Depuis le déclenchement de la Révolution française, c’est une certaine fièvre qui s’est emparée des milieux royalistes. Pour beaucoup d’absolutistes, Louis XVI est devenu l’otage des jacobins les plus extrêmes qui l’ont contraint à accepter une constitution au mépris de ses droits divins.  Nous sommes alors en 1791, la Nation s’est réconciliée avec le roi mais chaque camp continue de se regarder en chiens de faïence, suspectant l’autre de conspirer à son avantage. C’est dans ces circonstances que va éclater l’affaire des « chevaliers du poignard ».

Le 28 février 1791, Paris se réveille au son des rumeurs. On raconte partout dans la capitale que les royalistes vont organiser une « Saint-Barthélemy » des patriotes. On s’arme, on suspecte chaque aristocrate poudré d’être à la tête d’un complot dont nul ne connaît l’origine. La foule gronde obligeant l’Assemblée nationale à se rassembler, tambours battants, alors qu’elle doit légiférer sur un projet de loi interdisant toute émigration vers les autres monarchies frontalières. Le départ des deux tantes du roi a mis en colère une partie des élus. « Agitation, émotion, fièvre universelle, vaste et général murmure du dehors et du dedans » nous raconte même l’historien Michelet dans son Histoire de la Révolution française. Jean-Paul Marat ameute ses partisans et somme de chasser « les députés infidèles ». Mais lesquels ?  Son journal ne nomme personne, a repris des informations glanées dans la rue et tout porte à croire que les royalistes ont manipulé les révolutionnaires afin de les diriger vers le château de Vincennes, futur Bastille en devenir du moment.

Château de Vincennes, le 28 février 1791

Une conspiration royaliste 

Car il y a bien une conspiration mais pas celle que le peuple croit. Il s’agit de sauver Louis XVI et sa famille, les exfiltrer de Paris afin de pouvoir organiser la résistance et rejoindre l’armée des émigrés. Un plan rondement mené puisqu’il réussit à faire sortir le général de Lafayette et la Garde nationale de sa caserne afin qu’il rejoigne Vincennes. Un par un et en cachette, plus de deux cents gentilshommes pénètrent aux Tuileries armés de pistolets, épées, poignards et couteaux. Comprenant qu’il a été dupé et vif d’esprit, le héros des Amériques se précipitent au palais royal, trouve une nouvelle garde hétéroclite qui entoure le roi Louis XVI. Le marquis est consterné par cette aventure, fait pression sur le monarque en lui rappelant qu’il ne « peut plus le protéger des excès du peuple s’il n’ordonne pas à ses partisans de se retirer ».  Lafayette est hors de lui quand il apprend qu’ils sont ici pour l’escorter à la frontière du royaume. Il presse le souverain de renoncer à cette fuite. Les minutes défilent à une vitesse folle. Louis XVI se sent perdu, étouffé par l’atmosphère et finalement obtempère. Les aristocrates acceptent de se retirer sous les quolibets de la Garde nationale qui maltraite les royalistes.

Le chevalier de Belbeuf avec une estampe représentant les conspirateurs

Le roi responsable de l’échec

Cet échec, que l’histoire va retenir dès le lendemain sous le nom de « conspiration des chevaliers du poignard », va provoquer le départ en masse de nobles du royaume, déçus par l’attitude et l’indécision du roi qui refuse de faire couler le sang. Mais qui a organisé ce complot à qui on a donné trop d’importance ? On pointe du doigt le marquis de Villequier, premier gentilhomme en chambre, qui quitte la France et devient un agent actif au service des princes. Il est celui qui écrit au général Bonaparte  afin de lui demander de mettre son épée au service de Louis XVIII. En vain.  On cite aussi le chevalier de Belbeuf, ancien député de la noblesse aux Etats généraux de 1789, et qui peu de temps avant la prise de la Bastille accusé le duc d’Orléans de trahir son roi, ou encore le chevalier de Rougeville qui devait encore jouer un autre rôle plus tard dans l’Histoire de France. Un homme qui va donner naissance au personnage d’Alexandre Dumas, rebaptisé pour l’occasion Chevalier de Maison rouge et dont le roman a été adapté plusieurs fois au cinéma avec succès.

Quatre mois plus tard, c’est Varennes. Un épisode qui va signer à court terme la fin progressive de la monarchie. Louis XVI avait décidé de s’enfuir avec Marie-Antoinette et ses enfants. Trop tard pour l’Histoire. Son destin était scellé et ne pouvait  trouver qu’une fin malheureuse sous la lame froide de la guillotine. 

Frederic de Natal