Théâtre de grands évènements comme la conjuration d’Amboise, la mort de Léonard de Vinci en 1519 ou encore celle du roi Charles VIII, le château d’Amboise traverse le temps comme un témoin des tournants de notre histoire. La Revue Dynastie vous propose de (re-) découvrir ce fleuron du patrimoine historique français.
L’histoire d’Amboise commence au Ier siècle av. J.-C. avec la tribu celte des Turones. C’est eux qui vont donner leur nom à la Touraine. Ils y installent le premier oppidum et des fortifications sur le promontoire, endroit idéal d’un point de vue militaire et stratégique car surplombant de quarante mètres les alentours. Au Bas-Empire romain, l’historien Sulpice Sévère écrit dans ses Dialogues que le site est habité par une communauté de moines et de missionnaires. La place-forte passe aux mains des comtes d’Anjou au Xe siècle, dans le cadre de leur lutte contre leurs ennemis jurés, les comtes de Blois. Le château reviendra à ces derniers grâce à Sulpice Ier et son fils Hugues, seigneurs d’Amboise et adversaires du nouveau comte d’Anjou, Foulque IV, dont ils réfutent la légitimité. Sulpice réunira la ville et le château, son fils le fera rebâtir presque entièrement.
Un château inscrit dans l’Histoire
Les seigneurs d’Amboise le tiennent jusqu’au début du XVe siècle, après quoi le château devient propriété de la Couronne. En 1428, Louis d’Amboise, ancien compagnon de Jeanne d’Arc lors de la libération d’Orléans, organise avec ses complices André de Beaumont et Antoine de Vivonne, un complot pour enlever Georges de la Trémoille, favori de Charles VII, et l’évincer du Conseil royal. Louis d’Amboise sera finalement condamné à mort, puis gracié, mais son domaine lui est confisqué en 1434. C’est à partir du règne de Louis XI, que le château va connaître sa période la plus faste. Le roi y installe sa femme Charlotte de Savoie, ses filles Jeanne et Anne de France, ainsi que son héritier, le futur Charles VIII. Né et élevé au château, celui-ci y est attaché et en fait un véritable palais. A son avènement, en 1483, il lance quatre phases de travaux où plus de 250 maçons travailleront continuellement : la construction de la chapelle Saint-Hubert, l’aile dite de « Charles VIII », les tours des Minimes et Heurtault et un parc aménagé sur la terrasse, supervisé par Raymond de Dezert, bailli d’Amboise. C’est à Amboise que Charles VIII va mourir, le 7 avril 1498, victime d’une hémorragie cérébrale après s’être cogné contre un linteau de pierre dans un des passages du château. Quelques jours avant, Anne de Bretagne, son épouse, avait accouché d’une fille qui n’a pas survécu. Pour dissiper sa tristesse, le roi va la chercher à ses appartements pour l’inviter à assister à une partie de jeu de paume dans les fosses du château. Il passe par la galerie Hacquelebac, dont l’une des portes est très basse. Le roi ne se baisse pas assez et se cogne la tête. Il s’écroulera un peu plus tard pour ne jamais se réveiller.
Son successeur et cousin Louis XII fait construire une aile parallèle à celle de son prédécesseur. N’ayant pas de fils, le roi installe à Amboise Louise de Savoie et ses enfants, Marguerite d’Angoulême et François d’Angoulême, son héritier présomptif. Une fois roi, François Ier y passera huit mois en 1518 avant d’espacer et de plus en plus ses séjours pour se consacrer à la construction de Chambord. François Ier y installe pourtant le prodige de la Renaissance, Léonard de Vinci, au manoir du Clos-Lucé, qu’un tunnel – dont les premiers mètres sont encore visibles – reliait au château. C’est aussi dans ce château que Léonard de Vinci s’éteint, le 2 mai 1519. Les peintres Ménageot et Ingres – sur la foi d’un texte de Vasari – réaliseront des toiles mettant en scène cette mort dans les bras de François Ier. Un chef d’œuvre mais loin de toutes réalités. En effet, le roi était à ce moment-là au chevet de son épouse, Claude de France qui venait d’accoucher, le 31 mars, du futur Henri II. Ce dernier ne sera d’ailleurs pas aussi bâtisseur que son père et ne fera qu’agrandir la partie orientale du château.
Un fleuron du patrimoine français
En 1560, a lieu un épisode tragique des guerres de Religion : la « conjuration d’Amboise » où des protestants tentent d’enlever le jeune roi François II, le considérant trop proche des Guises, chefs des catholiques. Ils échouent et sont pendus aux balustrades du château. La reine mère Catherine de Médicis renforcera la sécurité du château en édifiant un bastion. Mais le déclin du château en tant que résidence royale est en marche. Henri III n’y séjourne quasiment plus et le transforme en prison. Après une courte résidence de Gaston de France, frère de Louis XIII, le château sert à nouveau de geôle sous Louis XIV (pour Nicolas Fouquet en particulier). A la Révolution, le château, placé sous séquestre en 1793 à la mort du duc de Penthièvre son propriétaire, devient un bien public. A la Restauration, Louis-Philippe en hérite de sa mère. Duc d’Orléans puis roi des Français, il ordonne nombre de travaux : modification de la rampe d’accès, dégagement des remparts après la destruction des maisons alentour, l’aile Louis XII est restaurée. Après la Révolution de 1848, l’État redevient propriétaire d’Amboise et y installe l’émir Abdelkader avec son entourage, prisonniers de guerre à la suite de la conquête de l’Algérie. Le futur Napoléon III, prince président, le libérera en octobre 1852. A la chute du Second Empire, le château retourne aux Orléans qui le transforment en hospice.
La Seconde Guerre Mondiale marque le dernier tournant. En juin 1940, plus d’une centaine d’obus tombent sur le château d’Amboise, endommageant la chapelle, la tour Garçonnet et celle des Minimes. Les Allemands s’en servent comme dépôt d’armes et d’un poste de communication jusqu’en juillet 1944, lorsqu’un bombardement allié frappe la façade, les vitraux et le toit de la chapelle Saint-Hubert. Depuis lors, le château fera l’objet de plusieurs campagnes de rénovation. En 1974, le comte de Paris, le prince Henri d’Orléans, en tant qu’héritier de la famille royale de France, place le château familial d’Amboise au sein de la fondation Saint-Louis, avec mission d’en assurer l’entretien et le rayonnement.
Sasha Lechauve