mihailović, reconnaissant qu’il n’avait pas eu droit à un procès équitable et que les preuves présentées contre lui, ayant abouti à son exécution en 1946, avaient bien été falsifiées. La biographie de cet officier militaire est éloquente. Il a servi durant les deux guerres balkaniques puis durant la première guerre mondiale. C’est tout naturellement qu’il va se lever contre l’invasion nazie qui chasse de son trône le jeune roi Pierre II après que celui-ci a mis fin au pacte signé entre l’Axe et don royaume (1941). Il unifie les forces de résistance, fidèles à la monarchie, et donne naissance au fameux mouvement des Tchetniks (« combattants armés »). Soutenus par les Alliés, marqués par une forte barbe qu’ils se laissent pousser (selon les versions, soit par manque de savon et d’eau, soit par tradition orthodoxe), l’efficacité des Tchetniks (46 000 hommes) est telle que Berlin décide de mettre la tête de Mihailović à prix pour 100 000 reichmarks. Une somme colossale pour l’époque.

Mihailović  et la monarchie abandonné par les Alliés

Pourtant les rapports qui parviennent à Londres ne lui sont pas favorables. Le Premier ministre Winston Churchill prête de plus en plus l’oreille aux Partisans d’un certain Joseph Broz. Affilié à Moscou, le futur maréchal Tito promet plus de fédéralisme et d’égalitarisme. Un projet qui séduit les classes pauvres et ouvrières de yougoslaves qui rejoignent ses forces. Les deux groupes armés vont s’affronter, parfois s’allier contre les Nazis, les fascistes (présents au Monténégro), les oustachis croates ou nouer parfois des alliances tactiques avec ceux-là même qu’ils combattent. Cette politique va coûter cher Draža Mihailović qui perd peu à peu du terrain, est finalement abandonné par les Alliés (ironiquement, il sera le principal protagoniste de 8 bandes dessinées aux États-Unis) . Londres ne va pas hésiter à sacrifier le roi Pierre II pour sauver les grecs à la fin du conflit mondial. La guerre froide vient de débuter et elle va signer la fin de la monarchie. Pis, le souverain est contraint de s’allier avec Tito (1944), relevant le général Draža Mihailović de son poste de ministre de la Guerre et de commandant en chef. Les communistes au pouvoir, les tchetniks sont pourchassés et tués (en dépit d’une amnistie, plus de 8000 d’entre eux seront massacrés entre Foča et Sarajevo, en Bosnie) et Tito finit par se débarrasser du roi lui-même en le destituant de son trône en 1945.

Les Tchetniks @Dynastie

Réhabilités par la justice

Capturé en mars 1946, Mihailović sera passé par les armes 4 mois plus tard. Lorsque Paris apprend le mort de ce résistant, le général de Gaulle entre dans une colère noire comme l’affirmeront des proche témoins . Durant toute sa vie, il refusera de rencontrer le maréchal Tito qu’il qualifie publiquement « d’assassin ». Certains groupes vont encore résister aux communistes dont le plus célèbre sera celui de Vladimir Šipčić, à la tête du « bataillon Vlado ». Plus de 200 monarchistes qui vont combattre l’armée fédérale jusqu’en 1957. Des documents déclassifiés de la CIA évoquent ce leader royaliste, reconnus par les États-Unis comme le nouveau leader de la résistance au communisme. A la veille de sa mort mystérieuse (le corps n’a jamais été retrouvé), Vladimir Šipčić n’a plus que deux hommes autour de lui. Tous les autres ont été tués. Ils continuent la résistance avant d’être finalement dénoncés. Un courage qui fait entrer les Tchetniks sont entrés dans la légende. Encore aujourd’hui, les serbes regardent avec admiration ces combattants de la liberté dont l’histoire coule dans les veines de Vojislav Mihailović et qui ont été largement réhabilités. Bien que la figure du général Mihailović  divise toujours les historiens.

Le congrès élit Vojislav Mihailović président du Poks @photo/facebook/Poks

Vojislav Mihailović, une longue carrière politique

A 70 ans, le petit-fils du général tchetnik a une longue carrière politique derrière lui. Membre du Mouvement du renouveau serbe (SPO), le parti royaliste qui a dominé durant près d’une décennie la vie parlementaire de la Yougoslavie après la chute du communisme avant de faiblir dans les urnes, il a été le maire de Belgrade entre janvier 1999 et octobre 2000, brièvement président de la république lors de la « Révolution des bulldozers ». Candidat à l’élection présidentielle, il a obtenu 3%. Elu à la tête du POKS, le mouvement a annoncé que Vojislav Mihailović avait reçu le soutien de personnalités publiques – telles que l’académicienne Matija Beckovic et le poète Blagoje Bakovic mais également du Parti démocratique de Serbie (DSS), du prince Vladimir Karadjordjeviç, leader du Front monarchiste (lancé en 2018) avec lesquels le POKS est partenaire au sein de la Coalition NADA (créditée de 4% dans les sondages pour les prochaines élections législatives et présidentielles) .

Bien que la monarchie ait été abolie, il existe toujours un sentiment monarchiste perceptible chez les serbes . Selon diverses études d’opinion, 30% d’entre eux seraient favorables à l’idée d’une restauration de la monarchie dirigée par le prince Alexandre Karadjordjevitch, fils du roi Pierre II. Le SPO et le POKS, bien que nationalistes tous deux mais avec une idéologie différente, restent indissociables de la vie politique locale, avec des élus locaux et parlementaires.

Frederic de Natal