L’un des plus anciens royaumes nilotique du Soudan du Sud a été restauré, plus de 100 ans après la mort de son dernier monarque, a annoncé le gouvernement. Ce 9 février, Atoroba Peni Rikito, arrière-petit-fils du dernier monarque assassiné par des policiers britanniques en 1905 et héros de l’histoire africaine pour avoir résisté aux colons et aux arabes du Mahdi fou, a été couronné souverain d’un peuple qui rassemble plus d’un million d’habitants répartis à travers trois pays.
Répartis entre le Soudan du Sud, le Congo et le Centrafrique, le peuple nilotique Zandé a marqué l’histoire de l’Afrique par ses nombreuses conquêtes militaires. Un empire qui ne va pas tarder à être morcelé lorsque la colonisation européenne débute sur le continent. Des britanniques qui entendent mâter cette ethnie chrétienne animiste aux mœurs sexuelles bien trop débridées selon eux. Monté sur le trône en 1870 à l’âge de 35 ans et après s’être débarrassé des autres prétendants, le roi Gbudwe méprisait à la fois ces blancs et les égyptiens qu’il qualifiait de « sales barbares ». Il va mener une guerre impitoyable contre eux, dirigeant lui-même ses troupes à l’assaut des garnisons anglo-égyptiennes et françaises. Il faut attendre 1882 pour que les européens ne finissent par le battre et l’embastiller L’arrivée brutale sur la scène politique du Mahdi fou pousse alors les britanniques à utiliser sa haine des arabes pour en faire un allié de poids. Libéré, le roi Gbuwe se lance à l’attaque des mahdistes, exterminant de près ou de loin à tout ce qui ressemblait à un protégé de Sayyd Mohammed Abdullah Hassan (qui a sa statue équestre au Soudan du Nord). Quand il ne les faisait pas manger. En 1898, il défait les derniers partisans du mahdi à la bataille de Burekiwe (Yambio), restée dans les annales de l’Histoire.
Inépuisable, Gbuwe décide de libérer ses peuples qui sont sous domination des blancs, en particulier celles situées au Congo Belge. En 1904, il envahit la colonie et répand la terreur avec son sifflet censé le protéger des balles et qu’il souffle avant toute bataille. Repoussé dans le Zandeland, cette ultime guerre va considérablement affaiblir son pouvoir. Ses vassaux font défection et signent les uns après les autres des protectorats avec les britanniques. Lorsque ces derniers pénètrent dans son royaume, il le retrouve seul, assis devant sa case, complètement abandonné. Dans un dernier sursaut, il va résister et blessé les askaris britanniques venus l’arrêter. Un combat digne de « David contre Golitah » s’engage. Durant plusieurs dizaines de minutes, le vieux lion va résister avant d’être à bout de balles. Il est arrêté et mis en détention. De sa mort, diverses thèses ont été élaborées tant le mystère demeure. Affamé à mort ou assassiné dans sa prison par les britanniques qui l’enterrent à la hâte, laissant sa tête dépassé de sa tombe et qui sera à peine cachée. La monarchie du Zandé, qui avait deux siècles d’existence, est abolie et reléguée dans les pages jaunies du colonialisme.
« C’est un moment important dans l’histoire du peuple Azande. Nous allons pouvoir restaurer notre culture et promouvoir la coexistence pacifique entre nos communautés » a déclaré le prince Daniel Badagbue Rimbasa, frère du nouveau souverain zandé, au micro de la BBC. Le gouvernement du Soudan du Sud a décidé de réinstaller un monarque à la tête du Zandeland. Le roi Gbuwe a été réhabilité comme héros national et une plaque a même été érigée en mémoire de son « martyr ». « Nous n’entendons pas reconstituer notre empire mais nos enfants doivent savoir comment nous avons été exilés, comment nous avons vécu et qui est celui qui va les diriger, un homme très fort issu de leur famille royale » a déclaré le prince Daniel. Arrière-petit-fils du roi Gbuwe, Atoroba Peni Rikito Gbudue a été couronné en grande pompe le 9 février, date correspondant à la commémoration de la mort de son aïeul. Le gouvernement s’était déplacé afin d’assister à l’événement, mené par la présidente du parlement Jemma Nunu Kumba et le ministre des Affaires étrangères, Barnaba Marial Benjamin, qui représentait le président Salva Kiir.
« Aujourd’hui, nous honorons la mémoire du roi Gbuwe et sa philosophie de vie. Nous devons nous souvenir de ses rêves de société multiculturelle où chacun aurait eu sa place » a déclaré le nouveau souverain. « Nous sommes fiers de ce roi, notre héros qui a su non seulement défendre son territoire mais qui a aussi défendu tous les africains des invasions arabes. Nous sommes fiers qu’il soit mort en continuant de les défendre » a ajouté Emmanuel Adil, gouverneur de l’État d’Equateur-Occidental dont dépendra le nouveau souverain. Le Soudan a été longtemps frappé par des combats politico-religieux avant que sa partie sudiste majoritairement chrétienne ne fasse définitivement sécession en janvier 2011. Deux pays désormais irréconciliables.
Frederic de Natal